Il existe, sous Paris, plusieurs réseaux entremêlés de galeries pour le métro, les égouts, la tuyauterie en tous genre, les câblages et les conduites de gaz. Parmi eux, les kilomètres de couloirs des anciennes carrières de calcaire et de gypse dont on extirpa la matière pour construire la ville ; et bien sûr les ossuaires issus du démantèlement des cimetières parisiens. Ces deux derniers réseaux sont regroupés sous le vocable de « catacombes ».

Les entrailles de Paris

Le petit bouquin de Gilles Thomas – grand cataphile devant l’éternel – est est un livre d’histoire consacré aux catacombes, qui propose une visite hyper détaillée des souterrains de notre capitale. Notons au passage que le sous-titre Histoire du Paris souterrain est un peu trompeur puisqu’on y évoque le métro et les égouts que pour leurs liens aux catacombes. Mais passons.

S’intéresser aux catacombes, c’est redécouvrir l’histoire de la ville en elle-même. Les siècles passent peut-être moins vite, ou différemment, en bas qu’en surface et les strates superposées de vies parisiennes y sont peut-être plus lisibles pour des yeux avertis. Faire des travaux en bas, dans ces tunnels infinis et obscurs, est très compliqué. Et comme les tunnels ne servent plus à rien ni à personne, on ne s’y aventure que pour la visite, et les travaux de surface. Tout ce qui en dessous et qui n’est pas concerné par lesdits travaux, reste en l’état.

C’est ainsi que les changements du souterrain répondent à d’autres enjeux et une autre temporalité que le monde de la surface. En résulte une ville-sous-la-ville, comme un négatif avec ses légendes, ses monuments, ses activités underground et officielles. Une mine d’inspiration parfaite dans son genre, pour quantité d’écrivains convoqués par Gilles Thomas au fur et à mesure de ses propres pages.

La poésie des profondeurs

Il y a de la poésie dans l’amour de Gilles Thomas pour les catacombes ; tout un vocabulaire technique mêlé de littérature et d’expressions propres au microcosme underground. Si l’auteur rappelle tout au long de son livre l’abus de langage que constitue l’emploi du terme « catacombes » pour parler des carrières (qui ne sont pas toutes des ossuaires), c’est peut-être subtilement pour rappeler le caractère de monument historique de l’ensemble – et éviter les généralisations gothisantes.

Car tout le décorum catacombesque mondialement connu, celui des cata officielles (qui se visitent comme un musée) de l’ancienne place d’Enfer (aujourd’hui Denfert-Rochereau), a été voulu par un seul homme – Charles-Axel Guillaumot, l’inspecteur général des carrières – et déjà, à l’époque, pour la visite. Depuis leur création ou pas loin, les catacombes ont toujours été lieux de fréquentations non-officielles (trafics, balades nocturnes, caches providentielles, fêtes souterraines…) et de tourisme pour les bourgeois du dix-neuvième venus s’encanailler au « Royaume des Morts ». Les catacombes romantiques à base de crânes empilés et de sentences latines impérieuses sont une création touristique dès leur origine, ou du moins dès leur réaménagement pour officialiser les visites nombreuses qu’elles recevaient déjà. Ce qui n’enlève rien au charme du lieux, ni à son côté magnétique pour les amateurs de fantastique ou de sensations fortes. Car les six millions de morts entassés là sont bien réels, eux qui viennent des divers massacres qui égayèrent la vie parisienne des dix-huitième et vingtième siècles, mais surtout du vidage des cimetières encombrant la capitale (celui des Saint Innocents, aux Halles, en premier lieu). Il y a là dedans les restes intranquilles de presque trois fois plus de monde que la population parisienne actuelle ! De quoi largement se demander ce qu’on pu voir les yeux qui peuplaient tous ces orbites aujourd’hui dévidés.

En plus d’être un très beau mot de la langue française, les catacombes sont un lieu magnétique et fascinant. Un authentique labyrinthe plongé dans le noir et aux accès cachés, interdits. Un lieu où les souvenirs de plusieurs époques stratifiées se font peut-être plus palpables qu’ailleurs. Une source d’inspiration en or pour les récits en tous genres qui romancent la vie parisienne, en complément peut-être de la Rue des Maléfices et des milliers de légendes urbaines, réelles ou pas, qui font la mythologie de la ville.

~ Antoine St. Epondyle

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