God Bless America

Punk's not dead

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Il y a les films qui nous plaisent. Il y a les films qui ne nous plaisent pas. Il y a ceux dont on ne pense rien. Et il y a les films qui nous submergent. God Bless America, long métrage sous-distribué, et réalisé par une clique d’inconnus, est de ceux là.

Le film raconte une histoire abominable de manière franchement jouissive, et incite à la prise de recul, tout en repoussant les limites du politiques incorrect jusqu’à l’indéfendable. En résumé, God bless America est un film du genre trop rare.

A travers le récit de deux anonymes sillonnant les Etats-Unis dans un road-trip meurtrier, le film aborde divers thèmes très engagés et actuels : la bêtise du système médiatique, l’agressivité des gens envers les autres, la vacuité des relations sociales, l’intolérance et l’inculture de nos contemporains.

Le pitch est aussi simple qu’efficace.

Frank est un américain de base, qui vit une vie sans intérêt dans un pavillon de banlieue, entre son ex-femme et sa fille qui l’ignorent, un travail quelconque et une tumeur au cerveau. Ses moments de détente se résument à contempler la profondeur de la bêtise et de la violence humaine étalée à la télévision.

Alors un jour Frank décide d’aller tuer une héroïne de télé-réalité, comme ça, au lieu de se suicider. Son forfait accompli, il rencontre Roxy, une jeune lycéenne paumée qui se joindra à lui dans un road-trip sanglant.

God Bless America raconte donc l’histoire de l’un de ces spree-killers qui ensanglante les Etats-Unis régulièrement et provoque l’émoi général. Le personnage est un individu totalement banal qui pète un plomb, s’empare de son flingue et va descendre des gens dont l’abyssale connerie l’écœure et le met hors de lui. C’est là que le film frappe très fort : en créant une empathie totale entre le spectateur et le duo principal, dont on partage les sentiments d’usure, de trop-plein, de dégoût et d’énervement.

Le réalisateur Bobcat Goldthwait propose une vision horrible (et réaliste) de la société américaine, à laquelle ses personnages répondent de manière ultraviolente, indifférenciée et totalement vaine. Le retournement de point-de-vue est géré avec beaucoup de finesse et d’humour, ce qui rend le film à la fois terriblement efficace du point de vue cinématographique et franchement dérangeant à tous les autres niveaux.

Totalement indéfendable sur le plan moral, le film n’est clairement pas un programme politique. Les personnages du film n’ont d’ailleurs aucune ambition de changer le monde, aucun plan de secours, et ne cherchent à véhiculer aucun message. Ils se content d’avancer en dézinguant les connards immoraux qui pullulent sur leur chemin. Sans prôner le meurtre, God Bless America en propose en tous cas une explication possible, comme le fit Marilyn Manson en son temps dans son interview donnée pour le film Bowling for Columbine.

Les personnages principaux sont incarnés par des acteurs talentueux et méconnus, Joel Murray et Tara Lynne Barr qui incarnent mieux que quiconque le mot d’ordre « No Future! » sous leurs allures de monsieur et mademoiselle tout-le-monde. La réalisation assez lente laisse la part belle à des dialogues très bien écrits et drôles, qui forgent toute entière l’identification aux personnages y compris en VF. Mention spéciale pour la bande originale, qui alterne entre discrétion et retour en fanfare, en restant toujours très bien amenée et pertinente ; entre Schools Out et I’m Not Like Everybody Else.

Pour résumer, God Bless America est l’un de ses films improbables et underground, probablement haï dans son pays d’origine et qui le lui rend visiblement bien. Très loin des standards d’Hollywood comme du cinéma indépendant classique, c’est une petite pièce de génie qui crache à la gueule du politiquement correct et de l’opinion publique. Sans conteste l’un des meilleurs films qu’il m’a été donné de voir cette année, il surprend comme un coup de flingue, et sonne comme un gros « Fuck » au conformisme et au culte de la connerie omniprésent. En mettant son public dans l’inconfortable position du complice, le film incite à la prise de recul et dénonce la part stupide, méchante et suiviste en chacun de nous. Bref, un petit chef-d’oeuvre punk qui fait plaisir à voir.

~ Antoine St. Epondyle

4 Commentaires

  1. j’ai vu la bande-annonce, et je trouve que ta critique n’appuie pas assez sur le coté « pétage de plomb ». certes, c’est une critique et blabla, personnellement j’avoue avoir un peu trop de préjugés méprisent sur les amerloques mais les deux personnages sont quand même des tarés qui tirent sur trois jeunes qui ont juste fait l’erreur d’être con ; balancer des pop -corns condamne-t-il à la mort ? passer à la télé réalité ? bon ça d’accord, mais le reste est complètement disproportionné. Je sais bien que tu ne dis pas le contraire (ce qui serait un minimum inquiétant), mais personnellement c’est ce qui m’a le plus marqué, et en visionnant la bande annonce je n’ai pas retrouvé le film que tu le décrivait. après peut-être que les images de la BA ont été choisies pour choqué et que le film comporte autre chose…

    • La bande annonce ne suffit sans doute pas à retranscrire le propos du film entier. J’ai hésité à lé mettre, tu vois la question se posait visiblement.

      Le film joue justement de ce paradoxe fondamental. Il n’excuse pas les tueurs et en même temps, il les montre s’épanouissant dans un carnage gratuit là ou la vie quotidienne les bouffait complètement. Finalement, le film ne s’étend pas sur l’immoralité incontestable de leurs actes, mais questionne plutôt la société qui produit ce genre de pétages de plombs.

      Je t’encourage à le voir, je pense que ce film ne laisse de toutes façons pas indifférent.

      • j’y penserai. malheureusement, il ne fait que s’ajouter à la liste des films géniaux qu’il faut que je voie d’urgence. je ne suis pas vraiment ce qu’on pourrait appeler un cinéphile pur et dur (je dois d’ailleurs me contrôler devant chaque film avec un peu d’action pour ne pas faire insupportablement remarquer les trucs irréalistes)

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