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L’industrie du X n’a pas attendu les robots sexuels ni les mondes virtuels persistants pour encourager les pratiques « amateurs » et « uberiser » une partie de son modèle en s’appuyant sur le digital labor sexuel, c’est à dire en monétisant les flots de vidéos, photos, romans érotiques et autres, produits par ses propres communautés. Ou comment déplacer la production chez le consommateur lui-même pour nourrir sa plateforme. Crowdsourcing, quand tu nous tiens.
La plateforme (dominante) Pornhub est, sur ce sujet, probablement la plus aboutie du genre. L’importance du mot-clé « amateur » supposé mettre en scène des ébats sexuels entre non-professionnels se place d’ailleurs en première position des termes de recherches en 2019 sur son site Internet.
Digital labor
Dans son ouvrage En attendant les robots, Antonio A. Casilli définit le digital labor comme l’ensemble des pratiques qui mènent à la « tâcheronisation » du monde du travail plus qu’à son remplacement par l’automatisation. Il en repère deux catégories principales :
- Le travail à la demande, activités proposées de l’acheteur au vendeur et intermédiées par une plateforme, ostentatoirement associées à la « sharing economy » (Uber, Deliveroo…).
- Le micro-travail, payé à la micro-tâche quelques fragments de centimes.
Chacune de ces formes de travail est basée sur, ou orientée vers, la production massive de données utiles au fonctionnement des services qui les rendent possibles. Et c’est justement pour accompagner ces formes de travail que la plateforme Pornhub, leader sur le marché juteux de la pornographie en ligne, développe depuis plusieurs années un véritable programme de développement de sa communauté semi-professionnelle. L’un des programmes les plus développés au monde, sans doute, avec Twitch et Youtube.
D’où viennent les vidéos de Pornhub ?
Le cœur de métier de Pornhub est l’agrégation / hébergement de vidéos porno, la vente d’espaces publicitaires et d’accès premiums permettant de débloquer des fonctionnalités à ses membres. L’idée est classique : les (millions) d’utilisateurs gratuits sont exposés à la pub, les autres payent pour la supprimer, dans les deux cas Pornhub gagne bien sa vie. La vente de sextoys, produits dérivés et autres accessoires est une source de revenus complémentaire (et probablement bien moindre).
Les vidéos elles-mêmes sont donc le cœur du réacteur, la ressource essentielle et différenciante du site, sur un marché ultra-concurrentiel. Elles sont issues de trois grands modes de production, auxquels les visiteurs accèdent indifféremment. La recherche et consommation de vidéos X est plutôt basée sur le contenu (japonais, teen, mature, hentaï, amateur… pour reprendre les catégories les plus populaires [et il y aurait à en dire]) que sur la manière dont ces vidéos ont été conçues. Ces trois modes de production sont les suivants :
- Les vidéos externes hébergées là pour gagner en visibilité. Une boîte de production place ses vidéos sur Pornhub comme elle le ferait sur Youtube, pour se faire connaître et utiliser les services d’hébergement et le trafic de la plateforme.
- Les « pornstars », elles aussi gérées par des boîtes de production, c’est-à-dire les acteurs et actrices professionnels disposant d’une chaîne de contenu dédiée répartie entre direct et différé. Le contenu est alors natif et de qualité professionnelle.
- Les vidéos de la « communauté », créées par les utilisateurs de la plateforme quel que soit leur niveau de professionnalisme. Et c’est là que ça m’intéresse tout particulièrement.
La navigation sur Pornhub ne permet pas avec certitude de savoir qui fait quoi, ni d’où viennent exactement les vidéos. (Ce qui pose d’énormes problèmes de traçabilité, d’ailleurs.) « Amateur » est une catégorie thématique supposée regrouper des vidéos non-professionnelles, mais elle comprend en fait pas mal de vidéos de « pornstars » copiant le style home-made du genre. De mode de production, « Amateur » est devenu un genre.
Pour faire monter en qualité le niveau de son contenu, la plateforme déploie des efforts importants pour engager ses membres à la production intensive… et pour faire monter en gamme la qualité de leur contenu. C’est ce qu’elle appelle le « Pornhub model program ».
Le programme en question cherche à faire de l’amateur lambda (ou l’amatrice, vu les photos) un « model » à part entière. Vantant « de multiples sources de revenu » et une batterie « d’outils marketing pour faire grandir votre marque » la plateforme vend dans son abonnement premium des tas de bonnes raisons de devenir « pornstar ». Des ressources documentaires (tutoriels) et une hotline dédiée sont disponibles pour professionnaliser les modèles – ainsi qu’un habile blocage géographique permettant d’assurer que ses proches et collègues ne tomberont pas sur leurs vidéos un dimanche soir pluvieux.
Une fois inscrit(e), le modèle disposera de sa chaîne et avec elle d’une batterie de modes de diffusion : flux d’actus, photos, vidéos, playlists, fan-club dédié, abonnements, etc. Réseau social quand tu nous tiens. Mais Pornhub ne se contente pas d’être un Facebook du porno, il va également plus loin en gamifiant l’usage de sa plateforme par la communauté via un système de badges digne de nos forums des années 2000…
… ainsi que des prix mensuels et annuels, en milliers d’euros, alloués aux vidéos et contributeurs promus. Le « Hall of Fame » de la plateforme ne précise, toutefois, pas qui décide de la remise des prix, ni sur quels critères. Dans tous les cas, la concurrence est féroce ne serait-ce que par le volume des contributions hébergées sur le site.
D’ailleurs, l’ensemble des « models » de la communauté sont classés de 1 à X dans l’onglet « Pornstars » de son menu principal. Logiquement, ce sont les premières places qui accèdent à cet onglet et génèrent ainsi encore plus de vues sur leurs contenus par cette mise en avant. On imagine, bien entendu, que les premières places sont chères et demandent un engagement professionnel vis-à-vis de sa production sur Pornhub, un suivi by-the-book des règles d’édition de contenu et un respect psychorigide de l’algorithme, avec la dépendance à la plateforme qui va avec.
Pendant que les créateurs et créatrices alimentent la plateforme de leur contenu en espérant devenir des « Pornstars », leurs fans contribuent également en générant des likes, des abonnements, des commentaires et partages, tout un foisonnement de données utiles pour fonctionner et faire fonctionner le site, ses algorithmes de traitement et de monétisation (notamment publicitaire). Le système de tips intégré à la plateforme est sans doute le plus représentatif de cette captation de données (et de cash) :
On suppose que Pornhub n’omet pas de se rémunérer par un pourcentage sur ces pourboires. Il n’y a pas de petit profit.
Mise à contribution
Pornhub fonctionne donc en grande partie autour d’un quadruple digital labor. Qui que vous soyez, professionnel ou simple visiteur, boîte de prod ou webmaster, consommateur ou producteur de contenu, Pornhub vous met à contribution sur au moins quatre types d’interactions :
- Par les contenus produits par la communauté, que la plateforme induit, téléguide, professionnalise, diffuse et met en concurrence via son Model Program (avec un droit de vie ou de mort, de gloire ou d’infamie sur quiconque l’utilise).
- Par les interactions de la (gigantesque) communauté de visiteurs venant regarder, diffuser, liker, commenter ou rémunérer les contenus. La notation de ces derniers par popularité (nombre de vues) ou qualité (commentaires et notes positifs) participant de beaucoup à leur valeur perçue.
- Par le nécessaire travail de traitement des données et contenus, incluant leur modération (qu’on suppose hautement nécessaire pour éviter les dérives) et leur étiquetage-classification par la foule.
- Par la diffusion sur les réseaux partenaires des contenus Pornhub, grâce au système d’affiliation permettant de générer du trafic sur ses vidéos et donc d’augmenter leur valeur publicitaire. A ce titre la plateforme encourage à l’utilisation de son API pour des sites externes « partenaires ».
Chaque vidéo propose ainsi de participer à la traduction de son titre (généralement poétique), d’ajouter de nouveaux mots-clés, de la noter etc. Comme Facebook, Google et les autres mastodontes du genre qui proposent d’annoter, compléter les horaires des commerces, les métadonnées des films ou des livres, et en fait de tout « item » qu’ils se donnent pour mission de recenser.
L’ensemble de ce fonctionnement rentre précisément dans la définition de ce que Casilli nomme le « travail social » au sens où la communauté, par ses interactions et ses contenus, participe à donner sa valeur à la plateforme. L’utilisateur est un digital laborer, qui créé massivement de la donnée.
La valeur de la donnée
Au-delà de ce travail conscient (mais pas perçu forcément comme tel), les visiteurs comme les producteurs de contenus sont également soumis à l’extraction de données passives et inconsciente via les webanalytics, et à la notation inter-utilisateurs. Peut-être autant que les contenus, ces données sont consubstantielles à l’existence même de la plateforme.
Comme toute plateforme du genre, Pornhub n’a aucune valeur en soi. La valeur, c’est sa titanesque base de données… pour laquelle il mobilise des armées de consommateurs / producteurs / modificateurs de contenus qui lui permettent de cibler de nouvelles audiences et de mettre en avant les contenus les plus populaires en fonction des datas générées par les prédécesseurs, connectés, abonnés, ou pas. Parfois ce travail est rémunéré (sur le modèle de la récompense à la professionnalisation, par des badges, des primes, des revenus d’audience publicitaire), la plupart du temps il ne l’est pas lorsqu’il est extrait des comportements plus ou moins conscients des visiteurs sur le site.
Et alors ?
Le fonctionnement de Pornhub témoigne d’une entreprise ayant parfaitement assimilé et approprié les techniques à l’œuvre chez les plus gros acteurs du web (dont elle fait fièrement partie) : cesser de n’être que diffuseur de contenu pour devenir agrégateur des millions d’interactions, de production et de contenus produits par divers partenaires mais surtout par la communauté-même qui fréquente le site pour le consommer. Cesser, surtout, de produire quoique ce soit par elle-même, mais faire porter le risque et les coûts de production, écriture, tournage, montage et réalisation à des milliers de professionnels et semi-professionnels atomisés, entretenus dans une concurrence fébrile par l’impitoyabilité des algorithmes de la plateforme.
Et ce, quitte à « élever » des milliers de vidéastes amateurs pour en faire des « pornstars » en les incitant à passer à l’action, à enrichir la plateforme et à tenter de passer pro à leur tour en les formant, les rémunérant (sur résultats d’audience, risque zéro) et récompensant leur capacité à créer une communauté, à la faire revenir, rester et interagir.
De quoi poser pas mal de nouvelles questions, et donner quelques vertiges métaphysiques. Sans explorer toutes ces perspectives ici, qui d’ailleurs sont communes à YouTube, Facebook, Google, Twitch ou Pornhub, concentrons-nous sur ce qui est spécifique à ce dernier.
Logique partenariale et dépendance
En se positionnant comme le réseau social du sexe, Pornhub développe de beaucoup son modèle communautaire. Il devient alors essentiel pour la plateforme de retenir les utilisateurs sur le site. Comme pour Facebook, on n’y reste pas tant pour la plateforme en elle-même que pour la densité des interactions, historiques, contenus et messages que l’on y a déjà laissés. Une « pornstar » de Pornhub est incitée à rester pour profiter de sa note, de ses fans, de la réputation de ses contenus, fruits de son travail acharné et difficile. Et ses fans sont incités à interagir / s’abonner / revenir pour profiter des contenus « fans only », des messages privés et autres avantages offerts exclusivement aux abonnés d’une « Pornstar » donnée.
Pornhub se présente comme un partenaire permettant aux personnes désireuses de passer devant la caméra de le faire sur le site X le plus fréquenté au monde, avec une batterie d’outils et un accompagnement dédiés. Mieux : la plateforme forme ses « partenaires » en échange de quoi ces derniers sont incités à produire et à diffuser… sans obligation et gratuitement. Seules les données personnelles et les contenus servent de paiement. Cette « logique partenariale » séduit les créateurs et créatrices, agences de prod et simples amateurs ou amatrices qui cherchent une plateforme de diffusion pratique. Exactement comme YouTube en fait.
Exactement comme YouTube aussi, Pornhub fait tout pour rendre dépendantes les personnes qui y produisent du contenu. Aucune obligation n’est contractée (pas d’abonnement, pas de paiement) et rien n’empêche les personnes de partir sur une autre plateforme dès qu’elles ont été « professionnalisées » par Pornhub. Chaque contenu produit, chaque commentaire ou note laissée ou reçue concoure pourtant à lier un peu plus l’utilisateur à la plateforme. Ce n’est pas une fois qu’on a 100 000 abonnés et une note moyenne de 90% qu’on part recréer une audience de toute pièce ailleurs. Si les vidéos sont toujours la propriété des utilisateurs (et encore le concept de propriété des contenus sur Pornhub est très borderline), celles-ci sont prises dans un maillage extrêmement précis et complet de métadonnées qui les y ancrent.
Vu la concurrence des vidéos pornographiques en ligne, et la difficulté de les faire voir pour leurs producteurs, une bonne note et de bons commentaires sur Pornhub deviennent des actifs extrêmement valorisés sur lesquels se reposer, un capital qui joue sur l’indexation, la réceptivité des viewers, la bankabilité de la chaîne et donc ses possibilités de monétisation. Une valeur qui va bien au-delà de la vidéo en elle-même, puisqu’il n’y a rien qui ressemble plus à une vidéo de cul qu’une autre vidéo de cul – et que le secteur ne souffre pas de pénurie de contenu. Ce sont donc les métadonnées qui différencient et qui font donc la valeur de chacune des vidéos, au-delà peut-être de leur qualité intrinsèque.
Le métier de Pornhub est donc de s’assurer que ce maillage de métadonnées soit si dense et valorisé par les utilisateurs de toutes les typologies possibles, qu’ils ne quittent pas la plateforme. La dépendance à celle-ci est travaillée pour devenir maximale notamment via les algorithmes de recommandation et les mises en avant de créateurs d’un genre ou d’un autre.
C’est à partir de là que Pornhub pourra générer ses revenus publicitaires. Et en reverser un pourcentage savamment calculé aux producteurs de contenus pour s’assurer qu’ils restent les bons petits soldats capables de nourrir le monstre. Pour ces derniers, un changement d’algorithme d’indexation ou de pricing peut impacter très sensiblement la visibilité et les revenus de leur production.
Avec l’exploitation intensive de toutes les données produites par les utilisateurs à tous les niveaux d’engagement (même faibles), et la promotion intensive de toutes les formes d’interaction avec elle, Pornhub fait de chacun(e) de ses parties-prenantes un(e) travailleur numérique du sexe.
Réinventer le travail sexuel
L’arrivée d’Internet avait déjà mis un sacré coup au marché de l’époque (vente / location de DVD) en inondant les réseaux de contenus gratuits. A son tour, le digital labor poussé à un niveau industriel provoque « l’uberisation » du marché et sonne le glas des productions à l’ancienne pour passer à une production de contenus fragmentée par des millions de semi-professionnels devenant, du coup, des travailleurs et travailleuses du sexe – volontaires ou inconscients.
Comme souvent avec l’uberisation, cette tendance est ici présentée comme un formidable moyen de travailler à son compte, de conquérir sa liberté et de devenir entrepreneur-de-soi-même. Un discours en partie défendu par OllyPlum et Usul lors de leur interview sur le métier de camgirl donnée au Tag Parfait il y a quelques années.
« Au-delà du résultat, c’est aussi le contexte, la manière de produire compte beaucoup et signifie quelque chose : le faire à deux, être maître de ce qu’on fait, pouvoir l’uploader ou le supprimer. Je [Usul] suis marxiste et je crois que les conditions de production comptent beaucoup, on ne produit pas la même chose quand on est maître de son travail, plutôt que quand on est subordonné. »
L’avis semble partagé de l’autre côté de la Manche par Ashley Vex, figure du porno indépendant, qui disait au même média :
« C’est la seule façon pour les pornographes indépendants ou amateurs d’avoir le contrôle sur la promotion de leur contenu, plutôt que de le vendre à des grosses boites. Donc je suis totalement pour. [Les plateformes sont] le Esty du porn. Tout ce qui décentralise le profit et donne plus de contrôle aux individus est bon pour moi. C’est le futur ! »
Une pratique professionnelle revendiquée comme une forme de reprise en main des moyens de production vis à vis de l’industrie du X et permettant de garder les commandes de sa petite affaire. Une approche « marxiste » peut-être, qui s’approche pourtant aussi du rêve libéral ultime d’atomisation des travailleurs mis en concurrence les uns par rapport aux autres et rémunérés à la micro-tâche, uniquement sur pourcentage donc sans le moindre investissement de départ ni risque pour l’hébergeur. Le Tag Parfait publiait justement en 2017 un guide complet des outils utiles pour se lancer en indépendant. Accrochez-vous, c’est tout un monde.
S’arrêter à d’hypothétiques promesses de richesse et de gloire facile serait oublier un peu vite les dérives de la fausse indépendance promise par l’uberisation. Il appartient au milieu de s’organiser pour contrebalancer l’hégémonie des plateformes et de leurs politiques tant d’exploitation des contenus que de rémunération ; par exemple en promouvant des initiatives décentralisées ou des plateformes cogérées en dehors des multinationales. Si les contrats ne sont généralement pas exclusifs, le moindre revirement ou bannissement de la plateforme peut avoir des conséquences énormes sur les créateurs. Dans un univers aussi mondialisé et concurrentiel que le porno, de telles alliances ont nécessairement fort à faire pour fédérer et porter les voix des personnes concernées ; et lutter contre le risque du proxénétisme qui fait plus que planer au-dessus de ces milieux connus pour glisser parfois rapidement vers la traite d’êtres humains (avec laquelle ils ne doivent pas être confondus). Un syndicat existe, le Strass, qui s’attelle notamment à prendre en main ces tâches gigantesques.
Produire du X en indé est-il un métier comme les autres ? Quelle différence entre YouTubeurs, streameurs et camgirls ? Sur le plan strictement technologique : aucune. Tous alimentent des plateformes hégémoniques, soumis à leurs règles unilatérales, se professionnalisent pour sortir du lot et rêvent, sans doute, de percer auprès d’une audience suffisamment large un jour. Tous produisent des contenus gratuitement pour des mastodontes qui les mettent à contribution, ainsi que leurs audiences, pour produire la métadonnée qui fondera le socle de leur fortune. Tous dépendent d’une plateforme qui, pourtant, ne serait rien sans eux.
Conclusion
Cet essor de la production indé s’accompagne déjà d’un essor de la créativité, à la fois dans des pratiques moins proches des imaginaires porno mainstream et volontiers masculinistes / dominateurs / dégradants, et dans le type de relation que les producteurs et productrices de contenus tissent avec celles et ceux qui les consomment. Moins « chair à canon » que dans l’industrie, celles et ceux qui le souhaitent peuvent tenter de tisser une relation différente et, s’appuyant sur une communauté personnelle, et créer du lien.
Le milieu a d’ores et déjà été bousculée, et largement. L’arrivée massive des outils de réseaux sociaux sur des sites pornographiques signent le début de nouvelles pratiques cybersexuelles dont nous n’avons sans doute pas tout vu, et que cet article serait bien-sûr incapable d’épuiser. En produisant conjointement des types de contenus variés, asymétriques, et utilisés à diverses fins, les internautes décloisonnent la différence entre « acteur porno » et « consommateur de porno » et devenant tous producteurs à divers degrés… et donc partenaires d’une orgie mondiale aux facettes innombrables, orchestrée par un secteur industriel ultracapitaliste et sans pitié dont les dérives ne sont plus à prouver.
Alors que certains tirent des bénéfices substantiels (c’est peu dire) de cette révolution qui laisse sur le carreau les industries classiques, il va devenir urgent de questionner ces modèles, pratiques, et les imaginaires qu’ils véhiculent dans et hors le cyberespace. D’organiser, aussi, les modes de travail, les interrelations et les modes de consommation qui permettront d’inventer de nouveaux territoires cybersexuels. Que nous le voulions ou pas, nous en sommes – à tous les niveaux de l’écosystème – déjà partie-prenante.
~ Antoine St. Epondyle
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Un grand merci à Brian K. pour sa relecture avisée !
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A lire : le très complet Pornhub Insight où la plateforme diffuse ses chiffres et enseignements tous les ans.