Qu’est ce que la Science-Fiction ?

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Do androids dream of electric sheep ?
– Philip K. Dick, Blade Runner

Bien plus qu’un simple genre narratif, la science-fiction (SF) est un ensemble de genres et de concepts, tentaculaire et ramifié à l’extrême. Au même titre que le fantastique et la fantasy, c’est une philosophie de l’imaginaire sur laquelle se fondent des milliers d’oeuvres, d’artistes et de fans depuis des générations. Le terme à beau être employé à tort et à travers aujourd’hui, pour définir le genre d’un certain nombre de hideux navets d’Outre-Atlantique, il n’en demeure pas moins que la SF est à ce jour l’un des piliers, d’une richesse infinie, de l’imaginaire collectif mondial.

La science-fiction est l’imaginaire des esprits rationnels, les scientifiques, ceux qui pensent que tout l’univers pourra un jour être scientifiquement expliqué. Sont donc absolument proscrites les explications surnaturelles, les phénomènes paranormaux et bien entendu la magie sous toutes ses formes. Seule la science est à même de changer notre monde actuel et, une fois les mystères de l’univers expliqués au moins en partie, tout devient possible depuis les portails de téléportation jusqu’aux pilules nourrissantes universelles, ainsi que les créatures les plus incroyables. Le point commun de toutes ces choses : elles n’existent -dans le monde ou elles apparaissent- qu’en harmonie avec les lois de la science de l’univers en question. Ce qui ne signifie en aucun cas que toutes les manifestations extraordinaires de la toute-puissance scientifique sont monnaie courante et perçues comme banales par les personnages qui peuvent y être confrontés, cela signifie simplement qu’aucune intervention divine, aucune magie, aucun élément non-scientifique ne peut en être l’origine. Et si les personnages de la saga Alien par exemple sont complètement désemparés et incapable de comprendre les monstres auxquels ils ont affaire, ceux-ci sont néanmoins des créatures de chair et de sang (acide), des animaux intelligents terrifiants mais jamais surnaturels. En ce sens, la SF est un courant purement matérialiste.

On pourrait donc définir la science-fiction comme le postulat narratif dans lequel on exclut le surnaturel au profit des lois de la nature. Au final, les histoires racontées et les thèmes abordés pourraient l’être aussi bien dans d’autres contextes imaginaires, en fantasy par exemple, mais la philosophie qui guide l’oeuvre et ce qu’elle comporte d’imaginaire, est très différente. Malgré de nombreux balbutiements depuis la nuit des temps, on associe souvent la reconnaissance de première oeuvre de science-fiction jamais écrite au roman Frankenstein ou le Prométhée moderne écrit par Mary Shelley en 1818. L’histoire de la création avec des moyens scientifiques d’un monstre quasi-humain (un homoncule) par le docteur Victor Frankenstein permet à l’auteure de proposer une réflexion profonde et universelle sur le sens de la vie, la nature humaine et la toute-puissance de la science. De part ses thèmes précurseurs, le roman passe pour une oeuvre majeure de ce courant et créa le principe même d’une histoire scientifique de fiction vectrice de thèmes philosophiques majeurs.

Depuis cette époque, la science-fiction a engendré un certain nombre de genres propres dont les thématiques et les esthétiques varient autour de différents points communs et de divergence. La SF est connue pour posséder un nombre de ramifications et de sous catégories quasiment aussi importante que les sous-genres de heavy metal, dont la pertinence reste discutable passés les premières strates de définitions. Alors plutôt que de tenter vainement d’en débattre pendant les dix prochains mois, je vous retourne vers Celui Qui Sait et vous propose une petite sélection personnelle des genres majeurs de la science-fiction.

Soeldner X2 Ingame art 2, par ~Hideyoshi

Typologie des sous-genres de science-fiction

On appelle hard science-fiction le genre qui consiste en l’extrapolation des sciences et de la recherche actuelle dans des univers futurs, au sens strict. Les univers relevant de ce style ont pour objectif de respecter les connaissances actuelles et leurs projections futures afin de dresser un tableau, certes imaginaire, mais cohérent et fondé sur le réel autant au niveau scientifique et technique qu’au niveau des sciences humaines. Ainsi, les moeurs, les sociétés, les organisations décrites cherchent à coller au maximum au réel et aux futurs possibles, plaçant le souci du détail au niveau d’exigence absolue. Pas question donc de se balader à la surface de n’importe quelle planète avec la même gravité et la même atmosphère que chez nous comme dans Star Wars, ni d’utiliser des pistolets-laser à tout crin sans une source d’énergie valable. En hard science-fiction on est là pour imaginer, oui, mais dans un cadre strict.
Un certain nombre de projections utopistes utilisent le style de la hard SF, elles sont alors à mi-chemin entre la fiction et le réel. C’est par exemple le cas des dossiers de certaines revues plus ou moins vulgarisées qui imaginent notre civilisation une fois convertie aux énergies totalement renouvelables, ou la vie quotidienne dans les bases martiennes que l’homme pourrait fonder d’ici quelques temps. En fiction pure, on pourrait citer La Trilogie de Mars de Kim Stanley Robinson comme relevant de ce genre.

Le genre cyberpunk est basé sur la dystopie et trouve l’origine de son nom dans le slogan punk des 1960’s : « No Future ! » A l’inverse de l’utopie, on créé alors un des pires avenirs possibles pour l’humanité, généralement reléguée dans une semi-existence au sein d’un univers dégradé, glauque et totalitaire interdisant pour les personnage toute velléité d’atteindre un jour le bonheur ou l’accomplissement. Les sentiments, les opinions et les idées sont en général broyés comme aux pires heures de l’histoire, souvent sur la planète Terre et dans un futur pas si lointain. Les personnages et les histoires cyberpunk se construisent toujours en luttant contre l’inhumanité de leur monde, et par la révolte et la résistance réussissent à remettre en cause plus ou moins profondément le système. Les esthétiques du genre sont sombres, dégradées, brutales et réalistes ; le cyberpunk est avant tout un genre à message, utilisé par ses auteurs pour mettre en garde leurs lecteurs sur certaines évolutions dangereuses de notre société (contrôle de l’information, dérives totalitaires, consommation de drogues, négation de l’individu…)
Le cyberpunk est le genre phare de très grands noms de la SF comme dans la littérature Philip K Dick (Do Androïds Dream of Electric Sheep ?, Minority Report et tellement d’autres) et George Orwell (1984), mais aussi Enki Bilal (la trilogie Nikopol), Alan Moore (Watchmen) et Katsuhiro Ōtomo (Akira) respectivement en BD européenne, comics et manga. Au cinéma, on pourrait citer le Blade Runner de Ridley Scott ainsi que toutes les adaptations de K Dick, la trilogie Matrix, le film District 9 et les films d’animation Ghost in the Shell de Mamoru Oshii. Dans le monde du jeu vidéo, se sont bien entendu les franchises Half-Life et Deus Ex qui constituent le haut du panier, avec bien sûr la saga des Metal Gear. De part ses thématiques et son esthétique, c’est un genre qui se marie très bien avec celui dont je vais parler à présent.

Megastructure par ~Hideyoshi

Comme son nom l’indique, le courant post-apocalyptique prend pour point de départ la fin du monde. Après une destruction quasi complète de la civilisation, par des moyens qui peuvent varier de l’holocauste nucléaire à l’attaque de zombies en passant par la catastrophe écologique, les survivants hantent les ruines de l’ancien monde ravagé. Selon la durée qui sépare l’histoire racontée de la catastrophe en question (rarement représentée), les personnages essaieront de sécuriser et pérenniser leur situation précaire (28 jours plus tard) ou de carrément reconstruire une civilisation.
Contrairement au genre précédent, le post-apo est plus une occasion de développer un univers dépressif et violent, ramenant l’humain à l’état animal, que de faire passer un message engagé. Perçue comme inéluctable puisque déjà passée, la fin de la civilisation remet les compteurs à zéro et instaure la loi du plus fort entre les survivants, incapables dès lors de se faire réellement confiance et d’imaginer l’avenir plus loin que le lendemain. La subsistance immédiate étant l’un des principaux moteurs du genre. Néanmoins, post-apo et cyberpunk font très bon ménage et leur alliance peut donner lieu à l’émergence de chefs d’oeuvre comme le manga Akira cité précédemment.
La composante essentiellement visuelle du post-apocalyptique en fait un genre essentiellement développé au cinéma, dans la BD, le manga et le comics, ainsi bien entendu que dans les jeux vidéo. La littérature restant un peu en retrait malgré quelques pièces de maître comme La Route de Cormac McCarthy, également adapté avec succès au cinéma. Sur les écrans de cinéma on pourra penser à la série des Mad Max, au film d’animation Wall-E de Walt Disney, ainsi qu’à Delicatessen pour le cinéma français et Neon Genesis Evangelion pour les animés japonais. En termes de jeux vidéo, on pourra penser à la série culte des Fallout du studio Bethesda Softworks.

Probablement le genre de science-fiction le plus connu, le space opera est également le plus bariolé et le plus proche de la fantasy. Situés dans des univers et à des époques lointaines, les histoires de space opera mettent en scène l’exploration, les péripéties et les aventures de leurs personnages dans l’espace et sur de multiples planètes. Confrontés à des myriades de créatures extraterrestres plus ou moins fréquentables, les personnages principaux (toujours humains) voyagent beaucoup et vivent des aventures héroïques et riches en découvertes. La validité scientifique est ici tout à fait secondaire, voire inexistante, puisqu’on postule simplement qu’a cette époque et dans cet univers, la science permet de réaliser tel ou tel miracle technologique. La téléportation, le voyage à la vitesse de la lumière, l’utilisation de lasers à toutes les sauces est donc possible ; tout comme d’ailleurs les civilisations non-humaines les plus saugrenues. C’est à ce niveau que le space opera et la fantasy se rapprochent, puisqu’ils mettent en scène une grande diversité et ne s’interdisent pour ainsi dire rien. Seule l’explication de cette diversité change, puisqu’on admet le surnaturel dans un cas et pas dans l’autre.
Le planet opera est une variante de ce genre, dans laquelle les personnages sont confrontés à une planète unique et à ses mystères. L’histoire laisse alors une place importante à l’exploration et la découverte, et la planète elle-même prend une importance telle qu’elle peut quasiment être assimilée à un personnage à part entière. A titre d’exemple, on pourra citer le film Avatar de James Cameron.
En space opera classique, les exemples ne manquent pas. L’hexalogie Star Wars, la saga Stargate, mais également la série des Alien sont autant d’exemple cultes de déclinaisons de ce genre sur petit et grand écran. Absolument culte, la saga Star Wars a d’ailleurs fondé bien plus qu’un genre et a participé à la création et l’établissement d’un univers étendu mais également d’un bon nombre de standards du cinéma hollywoodien. En bande dessinée La Caste des Métabarons est un exemple d’univers de space opera original et en jeux vidéos, la franchise Starcraft des studios Blizzard est une des références en matière de stratégie en temps réel. D’autre part, le multivers Warhammer 40k décline sur de multiples médias son univers de space opera très riche, et enfin la saga littéraire H2G2 le Guide du Voyageur Galactique parodie l’ensemble avec un humour absurde typiquement britannique.

The Hatches, par ~Hideyoshi

Parmi les genres de science-fiction, l’uchronie (ou « histoire contrefactuelle ») occupe une place à part puisqu’elle s’intéresse non pas à ce que pourrait être le futur, mais à ce qu’aurait pu être le passé si les sciences, les sociétés et les civilisations avaient empruntées d’autres voies. En général à partir d’un évènement unique servant de base à la dissociation du monde réel et de l’univers imaginaire, l’uchronie brode un nouveau monde à partir de l’ancien. Les histoires se déroulent donc à des périodes passées mais différentes de l’histoire réelle, ce qui permet aux auteurs de détourner le monde connu pour en inventer les anté-évolutions possibles. Attention à ne pas confondre l’histoire adaptée (comme dans les oeuvres d’Alexandre Dumas par exemple) qui imagine le dessous des cartes mais ne change pas le court de l’histoire réelle, et les uchronies qui bifurquent a partir de l’histoire réelle jusqu’à rendre impossible le monde d’aujourd’hui tel que nous le connaissons.
Les oeuvres uchroniques ne manquent pas. Ainsi, on peut citer au cinéma les films tels que Capitaine Sky et le monde de demain,  ainsi que dans une certaine mesure le fabuleux Inglorious Basterds de Tarantino. Côté littéraire, le roman Fatherland de Robert Harris imagine la victoire définitive de l’armée allemande sur l’Europe après la seconde guerre mondiale. Dans le jeu vidéo, le très bon jeu de stratégie en temps réel World in Conflict imagine une troisième guerre mondiale issue de la guerre froide dans les années 1980. Enfin, certaines BDs dont un certain nombre d’aventures de Blake et Mortimer reprennent des éléments uchroniques dans leurs intrigues.
A noter également que le jeu de rôles papier se prête plutôt bien à l’uchronie, puisqu’il permet de créer de la fiction basée sur un univers connu de tous, au moins dans ses grandes lignes. On pourra citer le fameux JdR Deadlands qui propose une variation de l’histoire connue à partir du dix-neuvième siècle américain, ainsi que Tigres Volants le jeu écrit par monsieur Alias, qui bifurque du monde réel en 1989 (grande année) pour créer son univers original.

Enfin, un grand nombre d’histoires de superhéros relèvent bien de la science-fiction. Ces histoires racontent généralement le destin d’un individu confronté à une exception scientifique inconnue (un accident expérimental le plus souvent) qui lui confère des pouvoirs incroyables. C’est le cas de Peter Parker, devenu Spiderman à la suite d’une morsure d’une araignée mutante, ou des X-Men dont les super-pouvoirs sont dus à des évolutions de la race humaine, et peu ou prou celui de Captain America, des 4 fantastiques et de bien d’autres encore. Une exception à cette règle est constituée par Superman qui n’est autre qu’un extraterrestre en exil sur Terre et dont l’environnement terrien lui confère ses pouvoirs. Qu’on le confronte à un minerai issu de sa planète natale, Krypton, et il perd ses capacités.
Dire que la vérité scientifique des histoires de superhéros est contestable serait un doux euphémisme, tout comme la personnalité des personnage, l’originalité des histoires ou la pertinence des tenues vestimentaires. Mais l’essentiel du genre n’est pas là puisque le but de ces oeuvres est la transmissions d’idéaux forts et d’une certaine vision du monde, exhortant le spectateur à l’identification et à la reproduction dans la vie quotidienne des grands principes appliqués à la lettres par ses héros de papier. Essentiellement américains, ces héros sont la base du genre des comics et bien qu’ils aient donné lieu à de nombreuses variation et adaptation par la suite, il n’en demeurent pas moins les plus brillants représentants.

Avalon – New Horizon, par ~Hideyoshi

Chacun l’aura compris, ces genres  n’existent que par les oeuvres qui les font vivre à titre principalement indicatif. En effet, mis à part les exercices de style destinés à incarner au mieux tel ou tel genre de SF, les différentes oeuvres appartiennent globalement à plusieurs genres différents et peuvent créer à l’envi des passerelles entre ces derniers. Et comme on a pu le voir lors d’un article précédent, l’intéressant n’est pas tant de cataloguer exactement chaque étiquette que de jouer avec elles afin de créer un univers et une histoire originale à la croisée des genres. Dans tous les cas, un certain nombre de canons reviennent bien souvent, comme la présence de machines et de robots intelligents, les vaisseaux spatiaux, les voyages temporels, les extraterrestres, le clonage et les sociétés totalitaires par exemple.

En science-fiction comme ailleurs, on découvre d’ailleurs les chefs-d’oeuvre et les oeuvres cultes dans leur capacité soit à créer un genre, soit à l’incarner dans une voie foncièrement nouvelle par rapport à l’existant. Ce fut le cas du film The Matrix qui proposa un univers cyberpunk jamais vu jusqu’alors, inspiré de l’apport de la culture japonaise et de questionnements issus de la philosophie antique (voir ici), ou de la première trilogie Star Wars qui fonda l’ensemble des bases du space opera tel qu’on le connait aujourd’hui. Maintes fois plagiés et détournés par leurs successeurs, ces chefs-d’oeuvre modernes ont encore aujourd’hui une influence incommensurable au moins sur l’ensemble du cinéma actuel. D’autres oeuvres fondatrices, comme 1984 de George Orwell, sont certes plus datées mais demeurent d’une actualité brûlante à l’heure ou la réalité rejoint par des voies très inattendue une fiction dystopique perçue comme la pire des société futures envisageables. Et même si le fonctionnement proche des régimes totalitaires du XXème siècle de la société imaginée par l’auteur est à ce jour un peu désuète, le flicage constant (et consenti), lui est on ne peut plus d’actualité.

Je le disais en introduction, la science-fiction est l’imaginaire des esprits rationnels. Là ou les autres grandes philosophies de l’imaginaire comme le fantastique ou la fantasy privilégient les émotions négatives et positives, la science-fiction s’attache principalement à faire passer un message à son public par le biais de l’imaginaire. Message au sein duquel l’humain tient toujours le premier rôle. Support de créativité et de divertissement d’une puissance universelle, elle nous donne l’occasion de nous emparer de l’univers réel pour créer un monde à notre image. Un monde sans loi ni contrôle, sans limite ni frontière. Un monde, ou tout est possible.

Ce que nous en ferons, ne dépendra que de nous.

-Saint Epondyle-

Auteur et journaliste SF, fondateur de Cosmo Orbüs

Fondateur de Cosmo Orbüs depuis 2010, auteur de L’étoffe dont sont tissés les vents en 2019, co-auteur de Planète B sur Blast depuis 2022 et de Futurs No Future à paraitre en 2025.

16 Commentaires

  1. Ton article est fort fort intéressant ! Je me permettrai d’ailleurs de twitter et partager tout ça, ça me plaît !

    Bref, je me suis juste fait la réflexion en le lisant que « l’Instant d’Après » et le style post-apocalyptique te vont très bien. Bref, cela non plus n’étant pas très constructif, je m’en vais arrêter là mon commentaire. (Je t’avouerai que je ne me laisse pas le droit d’être inspirée, parce que je vais partir dans de grandes diatribes qui n’ont pas leur place chez Desjardins, en plein vendredi aprem’ ou les fiches sur les végétaux ne manquent pas.)

    Sinon, si tu as vu The Island, même si on ne peut trier chaque oeuvre par son style, tu en penses quoi ? Je suis pas très fan de la SF, parce que pour moi SF = Star Wars. Mais en fait, selon le sous-genre, j’aime bien certains films ou bouquins, et celui-là en fait partie !

    Et j’ai adore 1984 d’Orwell, aussi. Bref, passons, je suis au boulot, j’y retourne, et je te remercie au passage pour cet article passionnant ! Me suis pas égarée en route malgré sa longueur, et ça, c’est un compliment !

    • Merci du compliment alors, content que ça t’ait inspirée. :)

      Le postapo « me va » probablement bien, c’est surtout un de mes genres préférés qui selon moi ouvre des champs de possible absolument immense. L’idée de repartir de zéro est quelque chose que j’ai toujours trouvé très enthousiasmant, même lorsque ça ouvre sur des histoires terriblement violentes et sinistres.

      J’ai vu The Island avec Ewan McGregor effectivement. Si tu aimes ce genre de films je te conseille toute la volée des adaptations des romans de Philip K Dick comme Minority Report, Pay Check, Total Recall et l’excellent A Scaner Darkly. Vraiment, de la haute volée, bien au dessus de The Island si tu veux mon avis. :)

      Concernant 1984, c’est évidemment une oeuvre culte. J’essaie de le lire en anglais depuis peu, mais il faut avouer que quand on est pas habitué, c’est un petit peu difficile.

      Merci encore de ton passage et de tes compliments. Si j’arrive à me faire comprendre des néophytes sur ce genre de sujets, c’est que j’ai plutôt bien fait mon boulot.

  2. Passionnant article.

    Mais je ne pense pas que la SF ait pour autant une finalité matérialiste. Du moins pas toute la SF, cela va de soit. La plupart du temps, le matérialisme scientifique s’oppose à la SF justement, parce qu’elle se place dans l’imaginaire et prône de faux postulats et de dogmes dans notre réalité que le lecteur accepte sans avoir besoin de les discuter. De manière plus large, d’ailleurs, la SF ne s’associe pas à un courant philosophique, religieux ou politique précis. La SF n’est pas « de gauche et athée », pour caricaturer.

    Les anglo-saxons parlent plus de « speculative fiction » et ils n’ont pas tord, puisque la SF est une littérature de son présent, comme Alias citant Doctorow, et sert d’instrument spéculatif. Il est vrai que Gernsback a fondé la « scientifiction » d’abord comme outil littéraire de vulgarisation des sciences, et il est aussi vrai que les pulps et romans populaires ont lancé une SF des romances planétaires, spatiales et autres super-héros.

    Mais dans tous ces cas, l’un des axes ou intérêt de fond d’un roman SF reste toujours sa confrontation spéculative de notre présent, à notre société. La SF est une expérience du réel par l’écriture, tandis que la fantasy préfère s’embarquer directement dans l’irréel. Ce qui a donné l’occasion à certains auteurs, comme Heinlein dans « Glory Road », d’expérimenter le glissement de genre et de brillamment chercher la frontière entre SF et fantasy. Passionnant !

    • Merci de ton commentaire !

      A l’évidence tu es un maître-blogueur en la matière. Je pense néanmoins qu’en comparaison des autres « philosophies de l’imaginaire » (fantasy, fantastique, merveilleux, réalisme, etc.), la SF s’attache à garder un pied sur le terrain du rationnel. Toutes les manifestations extraordinaires sont supposées rendues possibles par une technologie plus ou moins connue et plus ou moins valable.

      C’est généralement pour cette raison que certains scientifiques s’opposent à certains univers SF, car ces derniers prennent des choses impossibles pour normales et expliquées scientifiquement. Pour les vrais chercheurs en la matière, ça ne passe pas. Symétriquement, en fantastique par exemple on explique pas (ou bien en disant « c’est maudit ! ») et donc on ferme le dialogue avec ceux qui éventuellement voudraient explorer des explications plausible.
      C’est une explication que j’avance en tous cas.

      • Ton commentaire me fait penser à un film que j’ai vu sur les conseils d’une amie non-scientifique : source code.

        Le concept est plutôt bien, c’est l’histoire d’un mec qui (re)prends connaissance dans un train à destination de Chicago. Comme s’il se réveillait d’un rêve il se retrouve là sans savoir pourquoi, ne connaît pas la fille qui lui parle et se comporte de manière très familière avec lui, il ne sait plus comment il s’appelle, bref il est amnésique.

        attention spoiler :

        Le train explose 10 minutes après, avec lui dedans. Le film recommence alors au début : dans le même train 10 minutes plus tôt. Le gars est toujours amnésique mais il se souvient de la scène d’avant, il se souvient qu’il vient d’exploser, donc il est en plein « déjà-vu », un peu comme dans Un Jour Sans Fin. Il se rend compte qu’il est pris dans une boucle temporelle, mais il apprend aussi que c’est un soldat américain, et que l’armée le force à revivre cette scène pour découvrir l’identité du terroriste qui a mis une bombe dans le train. Bon pourquoi pas, mais le truc c’est que le héros arrive finalement à interagir avec l’armée américaine « dans le présent », et il pose la question du : comment c’est possible d’être prisonnier d’une boucle temporelle, de remonter le temps à l’infini ? Et là les réalisateurs n’y vont pas de main morte, je cite mot pour mot la réponse du « scientifique » attitré de l’armée américaine dans le film : « et bien c’est un genre de mécanique quantique relativiste parabolique ».

        On a vraiment l’impression que les réalisateurs se sont dits qu’il fallait que ce soit futuriste, donc ils ont pris 4 mots compliqués et les ont mis bout à bout, et ça donne cette fumisterie.

        Autant le film était pas trop mal jusque là, autant cette explication complètement sortie du chapeau ça casse un peu le tout. Je conçois que le spectateur non-scientifique ne capte pas l’énormité de cette phrase, mais quand on s’y connaît un peu, ça écorche tellement les oreilles que le film dégringole au rang de nanar de manière irréversible. J’aurais tellement mieux apprécié une explication type « armée des 12 singes » : ça marche et on sait pas pourquoi. Au moins c’est réaliste.

        Comme quoi je ne pense pas que les esprits cartésiens, comme tu les nommes, recherchent une quelconque rationalité dans la SF, au contraire. Un film de SF qui assume pleinement son irréalisme, comme Star Wars ou Avatar dans une moindre mesure, et qui ne se perd pas en explication pseudo-réaliste, qui considère donc la technologie comme une certaine magie, est beaucoup plus agréable à regarder qu’un autre qui, en cherchant à jeter des passerelles bancales entre la réalité et l’imaginaire, perd toute crédibilité.

        Pour moi un film de SF, c’est comme une bonne plaisanterie, ça perd tout son charme dès qu’on l’explique.

        • Je suis entièrement d’accord avec toi là dessus Funky. En fait, je parlais simplement de la philosophie sous-jacente.
          Dans Avatar, on ne nous explique pas avec des termes fumeux (que même en étant non-scientifique on reçoit comme stupides) mais on nous dit que « par des procédés scientifiques » tel ou tel effet peut-être obtenu. Comme le fait de changer de corps, ou les vaisseaux spatiaux, ou tout le reste. Idem pour Inception par exemple. On nous dit « la science permet de… »

          Un bon paquet de navets se risquent à des explications scientifiques débiles, même si l’explication dans Source Code est risible, le film reste du domaine de la SF car il ne postule aucun pouvoir magique, aucune explication divine ou surnaturelle, mais la technologie. Après, je suis d’accord que c’est fait de façon très maladroite.

          Allez, pour le plaisir.

  3. petit correction en passant la caste des méta-barons n’a pas réellement créé d’univers original elle a seulement approfondi certains aspects de l’univers de la saga « l’incal

  4. Ou, pour rebondir sur la dernière phrase, « Littérature à potentiel heuristique pour temps incertains », comme diraient d’aucuns.
    Cf. « Littérature à potentiel heuristique pour temps incertains : la science-fiction comme support de réflexion et de production de connaissances », dans Methodos [En ligne], 15 | 2015. URL : http://methodos.revues.org/4178

      • Je cite l’article :
        « La science-fiction propose certes des récits, mais peut aussi être envisagée comme un espace de production d’idées, et spécialement d’idées nouvelles ou originales. En installant et en accumulant des expériences de pensée, elle offre un réservoir cognitif et un support réflexif4. Ses représentations sont aussi un vecteur d’interprétation du monde. Plus précisément, cette voie fictionnelle peut être une manière de réinterpréter des problèmes et des situations, d’avancer des formes d’interrogations par un déplacement dans un monde différent, reconfiguré.
        L’un des rares endroits où l’on peut voir vivre, agir, s’organiser les « générations futures » (et pour cause) est la science-fiction et ses constructions imaginaires. Elle est une manière d’essayer de décrire comment il serait possible d’habiter les mondes en préparation. On peut même aller plus loin en considérant que cette manière d’expérimenter par l’intermédiaire de descriptions fictives peut aussi aider à produire une forme de connaissance. Par une prise de recul, il devient alors envisageable de trouver inspiration et matière à réflexion dans des situations imaginaires, voire de rendre disponible des alternatives (dans un sens plutôt anglophone du terme). Il n’est bien entendu pas question de prétendre trouver dans la science-fiction des systèmes de pensée tout équipés. Ce qu’elle permet et qui est un de ses intérêts, c’est surtout de fabriquer et de simuler des mondes, c’est-à-dire d’imaginer des systèmes physiques et sociaux en les projetant à partir de coordonnées (spatio-)temporelles décalées et en représentant fictivement leurs conditions de fonctionnement. »

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