Tous manipulés ? Influence, post-vérité et complotisme dans la science-fiction

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Aujourd’hui est sorti le nouvel épisode de Planète B qui parle de post-vérité, de mensonge en politique et de complotisme dans la science-fiction. On n’a peur de rien.

Un épisode assez spécial parce qu’il lance la saison 3 de notre émission de science-fiction politique sur Blast, et parce que nous y intervenons à trois avec Hugues, que vous connaissez et Clémence, qui nous rejoint à l’écriture. Welcome (back) !

Au programme de cet épisode :

  • Mensonges politiques, pub et manipulation,
  • Médias manipulatoires et icônes populistes,
  • Complots, méta-complots et post-complots,
  • Black Mirror, Jack Baron, le Department of Truth et Not for Broadcast,
  • Une lettre d’amour torride à Transmétropolitain,
  • Matrix partout justice nulle part,
  • Et plein d’autres choses encore !

Bon visionnage ou lecture.

PLANÈTE B : SOMMAIRE DES ÉPISODES

Trump assassinat
Tentative d’assassinat contre Donald Trump, 2024.

Introduction : 1984, George Orwell

1984 de George Orwell, adapté par Michael Anderson 1956
1984 de George Orwell, adapté par Michael Anderson en 1956

Dans son célèbre roman 1984, paru en 1949, George Orwell décryptait le fonctionnements des totalitarismes de son époque.

Dans le viseur : l’Allemagne nazie fraîchement vaincue, le stalinisme en URSS, et le franquisme que l’auteur avait vu de près lors de la Guerre d’Espagne, où il s’était rendu vers 1936 pour écrire des articles… et combattre les fascistes armes à la main. Badass le gars !

Parmi les idées essentielles de son bouquin, en plus de la surveillance étatique du célèbre “Big brother is watching you” se trouve l’idée de remodeler le langage pour détricoter le réel, et faire adhérer la population à une vision nouvelle – et fausse – du monde.

Le but ultime n’est pas de soumettre physiquement la population, mais de la convaincre de bonne foi de n’importe quelle vérité, aussi absurde que “2 et 2 font 5”, dès lors qu’elle émane du régime. L’Angsoc comme tout régime totalitaire, s’attaque au réel pour asseoir son pouvoir. D’où la novlangue et les aphorismes qui lui servent de slogans :

“La guerre c’est la paix, la liberté c’est l’esclavage, l’ignorance c’est la force.”

Aujourd’hui, le même principe est à l’œuvre dans le discours managérial contemporain. C’est ce qu’analysait l’essayiste et romancière Sandra Lucbert dans son Personne ne sort les fusils, au moment du procès France Télécom de 2019, cherchant à saisir comment ce langage-là pouvait pousser des salariés au suicide.

En tournant toujours tout au positif, les discours corporate et politique créent une “novlangue” lénifiante destinée à mater la possibilité même de la contestation. “L’employé” devient un “collaborateur”, le “plan de licenciements” un “plan de sauvegarde de l’emploi”, et ainsi de suite.

Sur un mode plus explicitement politique, Donald Trump lui-même restera probablement dans l’histoire (ça c’est sûr), notamment pour avoir créé le concept de “vérité alternative”. Une idée paradoxale qui permet de n’avoir jamais tort même en alignant comme des perles les mensonges, les inventions et les stupidités en tous genres.

Pour Trump comme ceux qui s’en inspirent : l’important n’est plus le réel partagé sur lequel bâtir un projet politique, mais de servir des émotions flatteuses à un public spécifique et ciblé pour créer de l’adhésion. On se fout que ce soit vrai, tant que ça plait.

La manipulation de la vérité est une constante de tous les pouvoirs, à toutes les époques. En France les gouvernements Macron successifs n’ont d’ailleurs pas été avares en inventions, contre-vérités et mensonges en tous genres pour “garder la main” sur la situation du pays, sans tenir compte des études sérieuses ou du travail journalistique par exemple.

Pour la science-fiction et la fantasy, où d’innombrables œuvres sont basées sur l’idée de mondes entiers fondés sur le mensonge, l’idée de manipuler la vérité pour orienter l’opinion n’est pas nouvelle.

Aujourd’hui dans Planète B, on parle de manipulation de la vérité en politique. Et de comment y faire face.

Complexité

math lady meme
la Math Lady, emblème de la complexité sur Internet.

Le problème de la vérité, c’est qu’elle est insaisissable. Si le réel signifie quelque chose, nous n’avons accès qu’à des interprétations de celui-ci à travers nos perceptions et notre capacité de compréhension. Et c’est d’autant plus vrai dans un contexte aussi complexe que le monde actuel.

En maths, la complexité désigne les systèmes tellement multifactoriels que personne ne peut prédire avec certitude ce que le changement d’un paramètre aura comme conséquence. Pour le journaliste Rémi Sussan dans un article sur Mutation Magazine :

« La meilleure définition de la complexité, la plus simple, c’est peut-être de dire que le tout diffère de la somme des parties. Lorsque plusieurs éléments d’un système s’associent, des phénomènes imprévus se produisent : on parle alors d’“émergence”. »

Le battement d’aile d’un papillon, toi même tu sais…

L’économie est un exemple parfait de ce genre de systèmes complexes : un petit changement dans les règles du jeu peut provoquer des chaînes de conséquences plus ou moins souhaitables et prévues, que les experts de différentes chapelles s’échinent à essayer de prédire avec plus ou moins de succès. Selon les valeurs des uns et des autres, leur vision du monde et les critères qu’ils prendront en compte, ils préconiseront des choses différentes.

Prenant acte de la complexification du monde, de nombreux auteurs et autrices de SF se sont amusés à écrire des mondes où le réel se dissout dans la sursollicitation et les points de vue subjectifs.

Au milieu de ce foutoir, personne ne semble vraiment être aux commandes… ni ne comprendre la même chose de ce qui se passe.

Neuromancien, William Gibson

neuromancien cyberpunk
Neuromancer, artwork de Josan Gonzalez d’après William Gibson.

C’est par exemple le cas dans le roman très connu Neuromancien de William Gibson, paru en 84 et récemment retraduit par Laurent Queyssi dans une belle édition au Diable Vauvert.

Chez Gibson, l’univers donne une impression d’opacité, d’inaccessibilité, bref de complexité. Les noms propres, noms de marques, mots en argots étatsuniens, japonais ou en jargon high-tech sont utilisés sans contexte, comme s’ils étaient évidents. C’est Yannick Rumpala qui le note dans son essai Cyberpunk’s Not Dead. On est jetés dans le bain de références d’un monde compliqué, embrouillé, qui va à cent à l’heure. Comme…

“…une expérience démente de darwinisme social, conçue par un chercheur qui s’ennu[ierait], le pouce appuyé sur le bouton d’avance rapide.”

Pour reprendre les termes de Gibson.

Charge à nous de raccrocher les wagons. Si on peut.

Et d’ailleurs les personnages mêmes du roman ne semblent pas en comprendre beaucoup plus. Rumpala toujours, dit que :

« A l’exemple du casse virtuel monté dans Neuromancien, les personnages ne sont pas sûrs de comprendre ce à quoi ils participent, que ce soit leur mission ou le monde qui les entoure. […] L’individu n’est plus un sujet qui agit parce qu’il a une compréhension de ce qui fait son monde. Au mieux, il essaie de s’adapter. Au jour le jour, le plus souvent… »

Jeux de rôles cyberpunk

D’ailleurs le sentiment de se faire balader dans un monde largement incompréhensible, trouve une illustration dans quantité de jeux de rôle d’inspiration plus ou moins cyberpunk.

Dans le célèbre Shadowrun les missions menées par les protagonistes se soldent presque toujours par la découverte que la réalité est plus complexe que d’apparence. La trahison du groupe de joueurs et joueuses par son propre commanditaire, ou le fait de comprendre le rôle que l’on a réellement joué dans une intrigue plus globale, sont même devenus des clichés attendus du genre.

On peut citer également Cy_Borg, jeu de rôle des suédois Christian Sahlén et Johan Nohr, qui s’amuse à entasser les tables aléatoires d’événements, lieux, personnages, générateurs de missions, de commanditaires, etc. dans une mise en page surchargée, hyper-détaillée, punk et magnifique, sans jamais rien expliquer ni (miracle !) perdre en lisibilité.

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Cyb_Borg de Christian Sahlen et Johan Nohr, Stockholm Kartell

Transmétropolitain, Warren Ellis et Darick Robertson

Enfin, Transmétropolitain, bande-dessinée américaine écrite par Warren Ellis, partage cette impression de chaos généralisé. Le monde y est dessiné par Darick Robertson, comme un bordel urbain innommable, saturé de pubs, de sollicitations en tous genres, de citoyens aux looks improbables, de technologies invasives, de mutations inconnues, de maladies glauques et dégoutantes, de sexualisation à outrance et de marchandisation généralisée de tout et n’importe quoi.

Sentiment renforcé par une intrigue frénétique, qui suit le rythme du journaliste punk Spider Jérusalem et de ses dites « sordides assistantes », sautant du coq à l’âne à chaque épisode. La publication initiale, mensuelle, du comics y est sans doute pour quelque-chose, et tient en haleine le lecteur entre surprises et divertissement à chaque page.

Bon courage pour cartographier un tel univers ! Gardez-le en tête, parce qu’on en reparle en fin d’épisode.

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Transmetropolitain, dessiné par Darick Robertson et écrit par Warren Ellis.

Ces œuvres, et on pourrait en citer d’autres, donnent donc moins à comprendre la complexité du monde qu’à la faire ressentir.

En faisant cohabiter toutes les couches de la société en même temps, tous les enjeux, tous les personnages, leurs quotidiens foutraques, leurs intérêts individuels et les inextricables situations dans lesquelles ils se retrouvent, on comprend confusément que le rapport au réel y est fragmenté et embrouillé.

Personne n’a accès à la vision d’ensemble, parfois même pas les auteurs, tout n’est qu’agrégat de bribes de chaos, fragmentaires, dont la réalité elle-même est sujette à caution.

Bref : un terrain de jeu parfait pour les maîtres ès manipulation.

Propaganda

Dans son livre Propaganda, le communicant Edward Bernays développait l’idée que dans les sociétés complexes et démocratiques, la propagande doit jouer un rôle central pour organiser le chaos de la société. Il s’agit de fabriquer le consentement de la population à sa propre domination, en uniformisant les pensées et les modes de vie. Une population a priori libre de ses pensées et mouvements, mais pas tant que ça.

Bernays est un joyeux drille qui assume son projet de légitimation de la domination des masses incultes et irrationnelles par une élite éclairée.

Son bouquin est considéré comme fondateur de la pub moderne et des “relations publiques”, ce qui est pareil avec moins de femmes nues et plus de cravates.

Jack Baron et l’éternité, de Norman Spinrad – Par Hugues Robert

jack barron et l'éternité de Norman Spinrad
Jack barron et l’éternité de Norman Spinrad aux éditions J’ai Lu

C’est un bon moment peut-être pour évoquer l’un des plus grands auteurs de la science-fiction contemporaine, Américain du Bronx vivant à Paris depuis plus de trente ans désormais. Norman Spinrad, puisque c’est bien de lui qu’il s’agit (nous avons déjà évoqué son monstrueusement prémonitoire Bleue comme une orange de 1999 dans notre épisode de l’an dernier consacré au réchauffement climatique), est depuis l’origine un formidable observateur critique lorsqu’il s’agit de passer les dérives politiques de son pays au crible de son futur imaginé.

Son premier roman, en 1968, en offre un témoignage éclatant. Jack Barron et l’éternité (le titre original, Bug Jack Barron, est beaucoup plus direct, et contribua largement aux accusations de pornographie lancées à son égard, à l’époque, par les médias conservateurs et bien-pensants), s’il met en scène le racisme systémique, les fantasmes d’immortalité et la domination de l’argent, se concentre avant tout sur le devenir du journalisme (le fameux « quatrième pouvoir ») et sur sa possibilité (ou non) de résistance à la domination. Jack Barron y incarne un hôte de talk show extrêmement connu, adulé et haï du public, capable – dit-on – de défaire les puissants et de réparer les injustices. Mais derrière le décor, saura-t-il en réalité surmonter son propre asservissement lorsqu’il s’agit d’affronter un ultra-milliardaire mégalomane, bien décidé à utiliser tout son argent et toute son influence pour assouvir ses envies et ses avidités personnelles, aussi farfelues et délétères soient-elles ?

Si cela vous rappelle quelque chose, ce n’est sans doute pas par hasard : cette question de la liberté ou de la sujétion des médias est sans doute encore plus critique en 2024 qu’en 1968. Et même si, rappelons-le il n’y a pas de « mission » prédictive dans la science-fiction, mais bien une nécessité de spéculer sur le présent pour le rendre plus intelligible et actionnable, Norman Spinrad nous impressionnera toujours, tout au long de sa carrière littéraire, qu’il envisage le racornissement fascisant des Etats-Unis dans son Printemps russe en 1991, le djihadisme inextinguible dans son Oussama de 2010, l’asservissement numérique et les bugs du virtuel dans son Temps du rêve de 2012, ou, déjà, l’emprise des propagandes et contre-propagandes sur le divertissement et le spectacle, dans son Rock machine de 1987.

Esthète baroque et ultra-politique, punk d’avant le cyberpunk, observateur lucide et imaginatif, Norman Spinrad mérite encore et toujours toute votre attention.

Not for Broadcast, NotgGames – Par Clémence Gueidan

Influencer les foules, tirer les ficelles de l’opinion publique, on peut le faire autrement qu’en tenant le crachoir face caméra. C’est tout le propos de Not For Broadcast, petit bijou développé par le studio de jeux vidéo britannique NotGames et sorti en 2020.

Ici, il y a bien des présentateurs vedettes et des journalistes stars, mais c’est vous, bien au chaud dans votre régie, qui êtes garant de ce qui est est montré aux spectateurs. Catapulté réalisateur d’une émission d’actualité pour une chaîne de télévision nationale, vous avez la lourde charge de maintenir un niveau d’audience élevé.

Face à vous, une console de montage avec quatre caméras, un bouton de censure et des publicités. Votre mission : dynamiser l’émission en alternant les angles, censurer les propos inappropriés ou encore sélectionner les pubs à diffuser. Mais attention aux aléas du direct ! Show must go on !

Terrain de jeu idéal pour nous dérouler une version dystopique des années 80, on débute notre carrière d’apprenti réal alors qu’un parti politique d’extrême gauche vient de remporter les élections. Leur première mesure : confisquer tous leurs biens aux plus riches… Et leurs passeports histoire de les empêcher de fuir le pays. Pas mal, non ?

Mais au fil des émissions, les invités défilent sur le plateau et on découvre des réformes radicales mises en place par un régime de plus en plus autoritaire.

Alors, qu’est ce que vous allez privilégier ? Les spots de propagande du gouvernement ou les appels à la résistance d’un groupuscule de rebelles ? Envoyer des huées envers la Première ministre ou une pluie d’applaudissements ? Et ce spot de pub pour un jouet potentiellement dangereux, on le passe à l’antenne ou pas ?

Tout comme Papers Please du brillant Lukas Pope, le gameplay vous bombarde d’informations et de choix qui semblent parfois anodins. Mais vous allez vite vous en rendre compte : chaque décision a des conséquences.

Des conséquence sur votre vie personnelle tout d’abord. Il faut bien subvenir aux besoins de votre famille, ne pas froisser votre patron… Des conséquence sur le reste de l’équipe et sur le contenu même des reportages, d’une édition à l’autre. Mais surtout, surtout, des conséquences sur l’opinion publique vis à vis des célébrités et du pouvoir en place.

Avec 14 fins différentes, vous aurez tout le loisir d’apprécier à quel point la propagande se joue, non seulement à travers ce qu’on dit, mais aussi dans ce qu’on choisit de mettre en avant ou de passer sous silence. De quoi faire de vous un parfait influenceur de l’ombre.

Le Show de Waldo (Black Mirror S2E3), Charlie Brooker

Les manœuvres manipulatoires médiatico-politicardes ne sont pas invisibles aux yeux des citoyennes et des citoyens. Avec le temps, on s’habitue. Et la défiance s’installe.

Dans l’épisode 3 de la saison 2 de Black Mirror, une série qui entretient un rapport assez élastique avec la notion de réel et de manipulation ; comme j’en parlais dans un épisode précédent de Planète B, dans cet épisode donc, on suit un personnage fictif nommé Waldo, mascotte d’une émission de télé britannique qui devient célèbre en haranguant et prenant à partie violemment les candidats à des élections locales qui passent sur son plateau.

Waldo est un ours bleu, bourrin et vulgaire, qui s’attaque avec un discours rentre-dedans à la langue de bois des politiciens installés.

En disant “tout haut ce que tout le monde pense tout bas”, il passe pour “antisystème”, comme la voix d’un peuple enfin représenté. Il se rend éminemment sympathique et gagne très fort en popularité.

Il devient un phénomène médiatique et finit par se présenter lui-même aux élections pour défier l’ordre établi.

De quoi séduire la population… Mais aussi les consultants en marketing.

L’un d’eux, dans la série, dira :

“Avec un message positif et ciblé, qu’on pourra bien sûr vous fournir, vous pourrez dynamiser les délaissés sans effrayer le centre, et grâce à votre nouvelle plateforme vous disposerez d’un produit politique divertissant capable de séduire le peuple. Et ça pourrait marcher partout dans le monde.”

Jamie, qui interprète l’ours bleu, demande alors : “Comme les Pringles ?” Et le consultant : “Absolument.”

La fureur du peuple poussé à bout par le cynisme des classes dirigeantes est un produit bankable, universel, facilement exportable. “Comme les Pringles.” Donc.

La démission de Jamie n’y changera rien, la marionnette gagne en autonomie, en épaisseur. Le marionnettiste, lui, est sacrifiable.

Finalement, Waldo demeure et continue de réduire le débat public à des échanges d’insultes, de dévaster l’échange argumenté entre projets, déjà pas bien terrible, et d’appauvrir toujours plus le niveau général.

Qu’importe si ses attaques sont justifiées, en partie ou totalement. Les ravages qu’il produit n’exploitent que les émotions négatives des électeurs et électrices, incarnant un message hargneux et nihiliste qui ne propose rien.

Waldo est fondamentalement fascisant.

A la fin du récit Jamie, qui incarnait l’anglais moyen poussé à bout par les manquements des politiciens, comprend qu’il a – sans le vouloir – contribué à détruire la démocratie elle-même. Too bad. Too late.

D’ailleurs Waldo est-il aussi “antisystème” qu’il le fait croire ? Où n’est-il, littéralement, qu’une marionnette de plus ?

Comme d’autres dans le monde réel, Waldo est un pantin de télévision. Sa présence à l’antenne ne doit rien au hasard, et n’a pas grand-chose de la manifestation spontanée d’une colère populaire. Il se contente de l’instrumentaliser. Toute ressemblance avec des événements ou situations réelles ne saurait, bien sûr, être que fortuite.

Et là, dites bonjour aux théories du complot.

Le complotisme dans la science-fiction

Il y a tellement à dire sur le complotisme en science-fiction, que cela méritera des épisodes futurs en entiers.

Qu’est-ce qu’une théorie du complot ?

En gros, on peut définir les théories du complot comme le rejet des version officielles et communément admises d’événements historiques ou actuels. Et comme la tentative de démontrer que ces événements sont en fait le fruit de la machination préméditée et dissimulée, d’un groupe caché. Très disparates, ces théories retiennent souvent des explications mono-causales à la marche du monde – en cherchant des indices d’une conspiration de grande ampleur.

Elles sont une manière de créer du sens face à la complexité du monde, justement.

D’ailleurs, rappelons au passage que le complotisme est une réalité qui prend toujours racine aux origines antisémites de l’extrême-droite, comme le rappelle très justement l’historienne spécialisée Marie Peltier.

Et le complot est réel. Presque toujours.

En tous cas, dans la fiction, il est rarissime qu’on mentionne une manipulation massive visant à masquer la vérité pour maintenir la population sous contrôle sans que cela s’avère vrai dans la suite de l’histoire.

Au point que la figure des “G-Men” en costard (pour Government Men – les hommes du gouvernement), est devenu un cliché du genre. De Men in Black à Matrix, les “Smith” (nom commun des “monsieurs tout le monde” anglosaxons) sont partout qui œuvrent à la domination mondiale.

Au point que la seule présence d’un “homme à la malette” ou G-Man dans la série de jeux vidéo Half-Life, et sans qu’aucune explication soit jamais donnée sur sa présence ou sa nature, déclenche l’imagination des joueurs et joueuses et nimbe l’histoire d’une aura de mystère.

Succès garanti pour un moindre effort de scénariste qui tient du coup de génie.

Il faut dire que le recours à la théorie du complot est un super outil de scénariste, qui donne presque clé en main un ensemble d’outils narratifs :

  • L’existence d’un monde caché dans le monde perceptible.
  • Une mécanique narrative basée sur la découverte progressive de la réalité.
  • Des twists scénaristiques en veux tu en voilà.
  • Et surtout des méchants charismatiques à dégommer avec plaisir.

Les mécaniques du complotisme sont même tellement ludiques que certains spécialistes disent que les courants du genre importent dans la vraie vie des logiques de gamedesign :

  • La recherche d’indices dans le “bruit” du monde, des médias, d’Internet,
  • La récompense psychologique quand on découvre quelque-chose qui semblait caché,
  • La sensation de supériorité face à la foule des “moutons” et autres PNJ,
  • L’esprit communautaire d’appartenance entre “éveillés” supposés, etc.

Un peu comme dans un puzzle game, avec le monde entier pour terrain de jeu.

La mouvance Q Anon aux Etats-Unis, a par exemple pu être décrite comme une forme d’“alternate reality game”. En l’occurrence le plus grand jamais réalisé. Pour le journaliste William Andureau dans un podcast du Monde, on peut même parler de “complotisme dont vous êtes le héros”.

Avec des conséquences désastreuses.

Wu Ming et Claire North – Par Hugues Robert

Nous avions évoqué l’an dernier les Wu Ming, lorsqu’il s’agissait de montrer comment la littérature populaire, dite souvent, avec un certain mépris vu d’en haut, « de divertissement », pouvait, à rebours des blockbusters du spectaculaire marchand, développer des imaginaires incisifs, à la fois épiques et on ne peut plus politiques. Depuis ses débuts, ce collectif d’auteurs italiens (ce que leur nom n’indique pas immédiatement, il est vrai), basés à Bologne, joue finement avec les mécaniques du complotisme.

Dans leur préhistoire, sous le nom partagé dans le monde entier de Luther Blissett, ils créèrent un bon paquet d’énormes canulars médiatiques, sophistiqués, pour montrer, de l’art contemporain jusqu’à d’imaginaires sectes heavy metal adeptes de sacrifices humains, à quel point bon nombre de médias réputés sérieux et démocratiques étaient en réalité prêts à gober n’importe quoi pourvu que cela aille dans le sens de leur préjugés conscients et inconscients.

Sous ce même nom précurseur, leur premier roman, « Q » (« L’Œil de Carafa » en français), en 1999, nous ramenait à l’époque de la naissance du protestantisme, mettant en scène de véritables « activistes » (à une époque, naturellement, où ce concept n’existait pas en tant que tel) poursuivis par des agents occultes et redoutables de la Papauté.

Une fois devenus les Wu Ming, ils ont détourné tout au long de leur carrière les motifs de la conspiration et du complot, jusqu’aux plus réjouissants et improbables – mais toujours signifiants : par exemple, l’introduction de la télévision couleur en Italie, dans leur roman « 54 », en 2002, non traduit en français, les motivations réelles des marchands américains créant les États-Unis contre le colonisateur anglais, dans leur roman « Manituana », en 2007, ou encore les ressorts inattendus de l’effondrement des idéaux communistes sous Staline, dans leur roman « Proletkult », en 2018.

Leur roman le plus décisif, dans cette direction, est sans doute « OVNI 78 », en 2022, qui joue très sérieusement avec la recrudescence totalement hors normes de l’observation de phénomènes OVNI en Italie en 1978, au moment de la crise terminale de la démocratie marquée par l’assassinat d’Aldo Moro, où ils suggèrent avec éclat que les véritables « complots » – et là, il faudrait sans doute un autre mot – ne sont évidemment pas toujours ceux que l’on croit.

C’est l’ensemble de cette mécanique que l’un des membres du collectif, Roberto Bui (dit Wu Ming 1), décortique dans son « Q comme Qomplot » en 2022, impressionnante analyse des racines des complotismes contemporains, à partir de dizaines d’exemples principalement américains et italiens, culminant avec l’émergence de QAnon et les années Trump (dont on reparlera certainement prochainement dans Planète B). Le sous-titre de l’ouvrage pourrait bien servir de résumé de ce qui est à l’œuvre ici : « Comment les complots défendent le système ».

Claire North
Claire North

C’est ici sans doute qu’il devient important de mentionner le travail de Claire North, jeune autrice britannique un peu prodige, que nous avions déjà évoquée dans Planète B à propos des politiques de surveillance. Sa trilogie de « La Maison des Jeux », en 2015, met en scène une hypothétique société occulte de joueuses et de joueurs qui, au fil des siècles, infiltrent tous les lieux de pouvoir et de richesse. Le complot absolu, en quelque sorte. Trois petits volumes magnifiquement écrits : le premier proposant des intrigues dignes des meilleures parties d’échecs à Venise à la Renaissance, le deuxième orchestrant une monstrueuse chasse à l’homme, à tiroirs et à rebondissements, dans la Thaïlande de 1938, le troisième offrant une lutte globale tout à fait contemporaine

mobilisant toutes les ressources de la surveillance électronique mondialisée, des sociétés militaires privées ou de la corruption politique à très grande échelle, dans une sorte d’ultime affrontement pour le contrôle de cette « Maison des Jeux », siège du complot des complots. Petite saga magnifique, cruelle et hilarante, que Claire North elle-même, au fil de différentes interviews, commentait en indiquant en substance que : « Il n’est en nul besoin de mobiliser d’improbables ou délirants souterrains pédo-satanistes pour constater au quotidien ou presque les alignements d’intérêts du capitalisme tardif, les corruptions, allégeances, collusions et autres échanges de bons procédés qui forment le ciment des alliances objectives des puissants, tout à la fois rivaux et complices selon les circonstances. » On ne saurait mieux dire, nous semble-t-il.

The Department of Truth, James Tynion IV et Martin Simmonds

Dans The Department of Truth, comics fabuleux écrit par James Tynion IV, dessiné notamment par Martin Simmonds et traduit par Maxime Le Dain en français, les agences gouvernementales américaines cherchent à juguler les croyances de la population.

Car ce qui est cru devient ce qui est vrai. Littéralement.

department of truth urban comics
Le tome 1 de Department of Truth, chez Urban Comics.

Un peu comme dans le roman American Gods, de Neil Gaiman ; où les nouvelles divinités humaines s’incarnent sur Terre au fil des croyances propres à chaque époque.

Dans Department of Truth, lorsqu’une mère éplorée par la mort de son fils dans une énième tuerie de masse, se convainc que son rejeton est en vie, elle risque de diffuser la fausse nouvelle et de faire prendre pour vraie la théorie d’un réseau pédophile qui enlèverait les enfants.

Ce faisant, elle recréerait une possibilité de retrouver son fils vivant… puisqu’il n’aurait été qu’enlevé et non tué.

Problème… le réseau pédophile existerait alors lui-aussi. Occasionnant plus de victimes qu’un “simple” – entre guillemets – school shooting de plus.

La BD, parmi les plus marquantes de ces dernières années dans le genre, pose ces questions : Qu’est-ce que le réel ? Comment le fabrique-t-on ? Comment y adhère-t-on ? Et qui est légitime à le créer ?

Apparemment pas la pauvre mère dévastée en tous cas, qui fait les frais d’une intervention du “Département” et dont le fils restera mort… pour le bien de tous.

Voilà le sordide métier des protagonistes : agir en secret pour protéger la population de ses propres croyances. Et garder le réel sous contrôle.

En tous cas c’est ce dont ils essaient de se convaincre eux-mêmes.

Jusqu’à remarquer qu’une agence de “men in black” dans leur genre, agissant en secret pour manipuler les informations qui les arrangent et créer un réel qui justifiera leur propre existence… ressemble à s’y méprendre à une nouvelle conspiration manipulatoire.

Deptartment of truth
Deptartment of Truth, dessiné par Martin Simmonds

Le département lui-même, après-tout, a besoin de justifier son existence.

“Chaque chose s’efforce de persévérer dans son être.”

Pour citer Spinoza.

Tout s’emboîte, et les garants du “réel” ne sont qu’un complot de plus.

La vérité, si tant est qu’elle signifie quelque-chose, demeure insaisissable.

Plus que jamais, le réel est une construction consensuelle.

Lady of the Mazes, Karl Schroeder – Par Clémence Gueidan

Lady of the Mazes
Lady of the Mazes, KArl Schroeder

Dans Lady Of the Mazes, Karl Schroeder pousse à l’extrême cette idée de réalité à géométrie variable. Il y dépeint une société futuriste où la technologie permet aux gens de vivre dans des “manifolds”, sortes de bulles de filtre totales.

Selon le militant d’Internet Eli Pariser, les algorithmes dopés avec nos données et les choix que nous faisons en ligne façonnent et personnalisent sans qu’on s’en rende compte les informations auxquelles nous avons accès sur le web. Résultat : si les algos considèrent qu’une info n’est pas pertinente pour nous, elle ne nous sera simplement pas présentée. De cette personnalisation à outrance découle un isolement intellectuel et culturel.

Les manifolds de Lady of the Mazes sont l’aboutissement ultime de ces bulles de filtres : grâce à des implants et de la réalité virtuelle, ce n’est plus seulement les flux d’informations qui sont personnalisés mais carrément tous les aspects de la réalité perçue. Une technologie qui permet à des communautés entières de vivre dans des réalités distinctes, correspondant à leurs propres valeurs, croyances et préférences.

Concrètement, ça donne quoi ? Vous pouvez être physiquement juste à côté de quelqu’un, s’il ne fait pas partie de votre communauté, vous ne le verrez pas. Ou alors vous le percevrez comme un arbre. Il est possible de voyager d’un manifold à l’autre, mais seulement si on abandonne les règles et les définitions de sa communauté pour accepter à la place les règles et les définitions d’une autre culture.

Et Schroeder va plus loin encore, avec le concept d’inscape. Là où les manifolds sont établis à échelle d’une communauté entière, l’inscape fonctionne au niveau individuel. Il se superpose à la réalité existante – merci la réalité augmentée – permettant de modifier l’environnement de l’utilisateur en temps réel. Cet élément me déplaît ? Hop, il n’existe plus. L’expérience de personnalisation ultime…

Et par la même occasion, la porte ouverte à des biais cognitifs de compèt’. Dans un univers où chaque expérience est filtrée et potentiellement altérée par les préférences individuelles, la réalité se fragmente en multiples versions parfois contradictoire. La vérité devient malléable et la notion même d’information objective est dissoute. De quoi créer un terrain fertile pour les jeux d’influence et la manipulation des croyances et des comportements à grande échelle.

Matrix et son impact sur les théories du complot

Autre point de rapprochement entre réalité et fiction ; citons le film Matrix, soit le meilleur film de l’histoire de l’humanité, objectivement, qui a parfois été considéré comme un ferment très important pour l’essor du complotisme post-11 septembre 2001.

C’est la thèse du documentaire Matrix Generation sorti sur Arte récemment, réalisé par Benjamin Clavel et écrit par lui-même, Julien Abadie et Jérôme Dittmar.

Matrix Generation, Julien Abadie, Benjamin Clavel et Jerôme Dittmar
Matrix Generation, Julien Abadie, Benjamin Clavel et Jerôme Dittmar

Avec ses images jamais vues jusqu’alors, ses angoisses liées à la numérisation et son background paranoïaque, inspiré par la caverne de Platon, Jean Baudrillard et d’autres, le film des sœurs Wachowski a déclenché les passions sur l’Internet alors naissant.

Lors de l’attaque d’Al-Qaeda sur les Tours Jumelles de New York en 2001, il a été réinterprété et y ont été “découverts”, entre guillemets, pas mal d’indices d’un complot lié au 11 septembre.

Comme si le film essayait de nous prévenir.

Le symbole de “prendre la pilule rouge” – qui permet de sortir de la matrice et de voir le réel dans le film – a alors été approprié par les mouvances conspi – et bientôt par l’alt-right (l’extrême droite américaine) dont ils étaient proches.

Et ce, indépendamment du film lui-même et des intentions de ses autrices, ancrées à gauche.

Fuck both of you, Lily Wachowski
Fuck both of you, Lily Wachowski à Ivanka Trump et Elon Musk

Bref : Matrix reste un très un bon exemple de dialogue entre réalité et fiction, sur le thème du mensonge et de la manipulation, où s’entremêlent des événements ayant eu lieu, un film de SF qui parle d’illusion et de domination, des théories à propos du film, des théories à propos du réel, des intentions d’autrices politisées, la réception du film par des franges du public non moins politisées… mais pas du même bord, etc. Vertige assuré !

Pour creuser ce point précis, allez voir Matrix Generation, c’est vraiment passionnant.

Ce qui est emmerdant avec le complotisme, c’est qu’il se nourrit d’un sentiment initial somme toutes sain : le doute, et l’idée que la vérité est parfois plus complexe que ce que l’on croit.

A nous de faire la différence entre le « doute sain », celui qui permet de se questionner et d’apprendre au-delà de nos idées reçues, et le « doute abusif » qui cherche à prouver par défaut ses théories fumeuses.

Pour Albert Moukheiber, docteur en neurosciences et psychologue :

« Cette différence est presque impossible à faire au moment de la réflexion, mais elle peut être établie après coup. Pour résumer, on peut réfléchir comme un détective ou comme un avocat. La différence entre les deux vient du fait que l’avocat sait où il va : il veut prouver que son client est innocent. Il risque donc de tendre vers un raisonnement motivé, de sélectionner plutôt les faits et les interprétations qui l’arrangent. »

Et Marie Peltier de compléter : attention de ne pas croire que le complotisme est l’apanage de quelques voisins bizarres croyant aux extra-terrestres et aux reptiliens tout en se coiffant de chapeaux en papier d’alu pour contrer le vaccin contre le covid 5G.

L’historienne le répète : nous sommes toutes et tous susceptibles d’adopter par moment des façons de penser réductrices, des réflexes malheureux et des croyances fausses.

Le complotisme, c’est chacun et chacune d’entre nous.

A nous de questionner nos propres croyances pour éviter de tomber dans le panneau.

Conclusion : pour un journalisme de combat

A une époque où la concurrence attentionnelle se déchaîne dans une production de “contenus” en tous genres, du plus sourcé au plus what the fuck, on peut avoir l’impression que la vérité a perdu de son pouvoir.

Pourtant, elle continue à opérer. En témoignent les milliers d’affaires MeToo et la prise de conscience progressive qu’elles permettent non sans mal, mais quand même.

En témoignent les scandales politiques et leurs suites, comme les affaires Fillon qui ont pu faire basculer le scrutin présidentiel de 2017 – pour ne prendre que cet exemple.

Mais la vérité seule ne suffit plus. Il faut la faire éclater au grand jour. Et parfois, même l’éclatement ne suffit plus non plus.

On pense par exemple aux révélations d’Edward Snowden et Julian Assange par exemple, sur les crimes de guerre américains et l’espionnage mondial en particulier.

Le choc des révélations peine à se concrétiser par des changements réels, soumis qu’il est aux puissances de la désinformation, des habitudes et des propagandes contraires.

L’expérience de la pandémie de Covid marque sans doute un tournant dans la diffusion de théories conspirationnistes, dans la remise en cause du savoir scientifique, dans les imprécisions médiatiques et politiques, et dans la panique générale favorable aux dérapages en tous genres.

Transmétropolitain et la puissance du journalisme de combat

transmetropolitain darick robertson
Transmetropolitain, par Darick Robertson

C’est là, en guise de conclusion, que je reviens à Transmétropolitain. Le héros y est un journaliste gonzo extrême qui mène une guerre informationnelle disjonctée contre le Président Calhallan dit “Le Sourire”, coupable de toutes sortes de machinations jusqu’à l’assassinat politique.

Spider Jerusalem, c’est son nom, est une sorte d’Edwy Plenel anarchiste et punk sous stéroïdes, en beaucoup moins moustachu et beaucoup plus vénèr, qui croit profondément à la puissance de la vérité pour combattre les pouvoirs corrompus. Spider utilise l’investigation bourrine et sa verve proverbiale pour fédérer le peuple contre l’oppression et le mensonge.

Il le fait à sa manière, avec une bonne dose de provoc’ et de misanthropie. C’est un peu paradoxal, mais ça ne l’empêche pas d’arriver à recréer un espace commun dans un monde clivé à l’extrême, chaotique, bordélique, dominé par le cynisme, la violence et la com’ la plus crasse.

Bien avant l’avènement de Trump puisque la série est sortie de 97 à 2002, Transmétropolitain met en scène un héros journaliste qui utilise la vérité pour combattre deux présidents américains dégénérés, cyniques et prêts à tout pour garder le pouvoir. Les deux finissent vaincus.

Malgré son côté faussement nihiliste, la BD professe une possibilité de la victoire du vrai sur le faux. Jerusalem incarne d’une certaine manière, le peuple de “ceux qui ne sont rien” en bas de l’échelle sociale, ceux qui subissent toutes les violences et tentent d’y survivre sans angélisme – c’est pas le genre de la maison – mais avec l’idée de les défendre contre le cynisme et la violence des empires de dollars et de fumée.

Comme nous l’apprend la SF depuis des années, la vérité n’est plus la seule à pouvoir faire basculer le monde. Elle ne l’a jamais été.

Réalité et mensonge sont pris dans une danse infernale, dopée par les technologies numériques et les manipulations en tous genres. La vérité est un concept ambivalent qui se retrouve en concurrence avec quantité de “contenus” et de croyances, brassés par des systèmes de distribution et de diffusion de ces contenus plus ou moins honnêtes – en général plutôt moins.

Encore une fois je vous renvoie ici à notre épisode sur Black Mirror : Bandersnatch et Netflix, ça parle de ça.

Le scandale du moment, ou la dernière avancée scientifique, est brassée avec quantité de buzz plus ou moins ineptes, de bikinis, de chatons, de propagande et – surtout, surtout – de pubs en tous genres.

Le chaos anxiogène n’est pas un bug, c’est une fonctionnalité.

Hyperreality, par Keiichi Matsuda.
Hyperreality, par Keiichi Matsuda.

L’équipe

Auteur : Antoine Daer
Co auteurs :
Hugues Robert, Clémence Gueidan
Montage : Guillaume Cage
Son :
Baptiste Veilhan
Graphisme : Morgane Sabouret
Production :
Hicham Tragha
Directeur des programmes :
Mathias Enthoven
Rédaction en chef : Soumaya Benaïssa
Directeur de la publication : Denis Robert

Références citées

ROMAN : George Orwell, 1984 (1949)
ESSAI : George Orwell, Hommage à la Catalogne (1938)
BD : Amazing Ameziane & Sybille Titeux de la Croix – d’après Orwell, 1984 (2021)
BD : Rémi Torregrossa & Jean-Christophe Derrien – d’après Orwell, 1984 (2023)
ESSAI : Sandra Lucbert, Personne ne sort les fusils (2020)
FILM : Lana & Lilly Wachowski, Matrix (1999)
FILM : Steven Spielberg, Jurassic Park (1993)
BD : Katsuhiro Otomo, Akira (1982)
FILM : Katsuhiro Otomo, Akira (1988)
ROMAN : William Gibson, Neuromancien (1984)
ESSAI : Yannick Rumpala, Cyberpunk’s not dead (2021)
JEU DE RÔLE : FASA, Shadowrun (1989)
JEU DE RÔLE : Christian Sahlen & Johan Nohr, Cy-Borg (2024)
BD : Warren Ellis & Darick Robertson, Transmetropolitan (1997-2002)
BD : Alan Moore & David Lloyd, V pour Vendetta (1982-1990)
FILM : James McTeigue, V pour Vendetta (2005)
ESSAI : Edward Bernays, Propaganda (1928)
FILM : Paul Verhoeven, Starship Troopers (1997)
ROMAN : Norman Spinrad, Bleue comme une orange (1999)
ROMAN : Norman Spinrad, Jack Barron et l’éternité (1968)
ROMAN : Norman Spinrad, Le printemps russe (1991)
ROMAN : Norman Spinrad, Oussama (2010)
ROMAN : Norman Spinrad, Le temps du rêve (2012)
ROMAN : Norman Spinrad, Rock Machine (1987)
FILM : John Carpenter, Invasion Los Angeles (1988)
JEU VIDÉO : NotGames, Not For Broadcast (2019)
SÉRIE TV : Aaron Sorkin, The Newsroom (2012-2014)
JEU VIDÉO : Lucas Pope, Papers Please (2013)
SÉRIE TV : Charlie Brooker & Bryn Higgins, Black Mirror – The Waldo Moment (2013)
SÉRIE TV : Shion Takeuchi, Inside Job (2021)
FILM : Edgar Wright, Hot Fuzz (2007)
ESSAI : Marie Peltier, L’ère du complotisme (2016)
JEU VIDÉO : Valve, Half-life (1998) et Half-life 2 (2004)
FILM : Len Wiseman, Underworld (2003)
FILM : Alex Proyas, Dark City (1998)
FILM : Barry Sonnenfeld, Men in Black (1997)
FILM : Ron Howard, Da Vinci Code (2006)
FILM : Peter Weir, The Truman Show (1998)
FILM : Paul Verhoeven, Total Recall (1990)
FILM : Jordan Peele, Get Out (2017)
SÉRIE TV : Hwang Dong-hyuk, Squid Game (2021)
JEU VIDÉO : Ubisoft, Assassin’s Creed (2007)
ROMAN : Luther Blissett / Wu Ming, Q – L’Œil de carafa (1999)
ROMAN : Wu Ming, 54 (2002)
ROMAN : Wu Ming, Manituana (2007)
ROMAN : Wu Ming, Proletkult (2018)
ROMAN : Wu Ming, OVNI 78 (2022)
ESSAI : Wu Ming 1, Q comme Qomplot – Comment les fantasmes de complot défendent le système (2022)
ROMAN : Claire North, La trilogie de la Maison des Jeux (2015)
BD : James Tynion IV & Martin Simmonds, The department of truth (2022)
ROMAN : Neil Gaiman, American Gods (2001)
SERIE TV : Bryan Fuller & Michael Green, American Gods (2017-2021)
ESSAI : Baruch Spinoza, Ethique III (1677)
ROMAN : Karl Schroeder, Ventus (2000) et Lady of Mazes (2005)
ESSAI : Eli Pariser, The Filter Bubble (2011)
FILM : Keiichi Matsuda, Hyper Reality (2016)
FILM : Benjamin Clavel, Julien Abadie & Jérôme Dittmar, Matrix Génération (2023)
ESSAI : Albert Moukheiber, Votre cerveau vous joue des tours (2019)
FILM : M. Night Shamalyan, Signes (2002)

PLANÈTE B : SOMMAIRE DES ÉPISODES

blast

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