Lourde tâche que de s’attaquer au décryptage du mythe de l’extraterrestre. J’entends par là la créature -ou l’individu- venue d’ailleurs que de la Terre. Afin d’éviter de tripler l’étendue du sujet, je laisse à part les créatures extra-dimensionnelles sur lesquelles je pourrais revenir lors d’un article dédié. Je définis donc l’extraterrestre comme une créature évoluant dans notre univers réel, mais provenant d’ailleurs que de la planète Terre (c’est fou non ?). Les monstres et créatures fantastiques issus d’univers fictifs dans laquelle la Terre n’existe pas ne peuvent censément pas être des extraterrestres au sens strict.
Le mythe de l’extraterrestre a ceci d’intéressant qu’il est l’une des très rares figures emblématiques de la culture geek qui ne repose sur rien de connu dans la réalité. En effet contrairement aux dragons, créatures fantastiques ou aux figures inspirées par les dieux mythologiques par exemple, toutes les représentations d’extraterrestres sont basées sur la fiction puisqu’à ce jour aucune vie extérieure à la Terre n’a été découverte et reconnue par la communauté scientifique non-raëlienne mondiale.
Le seul élément réel que l’on peut raccrocher à la figure fictionnelle très puissante (et sur-représentée) de l’extraterrestre est l’ensemble des manifestations d’OVNI de part le monde et les époques. Qu’on y croit ou pas, une fois déblayée l’écrasante majorité d’affabulations paranoïaques d’américains en manque de célébrité, un certain nombre de phénomènes restent à ce jour inexpliqués et pourraient éventuellement être des situations réelles de manifestations de vie extraterrestre dans le beau ciel de notre mère la Terre. J’y crois peu, mais d’aucuns plus calés que moi sur le sujet pourront brandir à l’envi l’histoire de tel ou tel témoin d’OVNI encore inexpliquée. Bon prince, je laisse la porte ouverte et reviens à mon sujet.
Car finalement, l’OVNI n’a pas grand chose à voir avec l’extraterrestre, il n’est que son moyen de transport, sa « soucoupe volante », son vaisseau spatial aperçu au détour d’un nuage. Et ce n’est pas à partir de quelques images floues de formes indistinctes dans le ciel du Texas que se sont fondées les représentations des créatures extraterrestres dans l’imaginaire. Ces représentations sont classables en quatre groupes : les amorphes sans forme physique et assez peu représentés, les anthropomorphes qui nous ressemblent (popularisés par la fameuse Affaire Roswell), les zoomorphes inspirés d’animaux réels et les WTF sortis de l’imagination enfiévrée de quelques auteurs ou dessinateurs sous crack.
Mais outre la typologie intéressante mais titanesque et nécessairement non-exhaustive que l’on peut brosser de ces habitants d’outre espace, il est primordial de s’arrêter quelques instants sur le fondement du mythe, qui constitue également la raison de son succès. L’extraterrestre est beaucoup plus qu’un énième monstre fantastique incohérent, puisqu’il s’adresse -et sans aucune explication surnaturelle- directement à notre imagination. Si l’espace est infini, ou en tous cas très grand, et si on considère que l’apparition de la vie ex nihilo sur Terre n’est pas due à une intervention divine, alors tout laisse supposer qu’elle a pu également apparaître ailleurs, à d’autres époques, sous d’autres formes. Et comme nos moyens d’information concernant le cosmos infini et les mondes d’outre-espace sont excessivement limités (nous ne sommes jamais allés que sur la Lune), on peut absolument tout imaginer. Or, cet inconnu gigantesque qui nous surplombe et nous dépasse, nous ne pouvons guère l’explorer pour le moment, et en tous cas pas assez vite à l’échelle individuelle. De quoi non seulement stimuler comme jamais notre imagination, mais comme la plus grande source de peur est l’inconnu, également de quoi nous foutre très sérieusement les shoggoths.
Parmi les premières figures extraterrestres représentées dans le domaine culturel, et ayant laissé une image forte auprès du public, on peut citer le travail précurseur de monsieur Georges Méliès dans son Voyage dans la Lune, qui reprit l’idée d’une race sélénite, avec les effets spéciaux de 1902, des oeuvres de Jules Verne et HG Wells. Cette première représentation cinématographique, aux tout débuts du cinéma, plaça d’hors et déjà cette figure emblématique comme un incontournable du septième art. C’est toutefois Steven Spielberg qui, exactement 80 ans plus tard, fut à l’origine du plus fameux et du moins représentatif des personnages d’outre-espace en le personnage d’E.T. l’extraterrestre dans le film du même nom.
Or, E.T. est aussi fondateur que peu représentatif. Il est l’exception qui confirme la règle, puisque le petit personnage venu de la Lune est représenté comme non seulement inoffensif, mais au moins aussi terrorisé que les humains qu’il rencontre (à l’exception d’Elliot, le marmot américain bienveillant par définition). A la fin du film, les enfants réussissent à le rendre aux siens et il repars dans l’espace en échappant ainsi aux scientifiques humains cherchant à le capturer. En plaçant des enfants comme personnages principaux, Spielberg nous propose un questionnement autour de la tolérance et de l’entraide, des sentiments purs corrompus par des adultes agressifs et inaptes à la compréhension des autres. Message universel de paix et de tolérance, éloge du rêve et du désintéressement, check. Pourtant, c’est peu dire que d’affirmer que cette vision des choses est minoritaire.
La vision de Lovecraft se distingue par une certaine originalité. En effet, l’auteur est éminemment matérialiste et base l’ensemble du Mythe de Cthulhu sur l’idée que d’autres êtres (les Grands Anciens et consors) existent sous des formes infiniment complexes et incompréhensible (au sens propre) par nos esprits humains étroits par définition. Dès lors, toutes les manifestations surnaturelles sont plus ou moins issues de réalités d’outre-mondes totalement impossible à appréhender par l’esprit humain. Le grand Cthulhu est le plus emblématique de cette idée, puisqu’il est a peu près clairement établi qu’il est retenu sur Terre depuis des temps immémoriaux, mais qu’il est bien une créature tangible, physique, limitée, et d’origine extraterrestre. Pour Yog-Sothoth, Nyarlathotep, Azathoth, Shub-Niggurath et les autres, on est moins sûrs.
Les humains, perçus par Lovecraft comme des êtres éphémères et dénués du moindre pouvoir de compréhension de l’univers infini, s’essaient à la magie mystique et à nombre de cultes innommables au contact de ces choses venues d’ailleurs. En essayant de s’approcher de trop près de l’indicible, ils perdent fatalement la raison et -à l’occasion- la vie. Aucune lutte n’est possible, ni aucune tentative de compréhension des desseins de ces autres. Seule l’ignorance absolue peut préserver l’humanité de l’annihilation immédiate. Mais même cette ignorance est vaine puisque le destin des humains est de sombrer dans le néant sans âge dont sa sortie ne fut qu’une étincelle à peine notable. Une vision bien différente de celle d’ET qui ne partage qu’un seul point commun avec elle : celui d’être également minoritaire.
En effet, la vision hautement majoritaire de l’extraterrestre est celle de l’envahisseur et de l’ennemi commun contre lequel les humains le plus souvent occupés à s’entretuer vont réussir à se liguer afin de faire bloc et de triompher face à une adversité surpuissante. Presque toujours représentés aux commandes d’engins hautement avancés technologiquement, les hordes d’outre-espace ont la fâcheuse habitude de déferler sur les Etats-Unis la Terre et de la conquérir en y semant le chaos et la destruction. Cette vision des choses est bien entendu issue du climat de guerre froide des années d’après-guerre lors desquelles la fiction se devait de jouer un rôle fédérateur face à un ennemi -les rouges- commun.
Qu’on soit dans la Guerre des Mondes, Independence Day ou Mars Attacks! pour ne citer que ces quelques films, on peut constater qu’un certain nombre de constantes existent dans ces représentations de l’extraterrestre. Les envahisseurs humanoïdes et belliqueux sont toujours dotés d’une technologie de pointe, d’une discipline de fer et d’une inextinguible soif de destruction. Ils ne semblent jamais diverger entre eux, et semblent mus par une volonté unique. Sans qu’on nous éclaire jamais sur leurs motivations ni la plupart du temps sur leur provenance, ils débarquent sans crier gare en dévastant tout sur leur passage. L’humanité prise au dépourvu n’a que le temps de se cacher pendant que la Tour Eiffel, la Pyramide de Khéops et le Pentagone sont atomisés. Dès lors, la contre-attaque doit s’organiser pour bouter les envahisseurs hors de notre chère Terre Mère. Evidemment, les fictions qui mettent en scène ce type de récit relèvent la plupart du temps du récit catastrophe ou de guerre, avec un fond patriotique évident.
Certaines oeuvres proposent une vision assez différente en retournant la situation à leur manière. Dans le navet culte Starship Troopers, ainsi que dans le film plus récent Avatar, les humains sont placés dans la position inverse : celle de l’envahisseur. Dans ce dernier exemple d’ailleurs, l’idée d’une planète à découvrir permet au réalisateur James Cameron de faire un parallèle très clair avec la découverte de l’Amérique. Les extraterrestres Na’vis jouent alors le rôle de population autochtone d’inspiration amazonienne vivant en parfaite complémentarité avec leur environnement. La planète Pandora est elle-même considérée comme vivante par l’ensemble de son ecosystème, dont la volonté est déifiée par les Na’vis sous le nom de Eywa. D’une certaine manière, il s’agit là aussi d’une représentation de vie extraterrestre, chose que les militaires humains ont beaucoup de mal à assimiler.
Le film District 9 se démarque nettement -en plus d’une réalisation innovante en semi-reportage- par la mise en scène d’une situation unique dans la fiction. En effet, les extraterrestres sont alors présentés comme des réfugiés démunis, contraints de trouver asile sur Terre. Avec le temps, la situation a fini par stagner et le camp des réfugiés « mollusques » a fini par faire partie du paysage, entraînant racisme et insécurité et forçant les autorités à prendre des mesures radicales. Pour une fois, les extraterrestres sont présentés dans une situation de faiblesse inédite.
La saga Alien place les extraterrestres hostiles dans une position différente. Comme son nom l’indique –Alien signifie « étranger » en anglais- les films de la série confrontent des humains à un envahisseur excessivement évolué et intelligent aux capacités naturelles inégalables. Bien qu’il n’utilise aucune technologie et qu’il ne parle pas une langue clairement définie (mais il communique), les facultés physiques de l’Alien lui permettent de massacrer les humains qui ont le malheur de se trouver dans le même huis-clos que lui et d’échapper à leurs pièges. Avec son aspect horrifique imaginé par l’artiste HR Giger, son sang acide, sa mâchoire ignoble, sa discrétion a toute épreuve et son insupportable résistance, il est le monstre d’horreur parfait.
Ces quelques représentations, à part les envahisseurs très rabâchés, ont le point commun de se distinguer par une certaine originalité. La tendance actuelle étant à la récupération de vieilles recettes, en particulier au cinéma, certaines visions de l’extraterrestre sont entrées totalement dans les moeurs jusqu’a devenir des figures récurrentes de la culture populaire. On pensera bien sûr aux petits hommes verts et aux petits gris ; minuscules humanoïdes au gros crâne, réputés venir de mars et se déplaçant à bord des fameuses soucoupes volantes. Ces représentations, comme celles des vaisseaux destructeurs dans les rues de New York, ont été tellement vues et revues qu’elles ont perdu toute leur saveur et tout leur intérêt. Pour faire du neuf avec le Mythe de l’Extraterrestre, les créateurs d’imaginaire qu’ils soient auteurs, joueurs, meujeux devraient reprendre le concept à la base et revenir à l’essence même de ce qui fait l’intérêt de la vie d’outre-espace au niveau narratif mais aussi esthétique et philosophique. Il serait très dommage de rester limités à quelques figures récurrentes car l’univers, lui, est infini.
~ Antoine StI Epondyle
Pourtant, pour avoir une idée plus réaliste de ce que serait la vie extraterrestre, il suffit bel et bien de sonder la vie terrestre.
En effet, la vie sur Terre a émergé il y a 3,5 milliards d’années, et la durée de vie d’une espèce excède rarement les 65 millions d’années (c’est grosso modo la période des événements cataclysmiques sur Terre : astéroïde, volcanisme etc.), ce qui laisse a priori, ancré dans notre passé, des dizaines de règnes animaliers différents du nôtre.
Le plus connu est sans nul doute celui des dinosaures, mais c’est sans compter celui des insectes, et celui, à l’origine, des animaux marins. Ainsi, dans un univers fictif où les dinosaures ne se seraient jamais éteints, il est fort probable que le plus intelligent et redoutable d’entre eux (le vélociraptor si je ne m’abuse) ait dominé la vie sur Terre. Au gré des évolutions aléatoires de son génôme, qui sait ce que serait devenue cette espère aujourd’hui ? La niche écologique de l’homme n’aurait sans doute jamais pu émerger, et ce qu’on pourrait appeler un extraterrestre serait juste un reptile issu de l’évolution du vélociraptor sur les 65 dernières millions d’années (date du dernier cataclysme, et qui concorde avec la période approximative des événements cataclysmiques.
Sachant que l’homme a mis 10 millions d’années pour atteindre le statut d’homo sapiens, qui sait quelle forme , intelligence, « technologie » aurait acquis un vélociraptor évoluant pendant 6 fois plus longtemps ?
Parmi les systèmes « solaires » différents et les planètes différentes, il est fort probable qu’il en existe une habitable dont la période « cataclysmique » est largement supérieure aux 65 millions d’années que connaît notre Terre, ce qui voudrait dire que les règnes animaliers sur celle-ci seraient potentiellement bien plus évolués que ceux que notre Terre a connu. De même qu’à l’inverse, il est fort probable que nombres de planètes habitables ne puissent accueillir de formes évoluées à cause de leur taux e cataclysmes trop élevés. Une étude statistique (autant dire pas tout de suite) permettrait alors de savoir si les planètes comme les nôtres, permettant l’émergence de formes intelligentes, sont rares ou pas.
Par ailleurs, je me permets d’ajouter qu’aujourd’hui encore, la définition du vivant ne fait pas encore consensus (un virus est-il vivant ? une étoile est-elle vivante ?), si bien qu’il est d’autant peu probable que la « vie » extraterrestre soit une simple forme modifiée de ce que l’on connaît aujourd’hui (c’est-à-dire la cellule, la chimie du carbone et l’ADN).
Sans rentrer dans les détails, si l’on se donne pour définition d’un système vivant un système auto-organisé diminuant l’entropie, alors certains corps célestes peuvent rentrer dans cette catégorie.
Je pense que pour renouveler le genre des extra-terrestres, il faut tout simplement se poser de nouvelles questions, et je ne peux qu’encourager biologistes et archéologues à les distiller dans la société.
Il me semble que bien souvent la pensée de l’extra terrestre est proche de celle du monstre, car ne fait que nous renvoyer a nous même.
Le gentil petit scientifique paumé, le colonisateur / pacificateur , la machine a tuer génétique..
Si la SF (actuelle vraiment ?) et sa vague créationniste nous renvoie au bonnes vieilles questions, orbitant autour du sacro-saint « pourquoi », c’est peut être parce l’absence de réponse ou la quête demeure un de nos moteurs les plus puissants, et ce sont eux qui continue de faire tourner les « bobines »ou les pages..
De mon coté je me rassure en me disant que même si « la vérité est ailleurs », seul Cosmo est vraiment « Extra ».
Justement Funky tu poses une question intéressante. En considérant le petit bout de la lorgnette par lequel nous regardons l’univers de notre petite planète Terre, il est assez réducteur d’imaginer des extraterrestres aussi ressemblants à nous autres. Même si la question de « a quoi ressemblerait une espèce ayant continué son évolution sur des millénaires, voir beaucoup plus longtemps ? » est très pertinente.
Du coup dans la fiction, on peut comprendre que les auteurs soient un peu immobilisés par cette perspective. On a presque ça dans Avatar (en assez superficie mais quand même) et sa planète-déesse qui semble douée d’une sorte de vie propre.
Dluminus je suis assez d’accord avec toi. D’ailleurs la figure récurrente de l’ennemi-commun-surarmé-contre-lequel-nous-devons-être-unis est très ancré dans un climat de guerre froide ou les pays occidentaux devaient se serrer les coudes face au bloc communiste, le fameux « étranger colonisateur surarmé ».
Quand aux questions fondamentales de l’humanité, si elles peuvent rester de bon moteurs (comme le combat entre le Bien et le Mal en medfan aussi par exemple) je trouve assez bancal e les poser avec d’aussi gros sabots que dans un récent film de Ridley Scott par exemple.
Merci de vos commentaires !
bravo pr votre article tres bien redige, et bravo aussi pr la pertinence de funky
Merci vincegref !
Et bienvenue par ici.