[The world ends. Godzilla begins.]
Déjà la bande annonce annonçait du lourd. Servie par une direction artistique de haut-vol et une mise en scène audacieuse, la résurrection du mythe de Godzilla -le monstre mythique par excellence- mettait la barre très haut. En allant voir le film dans les meilleures conditions possibles, en VO et en 3D, je ne pus malgré tout réprimer une petite appréhension. Ce nouveau film allait-il être à la hauteur de la légende ?
Pari réussi ! Godzilla est un véritable film-choral à très grand spectacle, doublé d’un plaidoyer pacifiste et écologiste en clin d’oeil évident à Hayao Miyazaki. Servi par des acteurs au sommet de leur art, le film s’affirme sans conteste comme l’un des meilleurs blockbusters de ces dernières années.
Ah ah ah ! Non, je déconne.
Derrière ses allures de soldat américain modèle et jeune père de famille comblé, Ford Brody cache un lourd passé. Le décès de sa mère lors d’un accident atomique a laissé son père ingénieur nucléaire traumatisé. Depuis des années, celui-ci cherche à découvrir la vérité sur la mort de sa femme. Il faut croire que « catastrophe atomique » n’est pas une vérité suffisante.
En allant enquêter (illégalement) au Japon sur les lieux de l’accident, le père et le fils se retrouvent au cœur d’événements
terriblesgrotesques et incohérents au cours desquels un monstre géant s’échappe pour aller courir le monde. Rapidement, un second monstre plus gros encore fait son apparition.
Le film s’articule en deux parties distinctes : d’abord l’introduction trop longue, qui cherche à poser un pseudo-mystère autour de la mort de la mère du héros ; puis le développement trop long, dans lequel Godzilla fracasse tout sur son passage en lâchant un rôt à un million de décibels en Stéréo Digital Surround toutes les douze secondes.
L’introduction nous permet de découvrir Ford, sorte de bogoss amorphe réussissant à faire disparaître son cou à mesure qu’il creuse les rides de son front en une mimique de contrition ultime, incarné par Aaron Taylor-Johnson ex-Kick-Ass et nouvelle endive. Démineur dans l’US Army, marié avec une infirmière et père comblé d’un futur soldat de la nation, Ford et sa famille sont l’incarnation du bonheur à l’américaine, à grand renfort d’images d’accomplissement stéréotypés et de clichés sexistes. Moi Tarzan, toi Jane.
Ce festival du cliché hollywoodien est complété par une bonne dose de masturbation militariste, démarrée l’air de rien dans l’introduction avant de prendre des proportions pathologiques dans la suite du film. Ah ça, les américains ont une grosse armée et tiennent à nous le rappeler avec autant de ferveur dans la fiction, qu’ils n’ont pas gagné une guerre dans la vraie vie depuis longtemps. D’ailleurs, l’armée dans le film est complètement impuissante, et même le héros se contente de courir d’un bout à l’autre des scènes sans influencer en quoi que ce soit le gros dinosaure qui saccage tout (et qui en fin de compte, finira par se barrer de lui-même). Son seul rôle, et pas de quoi s’en vanter, devient d’assister à tous les événements importants du film au premier rang en se trouvant toujours pile au bon endroit au bon moment, comme si le réalisateur n’avait pas trouvé ficelle moins énorme pour nous faire comprendre le peu de rebondissements de son film.
Les autres acteurs sont tout aussi anecdotiques et incarnent la fille, le général, de père-fou-a-lier-mais-oh-mon-dieu-il-avait-raison-depuis-le-début et le vieux scientifique animiste japonais. Ce dernier, incarné par Ken Watanabe (LE japonais américain) porte à lui seul et dans une tirade unique le peu de préoccupation écologiste du film : « L’homme croit qu’il contrôle la nature, mais c’est l’inverse ». Heureusement, cette prédiction de mauvais augure est contrebalancée lorsqu’on nous apprend que Godzilla vient « rétablir l’équilibre » en tabassant d’autres gros monstres. On comprend alors en creux que non seulement il ne faut jamais écouter les vieux japonais (ah ah tous des vieux fous !) mais également que le mode de vie américain d’aujourd’hui est « l’équilibre », et que Mère Nature s’empresse de nous protéger en envoyant sont Némésis en renfort dès que besoin. Message anti-écologiste, check.
Alors d’accord, on ne va pas voir Godzilla pour la puissance poétique de son message philosophique. Mais même son action, ses scènes de combat et de destruction passent à côté de leurs objectifs. On s’ennuie ! Dans sa volonté de rester au niveau subjectif du regard humain en filmant ses montres, le réalisateur Gareth Edwards ne montre pas les affrontements avant la toute fin du film, tout en baladant son héros en plein coeur de l’action en permanence. Cet entre-deux n’est ni réaliste ni justifié et finit par nuire au rythme général et aux scènes censées justifier l’ensemble, même avec une qualité d’effets spéciaux incontestable. On a finalement l’impression de voir des chutes de tournage de Pacific Rim, à la différence que dans cet autre nanar décérébré, on rigolait beaucoup plus.
En bout de course mes espoirs de voir dans cet énième remake de Godzilla un vrai film d’apocalypse prophétique, dans lequel l’humanité était mise face à ses excès par une révolte très figurative de Mère Nature, se sont effondrés. Le film incarne en fait strictement l’inverse de cette idée, et ne porte de message qu’un bon gros relent d’impérialisme américain. L’excellente bande-annonce et les superbes visuels de promotion, jusqu’à la punchline « The world ends, Godzilla begins » se sont avérés mensongers. Seul mérite à reconnaître à cet effroyable et bruyant naveton, celui de réussir à nous faire vaguement regretter Jean Reno. Ce qui n’est pas rien, je vous l’accorde.
-Saint Epondyle-