
≠ Ca m’a fait du bien parce que c’est vrai,
parce que c’était sincère.
Parce que c’était nous, vieux frère. ≠
~ Dédicace à Tonio, Ben et tous les autres. ~
Après trois jours je ne m’en remets pas.
J’ai mal partout, d’accord, mais pas seulement.
Samedi soir, petite salle, pure ambiance. Putain, c’est rien de le dire. Le concert était dantesque, même malgré l’absence du bassiste pour cause de poignet cassé ; bon rétablissement mec. Le week-end dernier, je suis allé voir Fauve en concert au 106, à Rouen.
De Fauve à moi, la séduction a été progressive. La découverte de l’EP Blizzard m’avait plutôt enthousiasmé malgré un premier contact désarçonnant. Puis, j’ai vraiment apprécié la baffe musicale et -surtout- verbale de ce flow improbable, impudique, imparable et si caractéristique. Finalement, la sortie de l’album Vieux Frères – partie 1 a confirmé le coup de foudre. Je l’écoute en boucle depuis sa sortie.
En arrivant devant la salle, je dois confesser un sursaut de scepticisme. Le public est largement plus jeune que moi, malgré la présence de quelques anciens dont des parents accompagnant leur progéniture. Et pourtant, la première partie assurée par Sarah W. Papsun, groupe « mathrock electro tribal » (si si), commence à faire vraiment bouger la salle. J’ai vu Bercy moins réactif que ça pour des premières parties, c’est plutôt bon signe.
J’ai assisté à pas mal de concerts, la plupart du temps du rock ou du métal. Je viens de là : j’aime la fosse, la foule, l’odeur de joint et de bière, mélangée à la sueur. J’aime me retrouver porté par des milliers d’autres sous un tonnerre de décibels, et gueuler à tue-tête jusqu’au plus tard de la nuit. Mais cette fois, quelque-chose était différent. De Saez à Placebo ou Rammstein, les artistes me semblent toujours lointains, inaccessibles. Ils sont d’un autre monde, ils ont créé la bande-son de ma vie mais je ne suis pas leur ami. Je suis un admirateur de leur musique comme des milliers d’autres, et je suis venu l’apprécier dans une salle immense.
Pour la première fois de ma vie, c’est moi que j’ai vu sur scène. Moi, mon école de commerce, ma vie parisienne, mes doutes et cet irrépressible besoin de crier et d’ouvrir les vannes qui me poursuit depuis des années. Fauve est une incarnation de ma génération, de mes amis, de nos démons et de nos moments de grâce. Nous sommes des « vieux frères », ceux qui se sont trouvés, et qui construisent depuis toujours de fragiles chemins à arpenter côte à côte. Fauve ne représente rien, ne porte aucun message, n’a aucune vocation universelle. Fauve est une pluie d’émotions brutes. Fauve, c’est nous.
Contrairement à la plupart des concerts auxquels j’ai assisté, je m’identifie beaucoup à ce groupe et ses textes, qu’il a commencé par publier en ligne. Les membres de Fauve ont tout risqué, se sont foutus à poil brutalement, et se sont envolés. Pour l’instant, Fauve c’est assez peu de chansons, mais chacune d’elle attaque un sujet excessivement personnel qui résonne dans la vie de tous ceux qui aiment le groupe. A l’arrivée des musiciens sur De Ceux, les doutes font place à l’exutoire.
En concert, Fauve balance. Le chanteur scande, gueule, rappe, il ponctue ses rimes de grands gestes énergiques, en courant d’un bout à l’autre de la scène. Malgré l’obscurité de la salle, le groupe tout entier dégage une vraie présence, renforcée par les projections qui évoquent l’ambiance de chaque morceau. On reconnait des bribes de clips, on se laisse complètement décoller. C’est clair, ça déchire. Les morceaux s’enchaînent pratiquement sans pause et le « merci » adressé au public en fin de concert sonne comme le plus sincère que j’ai jamais entendu.
Ce groupe n’a pas fini de se faire casser. Question de génération, de type de musique, de parcours de vie et d’introversion. On peut leur reprocher d’être émo, bobo-parigots, enfants gâtés. Mais lorsque je tenais par l’épaule un vieux frère parmi les plus anciens, à la fin d’un concert d’anthologie, lorsque le groupe a entonné Loterie puis Blizzard en fermeture, poings levés vers le ciel, tous ensemble, à ce moment là j’ai chialé.
Chers Fauve, si vous passez par ici, je vous dis bienvenue. On vous attendait.
C’est pour des moments comme ça qu’on est en vie.
-Saint Epondyle-
Fondateur de Cosmo Orbüs depuis 2010, auteur de L’étoffe dont sont tissés les vents en 2019, co-auteur de Planète B sur Blast depuis 2022 et de Futurs No Future à paraitre en 2025.