La disparue de Pigalle, mini-scénario pour Cthulhu 1920

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J’inaugure un nouveau type de publication : de petits scénarios sans prétention, rédigés sous forme de notes. Je les ai fait jouer tel quels (ou pas) au cours de ma campagne de Cthulhu 1920 à Paris. Ces accroches ont pour vocation de servir de quêtes annexes, souvent liées aux personnages de ma table. Si le cœur vous en dit, à vous de vous les approprier, de les remixer et de les réutiliser comme matière première.

Le cas échéant, venez nous raconter ce que ça a donné.

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Pour télécharger le scénario en .pdf c’est ici.

scenar-cthulhu-1920En peu de mots

Années 1920, Paris. Un contact des investigateurs signale la disparition de Louison, jeune prostituée dans le quartier de Pigalle. Cette enquête classique les amènera à remonter la piste du kidnapping jusqu’à un personnage intouchable et passablement dangereux ; ils devront donc se débrouiller entre un ennemi puissant et quelques cas de conscience.

Durée estimée : 3 à 4 heures avec un groupe réduit (2 à 4 joueurs). Idéal à intercaler entre ou pendant d’autres enquêtes.

Le début des embrouilles

M. Arthur du Val est un député à la Chambre (l’Assemblée Nationale sous la IIIème République), sans histoire. Marié depuis des lustres, il vit une relation conflictuelle avec sa femme Bertrande depuis dix ans ; relation toxique qui l’a amené à fréquenter les bordels de Pigalle sur une base hebdomadaire, pour se « calmer ». Il y visite – pour passer incognito et pour le côté « canaille » – les établissements ouvriers en empruntant le nom de son valet de 17 ans : Maxime Cholet. Jusqu’ici tout va bien.

Du Val tombe raide dingue d’une jeune prostituée de 19 ans, Louison, qui officie Chez Cassandre au pied de la butte Montmartre. Devenu habitué des lieux sous son nom d’emprunt, le député cherche à séduire la jeune femme. Mais le bonhomme est une brute, stressé et peu enclin à essuyer un refus. Il en vient à frapper sa « protégée » au moins deux fois avant de devenir persona non grata au bordel. C’est à ce moment qu’il commence à rôder autour, cherchant une occasion de croiser Louison, qui ne sort guère exhiber ses coquards.

Rendu fou par l’idée que « sa » Louison puisse fréquenter d’autres hommes (et pour cause), Du Val pète littéralement un boulon. Il l’enlève, et la séquestre à l’abri des regards.

Les PJ peuvent entrer en scène…

  • Commandités par Cassandre la tenancière du bordel, qui veut récupérer la fille qui lui doit encore 1 000 francs,
  • Parce qu’ils connaissaient Louison et/ou le quartier de Pigalle (ou n’importe quel autre « Quartier Rouge » de France ou de Navarre),
  • Pour une autre raison, mais l’idéal est de les impliquer personnellement dans l’affaire pour éviter qu’ils ne la laissent tomber.

Le cœur du sujet

Le kidnappeur ne peut pas cacher Louison chez lui, superbe hôtel particulier non loin du bois de Boulogne. Il l’a enfermée dans sa dépendance de chasse (semi-abandonnée) en plein milieu du bois. Là, personne ne l’entendra crier.

Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas.

  • Jour 0 – L’enlèvement, en soirée. « Maxime Cholet » agit seul, il ne veut pas de témoin. Alors que Lousion sort de Chez Cassandre vers 23h pour aller « danser » en compagnie d’un client  de confiance (Edmond Calais, cheminot de 27 ans, habite à Saint Lazare), « Maxime Cholet » allonge ce dernier d’une droite en pleine gueule, et embarque la fille dans sa voiture. Il va la cacher immédiatement, non sans l’avoir dissuadée de se débattre à coups de canne dans les côtes.
  • Jour 1 – « Maxime » se rend aux Halles au lieu d’assister à la séance à la Chambre (ses collègues le remarquent mais ne s’inquiètent pas : eux-mêmes ont une assiduité relative). Il se rend chez un sorcier algérien près de Montparnasse, Monsieur Ibrahim (« Résolution rapide de tous les problèmes, impuissance sexuelle, problèmes d’argent, retour de l’être aimé etc. »), et lui demande de concocter un filtre d’amour. Il paie comptant et revient le chercher à 18h.
    En soirée, une réception est donnée chez les du Val. Le couple joue son rôle de façade et personne ne suspecte rien. Les PJ peuvent en profiter pour s’introduire et fouiller cave, chambres, greniers, sans rien trouver de suspect. A cette occasion, ils peuvent apprendre – parmi les trophées ou dans la discussion avec les invités – l’existence d’un domaine de chasse appartenant à Arthur du Val dans le bois de Boulogne. Sa femme n’y va jamais et professe à tout le monde qu’elle déteste la chasse (dont les trophées emplissent pourtant la maison).
    Si l’on rencontre le vrai Maxime Cholet, celui-ci ignore complètement que son patron emprunte son identité, et ne correspond pas du tout à la description des témoins de l’enlèvement. Il est trop jeune et trop frêle pour allonger qui que ce soit en combat singulier.
  • Jour 2 – Au matin, « Maxime » prend sa voiture et se rend à la dépendance sous prétexte d’aller chasser. Pour rendre crédible cette excuse, il emporte son fusil favori (qu’il ne compte pas utiliser), une tenue de chasse (et le filtre d’amour, mais ça il ne le dit pas à sa femme).
    Peut-être parce qu’elle a été tabassée et enfermée par ce dangereux malade, Louison reste insensible aux « charmes » de son tortionnaire, et ce malgré le filtre d’amour. Il s’énerve de plus en plus, et devant sa résistance décide – sur le coup de l’énervement – de la détacher pour lui donner la chasse. Elle s’enfuit en courant dans le bois, psychopathe aux trousses, qui tire à balles réelles. Si personne ne fait rien, ce qui doit arriver arrivera.
    On découvrira le corps de Louison une semaine plus tard sous un tas de fougères. Elle ne sera jamais identifiée et personne ne fera le lien avec la disparition de Pigalle – jamais déclarée.
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Arthur du Val

Arthur du Val, alias « Maxime Cholet », est une ordure. Il sait qu’il fait une connerie dès le début de l’histoire. Il agit sous l’effet de l’alcool et l’emprise d’une passion aussi violente et qu’incontrôlable. Il essaie plus ou moins de corriger la situation au fur et à mesure (avec le filtre d’amour notamment), fait beaucoup d’erreurs, et s’enfonce d’autant plus. Il deviendra violent sans trop le chauffer. Problème : c’est un député influent, le genre bien en vue pour devenir premier ministre. Toute action entreprise contre lui (violences, révélations…) aurait des répercutions immédiates dans la presse et la vie mondaine. De plus, la police s’intéresserait au problème, cette fois de très près.

Quelques développements possibles

Les PJ jouent, sans le savoir, contre la montre. Ils ont 48 heures pour résoudre l’affaire et secourir la jeune fille. S’ils n’arrivent pas  à la sauver, chaque jour qui passe enterre un peu plus les pistes d’investigation. Les témoins oublient, les indices disparaissent. Il va falloir plus que de la pugnacité, et un sacré sens de la justice pour faire éclater la vérité.

Le sort de Louison

Le problème est moins de retrouver la piste et de faire évader la jeune femme, que de savoir quoi en faire après. Le Gardien devrait éviter de permettre le sauvetage de Louison après deux jours d’enlèvement : ce genre de situation ne peut pas s’éterniser, et un meurtre aura l’avantage de faire ressentir aux joueurs que le monde évolue en parallèle d’eux.

Enjeux possibles :

  1. La faire évader de chez du Val. Sauf que la « rendre » à Cassandre (à qui elle doit beaucoup d’argent) signifie la remettre en esclavage sexuel. Sans compter que du Val connaît l’adresse, et qu’il reviendra la chercher.
  2. La mettre en sécurité, loin de du Val et potentiellement de Cassandre. La laisser à la rue n’est pas une solution, elle retournera au bordel rapidement faute d’une meilleure option. Accessoirement, il faudra expliquer à Cassandre et à ses « amis » aux gros bras pourquoi elle ne sera jamais remboursée.

Ces enjeux ne doivent pas être gagnés d’avance. Dans ma partie, Louison est morte faute d’un sauvetage à temps, et Cassandre est venue réclamer son dû en tabassant un joueur (qui ne s’y attendait, mais alors pas du tout). Tous ces rebondissements sont autant de pistes à suivre pour raconter la suite de l’histoire de manière intéressante.

Faire éclater la vérité

Que le député soupçonne leur implication dans une enquête ou pas, celle-ci doit être une tannée. La presse refuse de publier quoi que ce soit sans de très solides arguments et contacts (témoins variés, validation d’un juge d’instruction…), et la police ne voit pas très bien pourquoi elle devrait fouiller une affaire qui a toutes les chances de lui péter à la tronche.

Un bon moyen d’avoir des alliés serait d’aller contacter les ennemis politiques du député. Vous savez, ceux qui ont toutes les raisons de le faire tomber et qui sont bourrés de contacts dans la presse… ? Mais l’affaire est compliquée à exploiter sans risquer gros, et ils chercheront à utiliser les joueurs comme fusibles en cas d’échec. Faites en sorte que leur aide ne soit pas sans conséquence.

Si du Val a des raisons de croire que les PJ sont impliqués dans l’évasion de sa protégée, surtout si des révélations publiques viennent ternir son nom, il leur en voudra toute sa vie. Ils héritent d’un ennemi solide dans le monde politique, qui usera de toute une batterie de saloperies, pressions et coups tordus à leur encontre. Si l’un des joueurs signe de son nom un article de journal, l’accuse en public, où quoi que ce soit dans ce genre, il pourrait bien le provoquer en duel au bois de Boulogne. C’est interdit, mais qui ira lui dire ?

-Saint Epondyle-

11 Commentaires

  1. Bonjour Saint Epondyle.

    J’ai tenté de t’envoyer un mail, il y a maintenant un peu plus d’un mois. Resté sans réponse, je retente ma chance ici, profitant de cette nouvelle page sur Cthulhu : quid du scénario « Le cauchemar de Saint-Régent » dont tu avais prévu de nous faire partager l’écriture ? :)

  2. Voilà un scénario qui a l’air prometteur. Je me permets de procéder à quelques modifications pour l’inclure dans la campagne de mon groupe vu qu’elle se passe aux USA, et non en France, et aussi pour incorporer quelques éléments ayant trait au fil rouge de la campagne. D’ailleurs, ça tombe super bien. Dans une précédente aventure, certains personnages ont rencontré une prostituée. :D

  3. Le pitch est très sympa. Cette idée de notes, qui laissent une adaptabilité puissante, est très futée ! Mais une question demeure : où est le mythe dans tout ça !? Joli boulot en tout cas !!

  4. Merci c’est gentil !

    Pas de mythe ici, c’était un scénar réaliste pour entrecouper ma campagne. Du coupe le scénar peut aussi bien être utilisé avec Crimes ou tout autre jeu d’époque. :)

    Tu l’as testé ?

    Merci pour ton commentaire. Et… cet avatar me remplit de nostalgie !

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