Le cas Bruce J. Weyne, mini-scénario pour COPS

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Voici un petit scénario amusant qui m’est venu dans le cadre de ma campagne de COPS. Son objectif est de détendre l’atmosphère pendant une campagne suivie, par des scènes inspirées de l’univers comics franchement second degré… sans s’épargner quelques dilemmes moraux. Le scénario commence comme un 10-18 et peut ouvrir sur un PNJ récurrent, ou une histoire plus développée pour qui voudra la poursuivre.

Je vous le livre sous forme de prise de notes, que j’enrichirai au fur et à mesure de son développement à ma table.

Note : Il est possible que ce scénario soit inspiré largement d’un autre que j’ai dû lire sur Internet il y a longtemps. Mais que j’ai été incapable de retrouver. Voici donc ma version.

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L’affiche du film

Pour télécharger le scénario en .pdf c’est ici.

En peu de mots

« Bruce » Jacob Weyne est un fils à papa de bonne famille. Très éduqué et ancien membre du corps des marines étasuniennes, il a raccroché l’uniforme pour un autre… moins classique. Comprenant dans son patronyme qu’il était appelé à un grand destin, « Bruce » profite de sa fortune et de ses compétences de soldat pour (tenter de) faire régner la loi dans les rues de LA.

Ce qui pourrait n’être qu’une bonne blague va devenir le cauchemar de nos COPS, et pas forcément pour les raisons auxquelles ils s’attendent.

Durée estimée : 1h30 à 2h pour le lancement, avec piqûres de rappel à l’infini dans une campagne suivie.
Inspiration : Tous les films Batman évidemment.

« 10-18, appel à toutes les voitures ! »

Fin de journée pour nos COPS, qui bâclent les derniers interrogatoires de la journée avant de ramasser les miettes de leurs vies de famille. Idéalement, ce scénario peut se greffer sur n’importe quelle scène d’action, idéalement un 10-18, et surtout quand les joueurs ne s’y attendent pas. Sauf à vouloir tenter le diable, je vous conseille quand même d’éviter les scènes dont l’enjeu est trop important.

Idées :

  • Une branche old-school de la mafia sicilienne braque « à l’ancienne » la Bank of California, et particulièrement les coffres-forts du sous-sol. Les COPS sont appelés à la rescousse par le service de sécurité. Ils trouveront « Bruce » dans la salle des coffres.
  • Un abattoir industriel de Gardena est transformé en « BDSM + live-feeding open-air Fest » (un événement underground très branché) par la mafia russe. Les COPS sont envoyés en civil veiller à ce que tout se passe « bien » (ou pour récupérer la petite nièce d’un riche contact auquel ils doivent un service). « Bruce » passera à l’action directement sur le dance-floor.

L’idée est de mettre nos personnages en difficulté : ennemis nombreux et bien armés, présence en sous-nombre (pour une infiltration), absence d’arme lourde et de soutien logistique… Alors que la situation commence à leur échapper tranquillement… **taaa ta dadada !** Batman.

« Bruce » Jacob Weyne,
sujet pathologique

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Toute ressemblance avec un Batman ayant réellement existé…

« Bruce » est un justicier, qui a les moyens (financiers) de ses ambitions. Il n’est pas de ces aimables comités de quartiers qui se masquent par folklore et luttent contre la petite délinquance en rétablissant un peu de lien social. Il vise la pègre, la grosse. Mais « Bruce » n’est pas un superhéros, il va multiplier les occasions de se faire flinguer en mettant en danger d’autres que lui. Lorsque les COPS interviennent la première fois, il surgit en costume de scène et fout une pagaille monstre sur les lieux, cause la panique entre les civils, les malfrats et les flics, déclenche des mouvements de foule… et sauve la mise à nos COPS présents sur les lieux ! Ils lui seront redevables, et ça ne les arrangera pas pour la suite.

Il est important de se rappeler que « Bruce » n’est pas le vrai Batman, et qu’il n’a pas les moyens d’échapper à la police ni d’ailleurs à qui que ce soit. En fait, il ne cherche même pas à éviter les COPS puisqu’il est persuadé qu’ils le remercieront chaleureusement comme le ferait le commissaire Gordon.

Profil psychologique

Sous sa cape noire, Jacob est un chevalier blanc. Incorruptible (car richissime), il est aussi doté de solides convictions morales qui se résument au Bien / Mal des ligues de vertu catholiques et au « tout le monde peut devenir riche en travaillant » des américains. Il ne s’en prend qu’aux criminels organisés dont l’activité est moralement répréhensible selon ses standards à lui. Et ça fait du monde.

Fan de comics dans son jeune temps, « Bruce » a développé une amnésie partielle à la suite du traumatisme de la guerre de Corée. Il reproduit au plus près tous les comportements de Batman mais reste persuadé que l’idée vient de lui. Autant vous dire que les arguments rationnels ou la confrontation avec des goodies et bande-dessinées de l’univers DC Comics ne lui feront ni chaud ni froid. Il est convaincu d’être le héros que Gotham attend. Et « Gotham » va lui donner raison.

Détails matériels

Jacob vit de la fortune familiale, commande (légalement) tous ses gadgets auprès de grosses entreprises d’armement. Il habite un manoir somptueux retapé en loft des environs de Hollywood où il a fait aménager une Bat-cave™ à grands frais. Pour faire simple : tout comme dans les films.

A parts quelques gardes à vues pour « entrave à l’action de la police » et « insubordination », son casier est parfaitement vierge. En cherchant un peu (Bureaucratie / Education (2) ou grâce à un contact dans le milieu), on trouvera facilement les traces de deux ou trois passages en cliniques privées pour des foulures et des brûlures mineures. Rien de grave : un ancien marines ça se remet vite.

Caractéristiques :

Caractéristiques de Bruce J. Weyne
Bruce est fort, très fort, ses caractéristiques sont dopées et son équipement de pointe. Mais le Meujeu doit faire ses jets avec honnêteté pour donner à ses échecs l’ampleur minable qu’ils méritent (ce que les films ne montrent pas). Il est doté de caractéristiques suffisamment cheatées pour lui permettre de faire des actions spectaculaires, pas pour semer indéfiniment ses adversaires et encore moins pour être invincible.

Par mesure de simplicité et paresse intellectuelle, j’utilise des caractéristiques *très* simplifiés pour Bruce J. Weyne.

Action 5 / 6+
Social 3 / 7+
Intellect 3 / 8+

Résistance aux interrogatoires : Agressif +2, Amical, -1, Froid et détaché -1, Inquisiteur +1, Poli -2.

Attitude préférée en combat : Agressif.
Initiative : 0.

PV : 25
Protections : Bat-costume™ 1d6+6, Bat-casque™ « à oreilles » 2d6+6.
Armes : Bat-griffes™ (corps à corps) 131, Bat-shurikens™ 021 (12m), Bat-flashball™ 014, grenades fumigènes x5 (paf  je disparais !).
Gadgets : Batmobile™, Bat-grappin™ (20m de câble), brouilleur d’ondes, Bat-cape™ stylée.

Malgré ce dont il est convaincu, son identité n’est pas secrète du tout. Une simple recherche Google au nom de « Jacob Weyne » donnera toutes les informations qu’on voudra : notamment son adresse, son profil Facebook (où tout est public)… Et bien entendu, c’est ici que les choses deviennent compliquées.

Papa est avocat

Et même salement avocat. Shean Weyne Jr. est le président d’un cabinet de « cop killers » spécialisés dans la dénonciation (très) médiatique des violences policières, cas de racisme, contrôles au faciès, conflits d’intérêt et corruption au sein de la police. Même le SAD à peur de lui. C’est LE type dont tous les flics un peu sains d’esprit ont peur comme de la mort. Bien sûr, Shean interviendra personnellement dès lors qu’il saura que son fils à des problèmes. Il ne cautionne pas son attitude, mais ne le laissera pas dans la mouise non plus. Le linge sale ça se lave en famille, pas au commissariat.

Jacob agit en cachette de son père, c’est notamment pour ça qu’il sort masqué. Le comprendre permettra aux joueurs d’obtenir un bon moyen de pression sur lui. Ce qui est drôle, c’est qu’à l’inverse c’est aussi le meilleur moyen de pression que lui aura sur les COPS.

Attention : Un PNJ comme Shean comporte un énorme risque d’antijeu. Attention donc à l’utiliser avec parcimonie, plutôt comme un ombre latente, un risque quasiment nucléaire, que comme un réel bâton dans les roues de la police, au risque de frustrer énormément les joueurs avec un ennemi imbattable. Idéalement, Shean doit rester une menace latente entre « Bruce » et les joueurs, brandie par les deux camps sans réelle intention de l’appeler. Si vous arrivez à une sorte d’équilibre de la terreur, c’est que Shean aura réussi son boulot sans la moindre apparition.

Quelques développements possibles

On peut imaginer de nombreuses suites à cette situation de base. Libre à chacun de faire ce qu’il voudra des propositions ci-après : histoire suivie, personnage récurrent, super-vilain en puissance ou simple anecdote de machine à café.

The Dark Knight Returns

Aussi longtemps qu’on le laissera filer, « Bruce » reviendra pourrir la vie de nos flics en voulant leur prêter main forte. Et bien entendu, toute blessure, exposition médiatique voire décès de l’individu retombera d’une façon ou d’une autre sur nos personnages.

Idées :

  • Pendant une filature discrète, il surgit en costume de scène et commence à castagner les suspects. Les COPS interviendront-ils pour empêcher qu’il se fasse dégommer ?
  • Pendant une poursuite, il surgit à bord de sa Bat-mobile™ pour prêter main forte aux forces de l’ordre. Son espèce de tank expérimental détruit pratiquement tout sur son passage avec ses roues crantées monstrueuses et ses armes embarquées, mettant en danger la population, les COPS et les suspects.

Après quelques apparitions fracassantes, les médias s’affolent et « Bruce » accède à la gloire en quelques jours seulement. Il se fait remarquer comme rarement, fait enrager la hiérarchie du LAPD, et donne aux médias et réseaux sociaux de quoi parler pour longtemps. Florilège de titres :

  • « Les justiciers à la rescousse de l’incompétence policière ! »
  • « Pendant que les maniaques courent les rues, mais que fait la police ? » (assorti d’une photo de nos personnages en train de manger une glace)
  • « Le chevalier noir jure de combattre une police corrompue ! »

La ligue des bras-cassés

Selon le degré d’importance que le Meneur voudra accorder à ce scénario (et la dose de second-degré), il pourra faire surgir d’autres PNJ masqués inspirés par les hauts-faits de « Bruce ».

  • Robin, un gamin de 13 ans en costume, qui n’a rien à voir avec Jacob Weyne, mais profite de la notoriété et de la sympathie inspirée par lui pour braquer les échoppes d’alcool de South Central.
  • Un tueur à gage déguisé en clown se branche sur les fréquences radios de la police pour essayer de prévoir les interventions de Batman. Son objectif : lui faire la peau pour s’assurer une réputation dans le milieu.
  • Spiderman, qui se tue en tombant d’un immeuble. Il faut sécuriser le secteur en attendant les secours.

Enjeux possibles

Avec une personnalité aussi haute en couleurs et polémique, le groupe pourra souvent s’entre-déchirer entre les partisans et les ennemis du héros masqué. Les exemples d’enjeux proposés ici peuvent valoir aussi bien pour le groupe entier en cas de consensus, que pour chaque personnage si le débat n’est pas tranché. Ambiance garantie dans les voitures de patrouille.

  1. Empêcher cet abruti de nuire. Sauf que les COPS n’ont aucun intérêt à le voir se faire flinguer (ce qui arrivera forcément sous leurs yeux / ceux des médias / sur les réseaux sociaux et provoquera une haine sans limite de son père). L’empêcher de nuire passe dont soit par la case prison, hôpital ou psychiatrie. Selon la méthode employée, ils auront plus ou moins de problèmes avec Shean Jr. Weyne et ses sbires.
  2. Empêcher cet abruti de se faire flinguer. Parce que lui-même à l’air de tout faire pour : il saute d’immeubles en immeubles, fait du rappel sur les buildings et cherche à passer les menottes aux parrain du crime les plus violents au milieu de leur QG. La tentation est grande pour les COPS de le laisser à son triste sort, mais ils ont une dette envers lui et surtout ils pourraient vouloir…
  3. S’en faire un allié de poids. Si lui ne demande que ça (et agit comme s’il avait carte blanche du LAPD (ce qui n’est évidemment pas le cas)), ce n’est pas l’avis de la hiérarchie et – souvent – du groupe en entier. « Bruce » pourra devenir un contact puissant pour qui accepterait d’entrer dans son jeu, mais qui se paiera au prix d’y entrer complètement. Faites en sorte que les joueurs qui le couvrent une fois se laissent entraîner un peu plus loin à chacune de ses apparitions, jusqu’à falsifier des rapports, laisser s’enfuir ce Batman d’opérette alors qu’il est toujours en tort, assumer les conséquences de ses débilités à lui… jusqu’à une enquête du SAD ?

Feedback

Lors de ma partie, le personnage de Bruce a déclenché un vif débat au sein du groupe. D’un côté les partisans admiratifs du « Regardez ! C’est Batman ! » enchantés d’une telle assistance providentielle, et de l’autre les réalistes bien déterminés à coffrer ce danger public qui agit n’importe comment sur la voie publique, et met en péril l’action de la police. Loin de moi l’idée de détromper qui que ce soit, je m’en suis tenu à ma feuille de route en laissant l’avenir et les décisions de chacun décider de la suite. Si vous arrivez à un tel débat, l’effet est réussi.

Attention quand même à ne pas changer toute votre campagne à cette sauce. Batman ne devrait pas surgir à tout bout de champ et surtout pas accomplir des exploits qui laisseraient les personnages en spectateur. Rien de pire que se sentir nul à côté d’un PNJ omnipotent. Idéalement sortez-le sur des scènes différentes (combat, infiltration, poursuite…) en ménageant toujours une entrée spectaculaire. Si vous arrivez, lors d’une scène sans lui, à faire dire « si seulement Batman était là pour nous aider » à l’un de vos personnages, c’est plutôt bon signe. 

~ Saint Epondyle

Antoine Daer
Auteur et journaliste SF | Website

Fondateur de Cosmo Orbüs depuis 2010, auteur de L’étoffe dont sont tissés les vents en 2019, co-auteur de Planète B sur Blast depuis 2022 et de Futurs No Future à paraitre en 2025.

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