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Photo via Petter Karlsson

L‘Appel de Cthulhu à un peu mauvaise presse à ma table. Il faut dire que nous n’y avons joué qu’en one-shot, essentiellement avec des personnages prétirés et sacrifiables. Mea culpa. Mais maintenant que nous renouons avec une pratique régulière du JdR, et que la septième édition est en voie d’acheminement, l’heure est venue de changer la donne.

J’écris ce billet pour moi avant tout, pour fixer mes idées. Pour mes joueurs ensuite histoire d’alimenter la discussion. Et pour toi enfin, lecteur avec qui je ne jouerai jamais, parce que je me dis que ça te donnera peut-être du grain à moudre (à moins que ce ne soit toi qui m’en donnes).

Le feuilleton rôlistique

Je voudrais créer un cabinet de détectives de l’étrange, une société de gentlemen chasseurs de monstres. Bref un groupe aux contours flous de personnages récurrents, directement inspiré de GhostbustersX-Files, et des autres œuvres du genre. Ce sera le dénominateur commun de toutes les parties de Cthulhu 1920 que je proposerai à l’avenir.

Chaque joueur créera le personnage qu’il voudra, sans aucune autre restriction que :

  • Le cadre : Paris dans les années 20. J’y reviens juste après.
  • Les règles du jeu en mode « investigation occulte » : ni trop horrifique, ni trop Indiana Jones.
  • La cohérence avec le groupe : chacun devra avoir une raison d’intégrer l’Agence.

Si je parle de « feuilleton » c’est que je ne proposerai pas de campagne à rallonge (en tous cas au début). Ce ne sera pas une histoire suivie, mais une suite d’épisodes indépendants à la manière d’une série télé old-school. L’avantage sera de ne pas être bloqués par l’absence de l’un où de l’autre, comme lors de nos grands-messes rôlistiques bi-annuelles. Rater un épisode n’est pas très grave, on se rattrape à la séance d’après.

J’enchaînerai les histoires courtes (d’une à quelques séances) et faciles à préparer. Incarner un groupe de détectives occultes évitera de chercher trop loin la vraisemblance et la motivation des personnages, et il sera assez logique qu’ils cherchent les embrouilles. Vu comme le web regorge de scénarios (dont un bon nombre se déroulent à cette époque), en y ajoutant ceux que je recevrai d’ici peu, on aura de quoi voir venir et faire évoluer la petite bande autant en termes de règles que de roleplay.

Je compte m’inspirer de COPS pour son concept de « 10-18 ». En gros, ce sont des quêtes optionnelles qui peuvent aller de la scénettes au scénario complet, et qui s’intercalent n’importe quand avec ou sans rapport avec l’enquête du moment. C’est un moyen d’aérer un peu, d’ouvrir des pistes vers des histoires futures, d’approfondir les personnages et les PNJ récurrents, toujours à la manière d’un feuilleton. Ces « 10-18 » surgiront al’improviso, en fonction des joueurs qui seront présents, ou pour se changer les idées pendant une enquête un peu trop asphyxiante.

Si vous jouez à Cthulhu depuis longtemps vous trouverez peut-être ce projet classique mais croyez-moi, pour nous c’est loin d’être le cas. Nous l’avons éprouvé sur D&D avec La Compagnie de Bois-Sorcières® dont le feuilleton s’est mué en campagne épique avec les années, et ça marche tellement bien que je vais tenter d’adapter cette formule. Chers joueurs, mes amis, je voudrais vous faire redécouvrir mon jeu préféré.

Ensemble à Paris !

Pour faire exister ce chouette projet, j’ai besoin d’un lieu à la mesure de l’ambition. Or les endroits connus sont plus fertiles à l’imagination car ils sont un terreau riche sur lequel broder, un terreau qui ne soit pas connu uniquement du Meujeu comme dans les jeux « à univers ». L’Amérique où l’Angleterre ne nous apporteraient que des clichés de films noirs et de série B, avec un gros risque de s’en lasser. J’ai donc pensé à Paris comme point d’ancrage géographique et culturel. L’époque et les voyages apporteront l’exotisme nécessaire.

Ce contexte récurrent permettra d’utiliser à plein des règles sur les cercles d’influence et le niveau de vie, de créer des PNJ d’anthologie et des lieux fréquemment visités… Chaque joueur pourra y apporter ses propres connaissances (PNJ, lieux, histoires et éléments de contexte) pour enrichir le récit global sur la durée. L’évolution ne sera donc pas uniquement dans les règles (SAN, sorts, compétences…) mais aussi dans cet univers partagé.

Paris est une ville-monde, dont les Années Folles ont été un âge d’or. A l’époque déjà la ville concentrait des centaines d’univers parallèles, bâtis sur des strates d’histoire superposées depuis l’Antiquité. Le Mythe peut y surgir n’importe où, des bouquinistes des quais de Seine aux collections poussiéreuses des réserves du Louvres ; des bordels de Pigalle aux séances de spiritisme en vogue dans les beaux quartiers. C’est un puits d’inspiration sans fin sur lequel broder des histoires vraiment variées. Je vous donne Notre-Dame et le Père Lachaise, Les Grands Boulevard, les Champs Élysées et les Catacombes. Si vous le voulez, je vous offre… PARIS !

-Saint Epondyle-

21 Commentaires

  1. je dois dire que tu nous en donnes avant-goût plutôt alléchant ! Autant je n’ai jamais trouvé le concept de l’Appel follement attrayant, ni vraiment adhéré à l’ambiance -certes originale- du jeu, autant cette vision du jeu me parle plus, même si je n’ai jamais essayé le jeu. J’ai hâte de voir la suite de ton expérience, pour peut-être pouvoir tenter à l’avenir de la reproduire avec ma table de donjoneux (néophytes et tout droit sorti de wow qui plus est, donc ce sera pas quand même pour tout de suite les enquêtes surnaturelles de l’Appel…).

  2. J’ai un bouquin qui s’appelle « Le guide de la France Mystérieuse ». Je crois qu’il en existe d’autres dans la même collection, dont un (plusieurs ?) consacré à Paris.

  3. Cela ressemble à un chouette projet :)

    L’appel de Cthulhu est le genre de jeu qui ne laisse pas indifférent, soit on aime soit on déteste. Et le MJ y est pour beaucoup. Autant dire que j’ai connu les deux mais (heureusement ?) j’ai d’abord eu le pire, si bien que mon ami (MJ de Cthulhu de base) eut beaucoup de mal à me convaincre d’y jouer. Au final j’ai rejoint sa table parce que bon, ça reste du JDR (^^) mais j’ai énormément apprécié joué sous sa houlette, et mon détective eut une grande carrière (à défaut de se remplir les poches :P)

    Toujours est-il que je te souhaite toute la réussite possible mais je pense que ça se passera bien ;)

    • Merci Casaïr !
      Pas si sûr que « soit on aime soit on déteste », il y a tout l’entre-deux des gens qui aiment bien jouer quoi qu’il arrive, et même en préférant un truc plus héroïque sont content d’exploiter le côté enquête-Indiana-Jones. En tous cas chez mes joueurs, la plupart n’ont pas de grosse attirance pour la littérature lovecraftienne (moi si) mais aiment le côté différent proposé par le jeu. Bref, c’est heureusement plus en demi-teinte que ça. :)

  4. Pour avoir un peu masteurisé ce jeu je pense que le coté « sacrifiable » des personnages reste important pour l’ambiance.
    J’essaye aussi de ne pas tomber dans le travers de la mort « sanction » qu’on peut retrouver dans d’autre jeux. Une mort considérée comme injuste va avoir un impact sur l’ambiance paranoïaque du jeu beaucoup plus importante que si le personnage meurt à cause d’un comportement stupide. Cela renforce le sentiment que tout peut arriver, à n’importe quel moment.

    C’est bien sûr à doser avec une extrême parcimonie, mais je t’assure que le joueur en ayant fait les frais devient beaucoup plus prudent et ça déteint sur les autres joueurs. J’en ai eu un qui refusait de rentrer le premier dans chaque nouvelle pièce alors que son personnage était sain d’esprit, tu imagineras sans peine les répercussions sur l’ambiance du groupe…

    Du coup, il est bien d’avoir une fiche de PNJ secondaire sous la main qui puisse être donnée au joueur, histoire qu’il ne passe pas le reste de la session à ne rien faire.

    (je te rassure, malgré ce traitement les joueurs en redemandent. Sans doute le syndrome de Stockholm ;))

    Après, je joue en mode horreur Lovecraftienne, et ce n’est pas forcément l’ambiance que tu recherches.

    Sinon, tu parlais de X-files, tu as jeté un coup d’œil à delta green ?

    • Renforcer le rapport paranoïaque des PJ vis-à-vis de l’horreur, je veux bien. Mais pas au détriment de l’attachement aux persos. En fait, c’est une question d’équilibre à trouver, un équilibre que notre Meujeu de D&D (pour La Compagnie de Bois-Sorcière citée dans l’article) a bien trouvé avec une méthode toute simple : ne faire que des persos sur la durée et appliquer strictement les règles sans se préoccuper de nos états de santé. A nous de gérer les blessures que l’on encaisse, et de jouer en équipe pour s’en prévenir le cas échéant. C’est un peu brutal parce que MJ peut nous flinguer sans s’y attendre, juste en optimisant les tactiques des ennemis, comme ils le feraient réellement. J’ai perdu un, deux personnages que j’aimais. C’est rude. Mais en même temps, je suis aujourd’hui plus mesuré, je fais gaffe à moi et à mes compagnons pour éviter de nous faire massacrer… Bref on apprend petit à petit.

      Dans cette partie de Cthulhu, je cherche à combattre l’idée que les personnages peuvent mourir à tout instant, mais je n’hésiterai pas à en dessouder un ou deux à l’occasion. Car c’est comme ça, aussi, que les joueurs s’y attachent. En se sauvant les miches d’un vrai danger. Et il n’y a danger que s’il y a risque.
      Mais avant tout, je vais essayer de construire de l’attachement des personnages, du lien. Je ne veux pas dégouter qui que ce soit, et si ça demande de rendre le jeu un peu plus héroïque pour plaire à tous, c’est un compromis que je ferai volontiers. D’où le choix de « l’investigation occulte ».

      PS – Ah et concernant Delta Green je n’ai jamais essayé mais je me méfie pas mal du côté contemporain. Que ce soit sur ce jeu où un autre, c’est quelque-chose qui ne m’a jamais attiré. D’autant plus si on joue des agents fédéraux et américains qui plus est !

  5. J’ai lu le titre et je me suis dit qu’il y avait un appel à candidature. Et puis je suis tombé sur « Et pour toi enfin, lecteur avec qui je ne jouerai jamais ». J’ai pleuré. J’ai tout de même fini l’article par respect pour l’auteur qui m’avait envoyé du rêve et, à la fin de ma lecture, j’ai pensé que ces joueurs avaient une sacrée chance de t’avoir en MJ. Bonne chance pour tes scénarios.

    • Comme tu es suave avec moi ! :D
      Mais c’est une chose d’écrire des billets de blog, une autre d’être un bon Meujeu. En l’occurrence, si j’ai de l’expérience dans les deux disciplines, je m’en sors mieux sur la première je crois.

      Qui sait, on se croisera peut-être autour d’une table un jour ?

  6. Ton article et tes idées me font de suite penser a la fameuse « Nightmare agency ». C’est une campagne qui a été joué par olivier Piéchaczyk pendant environ 3 ans au milieu des années 80. Un article sur cette campagne avec des infos sur la création d’une agence de détective est parue dans le volume 6 de « jeux descartes plus » (bon, évidement, c’était y a 25 ans!).
    Je suis gardien à Cthulhu depuis la V4 et j’ai joué en V4 jusqu’a aujourd’hui! (je viens de recevoir ma V7!).
    J’ai très vite adopté la « campagne » ou plutot ce que j appellerai le jeu suivi avec une agence de détectives. C’est d’abord très pratique pour le mj qui peut impliquer directement les pjs, avoir autant de pnj qu’il veut sous la main et permet de suite de faire le lien avec un nouveau joueur rejoignant l’ agence (ou un pnj qui était déja dans l’agence et qui devient pj).
    Pour mes tables, j’ai utilisé le meme nom, la Nightmare agency. Après quelques scénarios, les pjs ont eu plusieurs contacts avec le mythe et se sont rapprochés petit a petit avec les fondateurs de l’agence.
    Ils ont ensuite souhaité créer leur propre agence à Boston, en lien direct avec la 1ere. D’autres agences ont vu le jour dans le monde entier, toujours sous le meme nom, tel une toile d’investigateurs et résistants face au mythe.
    Les pjs gèrent donc leur propre agence avec leurs pnj, leurs nouveaux arrivants et n’ hésitent pas à partir à l’autre bout du monde pour aider leur collègues.
    Mes joueurs ont dessiné leur agence, certains pnj, dressé des plans et ont toujours été très enthousiates sur ce systeme de background de jeu et n’ imaginent pas aujourd’hui jouer autrement.
    Cela laisse énormément de liberté pour le mj, toutes les ambiances sont possible, du pulp a la pure enquete avec ou sans la présence du mythe.
    tout ca pour dire que c’est une excellente facon d’aborder l’appel du Cthulhu.
    J’ai joué pendant presque 15 ans comme cela et je continuerai encore avec la v7, je te souhaite au moins autant de plaisr que j’ai eu à masteriser ce type de jeu si ton projet prend vie.
    bon jeu ;)

    • Bonne rencontre !
      Merci pour tout ça. :) Si je comprend bien la Nightmare Agency est un style de jeu basé sur un bureau de détectives c’est ça ? Je vais potasser le lien de TOC en tous cas, c’est toujours de la bonne came.

  7. La nightmare agency est en fait une véritable campagne parue chez descartes. J’avais parcouru le supplément à l’époque de sa sortie (début 1990 il me semble) mais il ne m’avais pas plus, les scénarios étant vraiment trop « pulp » pour notre style de jeu. Mais l’idée de l’agence est excellente.
    J’ai donc créé 3 ou 4 scénarios ou mes pjs faisaient la connaissance du mythe et dans le meme temps, liaient des contacts avec certains pnj d’une agence.
    Avec mon aide et quelques suggestions, ils ont fini par créer leur propre agence qui faisait alors parti d’un véritable réseau mondial.
    Tes pjs n’ont pas besoin d’etre tous détective et c’est meme souhaitable que ce ne soit pas le cas!
    Un anthropologue, un avocat et un jardinier pourrait très bien choisir d’ intégrer une telle agence une fois qu’ils aient eu connaissance du mythe, ce sont des choses qui peuvent changer une vie non?!
    Et lorsque tu fais jouer un scénar et qu’une profession/compétence fait défaut, il pourra très bien y avoir un pnj compétent dans ton agence ou, dans le cas de ma campagne, dans une autre agence.
    Ainsi mes pjs de Boston peuvent contacter leur homologue égyptien pour une affaire importante. Lequel invitera ensuite les pjs a passer quelques temps dans son agence… Les possibilités deviennent infinies et deviennent surtout faciles a mettre en place.
    Mes pjs sont énormément attachés à leur agence, ils y ont meme choisi le papier peint! Connaissent bien les pnj et c’est souvent de beau moment de role-play en début de scénario!
    Toutes les idées provenant d’une telle agence pourraient largement constituer un supplément.

    • Merci pour les idées, je note, je note !
      Les agences internationales (amies ou concurrentes), les ennemis récurrents (comme Olrik dans Blake & Mortimer), les PNJ amis ou associés dans l’agence, tout ça me semble de bonnes idées à exploiter. Au départ je compte faire jouer la rencontre des persos après leur création, en mode « entretien d’embauche ». :)

      Et j’espère bien qu’ils iront jusqu’à choisir le papier peint aussi !

      Par contre c’est un concept extrêmement pulp, qui ne se prête pas trop à de l’horreur lovecraftienne classique. Je jouerai en mode investigation occulte (même si ça n’existe plus – je crois – dans la v7).

  8. La Nightmare Agency me parait effectivement tout indiquée ! En tout cas, il y a beaucoup d’idées à y glaner. Campagne de création française, il y avait de très bonnes choses dedans. Pour l’avoir fait jouer deux fois, je ne peux que la recommander chaudement. Particulièrement, l’acquisition, la création et l’évolution de l’Agence elle-même, qui est un modèle de méta-plot.
    Je précise que la suite : « Nightmare Agency II (1936-1938) », jamais parue, est sortie en PDF gratuit produit par les passionnés de l’originale (site T.O.C.). L’auteur a fourni ses textes originaux qui ont été complétés et mis en page à l’identique de l’originale de Descartes.

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