
« N’espère rien de l’homme s’il travaille
pour sa propre vie et non pour son éternité. »
– Antoine de Saint-Exupéry
Je joue au jeu de rôle depuis plus de dix ans avec quasiment la même table. Et si j’ai été surtout meneur de jeu, je crois détenir le douloureux record du plus grand nombre de morts violentes (parfois de la main de mes acolytes). C’est de ce rapport à la mort -en tant que joueur- que je voudrais vous parler aujourd’hui, en me concentrant sur Donjons & Dragons pour le moment.
Qui vit par l’épée périt par elle.
Il en va du JdR comme de la vraie vie : on cherche à épargner à ses petites fesses roses la glaciale morsure du trépas. Si la prudence est de mise il y a pourtant deux différences fondamentales, la première desquelles étant que le jeu est… un jeu et que l’on aura donc droit à une seconde chance s’il nous arrivait malheur. Deuxième différence, D&D est un jeu d’heroic fantasy et nous y incarnons des personnages aventureux, ce qui implique le danger.
Autant vous dire que ça me désinhibe carrément.
N’allez pas croire, comme on me le dit parfois, que je n’aime pas mes personnages et les envoie au casse-pipe pour plaire à d’hypothétiques instincts suicidaires. C’est faux. Seulement, la mort fait partie intégrante de la vie de nos alter egos qui se battent constamment, massacrent leurs ennemis par centaine pour protéger les faibles, conjurer un complot ou laver l’honneur d’un client fortuné. Tôt où tard, il est prévisible que nous croisions la route d’un ennemi coriace, ou chanceux, ou vicieux, qui réussira à percer notre défense, ou à nous poinçonner l’intestin grêle au détour d’un festin l’auberge royale de Lul.
Je ne dis pas que ce serait indolore.
Je ne dis pas que je le recherche.
Je dis que c’est le jeu. Un jeu où parfois, l’on meurt.
C’est vrai, je ne suis jamais attaché à mes personnages lors de leur création. Comme tout le monde, je m’y lie avec le temps après avoir forgé (ou rencontré ?) leur personnalité. Un concept jeté sur une feuille m’intéresse autant qu’un autre, tout comme les caractéristiques et les optimisations m’indiffèrent sorti des grandes lignes. Mais plus le temps passe, et plus la mort de mon personnage serait un déchirement brutal, soudain et atroce comme seule la mort sait l’être.
Et pourtant, dans le JdR comme dans la vraie vie, il ne faut pas que la légitime peur de mourir prenne le dessus et nous empêche de vivre. « Il n’y a que lorsqu’on à peur qu’on peut être courageux » disait Ned Stark.
Vivre en héros, mourir en martyr
Parce que merde, à quoi bon incarner un personnage de Donj si ce n’est pour être, à sa façon, un héros ? La frontière entre l’inconscience et l’héroïsme est parfois ténue. Chaque niveau gagné donne plus de puissance, donc plus d’occasions de faire vibrer notre corde épique. L’occasion est trop belle de réaliser des cascades hollywoodiennes, croiser le fer sur la margelle d’une cathédrale incendiée ou charger -seul- les armées innombrables qui menacent tout ce qui est bon. Pour moi, c’est le but du jeu.
Lors de notre dernière séance, nous avons été témoins d’un acte de bravoure exceptionnel. En meilleur santé que nous, les bourrins, notre ensorceleur s’est jeté au corps-à-corps pour jouer les boucliers humains ! L’action est aussi tactique (ce n’est pas incompatible) car en attirant les coups à lui notre ami a permis à nos bouches-à-feu mal en point d’infliger de lourds dégâts à l’ennemi. Je ne sais pas si en agissant ainsi, Funky pensait uniquement à la tactique ou également à la beauté grandiose autant qu’inconsciente de son geste. Peu importe en vérité, car sur le moment j’ai ressenti beaucoup d’admiration pour notre mage couillu, et surtout un impérieux besoin de le protéger à tout prix. Y compris à celui de ma propre vie. La mort de ce camarade hors-normes aurait sonné pour moi comme le requiem de ma responsabilité de combattant vis-à-vis de l’équipe.
Notre groupe actuel est une compagnie mercenaire, La Compagnie de Bois-Sorcières®, et alors que nous gravissons les escaliers de la gloire vers le niveau 10, chacun de nous est largement assez riche pour prendre sa retraite et s’établir ad vitam aeternam dans quelque domaine gras et douillet. Mais personne ne le fera, sans aventure plus de jeu. Le goût du risque est un prérequis pour tout personnage au-delà des premiers niveaux. Nous continuerons à donner nos vies jusqu’au dernier, sans rechigner, sans nous plaindre, à la Compagnie. Pas pour les PO, pas pour les PEX (ou si peu), mais à la forge de notre propre légende.
Cette légende, nous la tissons à chaque séance en équipe. Elle n’est peut-être valable que dans le monde du jeu, mais elle existe bel et bien entre nous, et dans nos mémoires. C’est pourquoi je détesterais voir mon personnage terminer au placard, mouroir à PJ, sans avoir connu une fin digne de lui. Une fin qui achève son histoire dignement, en la gravant au burin dans notre histoire. D’ici là, je porterai fièrement le blason noir et or, cousu sur le tabard à l’emplacement du cœur.
Je veux mourir debout, sans avoir failli à mon devoir envers mes amis. Entouré de la foule des cadavres que j’aurai arrachés à force de fureur aux masses ennemies. Perclus de courbatures et d’entailles sanguinolentes, chemise lacérée collante de transpiration, l’armure brinquebalante et les muscles douloureux, je danse avec mes camarades une valse de sang et d’acier. Bave aux lèvres, peintures de guerre et sueur dégoulinant dans les yeux. Telle est ma profession de foi, mon modus vivendi. J’en mourrai tôt ou tard. Mais lorsque la Faucheuse tendra vers moi sa paume décharnée, je ferai tout mon possible pour la lui arracher.
-Saint Epondyle-
C’est un beau résumé de ce que nous pouvons tous ressentir, peu importe l’époque et le personnage. Par contre tu précises plusieurs fois dans ton texte que « tu veux mourir debout », ce genre de chose… Tu ne devrai pas donner autant de précisions, aucas ou ton MD lirai ça, lissant sa barbichette les yeux plissés d’une sombre malice, feuilletant son bestiaire du bout des doigts en cherchant à exaucer ton souhait.
Totalement d’accord. Ce sont les joueurs, leurs paroles et actions qui donnent les meilleures idées au MJ
Mouarf mouarf mouarf ! Il est déjà au courant je crois. ;)
Tout a fait d’accord avec toi… En jouant son perso, on lui donne un background et une réelle personnalité et là où c est marrant c est quand tu réussis à lui donner vie et qu’il devient une légende..ensuite c est dur de le perdre mais comme tu dis la mort fait partie du jeu, si il n’y avait pas ce risque le jeu serait terne et sans saveur… Quoi de plus beau que de représenter un Samourai et de protéger la fuite de son équipe et du fils du comte au prix de sa vie… Si je ne l avais pas fait on aurait surement péri et je n’aurai pas respecter l histoire de mon perso… Et c est un reel plaisir de jouer différent rôle et d’essayer de donner une ame à ces personnages fictif (et là je parle bien d’ame et pas de l’épée vorpale ou du batonnet de givre…)
Voici 3 personnages favoris
– Mithlang Ranger Elfe ne parle que l’Elfe et qui ne supporte pas les humains depuis qu’il a vu tout jeune une horde d’humain massacrer toute son village et le laisser pour mort….
– Ziath entropiste fou qui change d’humeur chaque jour…. (un vrai casse tête pour le DM) mais quel pied à jouer…
– Barnassel Hobbit Paladin (et non pas de triche) Il vivait dans un village et un jour en allant au comté, il a vu une troupe de Paladin et s est juré de devenir Paladin donc maintenant étant adulte il est parti de son village et il est persuadé d’étre Paladin (Donc il fait des impositions qui ne marchent pas et des Vade retro qui n ‘attirent que les ennuis)
Mais je vous rassure j ai du classique aussi…. :-)
Sympa, bonnes idées. :)
Des morts héroîques (ou pathétiques) au compteur ? Personnellement c’est surtout me faire griller vivant par mes collègues qui fait mon expérience de décès. Pas franchement très héroïque.
Mort pathétique : Barbare qui apres qu on lui ai dit que le coffre était magique donne un coup de pied et se prend le piège et meurt ….
Mort Héroique : Le fameux samourai qui protégent ces compagnons alors qu il sait qu il ne tiendra pas.
Mais j’ai aussi le Moine juge de son état qui après avoir été attrapé par la guilde des voleurs, est condamné à combattre un autre prisonnier après l’avoir tué d’un seul coup de poing et se retournant vers l’assemblée de voleur les somme de se rendre car ils sont en état d’arrestation… (mort tirer comme un lapin)…
Sinon les morts classiques sur un combat ou un piège avec loupé de Save ;-(