L’univers de Harry Potter à beau être enfantin et chaleureux, au début, il révèle assez vite une nature plus sombre. Sans verser dans l’horreur à proprement parler, l’aspect « light goth » qui en émane à de quoi donner pas mal d’idées pour épicer des parties de JdR (Tu es un Sorcier) et surprendre des gamins de 11 ans tout heureux de s’égayer dans les couloirs en testant leurs nouveaux objets magiques.
Poudlard, incompétence et irresponsabilité
Enlevons nos œillères deux minutes. Poudlard est un lieu abominable où l’équipe pédagogique, non contente de nommer n’importe qui à certains postes par copinage, est irresponsable au point de mettre en danger la vie de ses élèves tous les ans. Lors de la première année de Harry, Dumbledore introduit dans le château un cerbère à peine planqué derrière une porte même pas cachée… pour y cacher un artefact mythique recherché par le pire criminel de tous les temps et ses sbires. En troisième année il engage un loup garou comme prof de Défense contre les arts noirs. En quatrième on ne rigole plus : on balance un dragon même pas captif au milieu des élèves, on fait se battre certains d’entre eux dans un labyrinthe qui rend fou et, mon préféré, on kidnappe des enfants parfois de moins de dix ans pour les retenir au fond d’un lac, charge à leurs amis de quatorze d’aller les délivrer au risque des vies des uns et des autres.
Ajoutons que les cours sont une énorme blague et que le père Malefoy à plutôt raison lorsqu’il fustige l’incompétence des élèves. Poudlard est un lieu fondamentalement ludique, et c’est pour ça qu’il rend bien en JdR, mais en termes d’école on repassera.
Dictature
Le monde des sorciers, de manière générale, est à l’avenant. Le ministère de la magie est une dictature à parti unique, verrouillant un média unique, vérolé par les partisans de Voldemort. Aucun système électoral n’est jamais évoqué malgré la valse des ministres apparemment révocables facilement (par qui ?), dans une instabilité politique qui mène quatre ministres différents (tous assassinés ou corrompus par Voldi) au poste sur la scolarité de Harry et ses amis.
Et si, bien-sûr, la fameuse saga narre une période de semi-guerre civile particulièrement instable, le problème n’a pas l’air neuf tant l’influence des grandes familles aux fortunes colossales se fait sentir sur le ministère. Ajoutons que le ministre lui-même n’est pas protégé contre l’Imperium et le tableau commence à devenir plus complet.
Et ce pouvoir n’est pas fantoche : il rend la justice (sans aucune séparation des pouvoirs), révoque les directeurs de l’école, surveille, traque et réprime toutes les utilisations de magie apparemment sans de problème et dispose d’une police politique (les aurors) qui enferme plus ou moins qui elle veut dans une prison inhumaine, où les captifs sont torturés parfois jusqu’à la folie par des détraqueurs qui boivent leur âme.
Et ça n’est pas tout.
La violence sociale des sorciers les uns envers les autres atteint son paroxysme avec les questions de « pureté du sang » qui rappellent franchement le nazisme, sans qu’on s’inquiète tellement que les « sang pur » s’en prennent frontalement et dans l’impunité au monde entier. Cette idéologie nauséabonde est validée par l’univers des sorciers, quoique pas directement enseignée à l’école grâce au « progressisme » de Dumbledore je suppose, même si la discrimination est officiellement interdite. Les termes « sang mêlé » et « sang pur » sont officiels et seules leurs variantes insultantes (« sang de bourbe ») sont vaguement grondées – comme si la différence biologique supposée entre les catégories n’était pas initialement discutable. Comme si l’envoyer dans les dents d’enfants de 11 ans n’étais pas, légèrement, traumatisant.
Le ministère classifie de la même manière les créatures magiques selon divers degrés d’intelligence dans un anthropocentrisme total. Les elfes de maison sont des esclaves parfaitement officiels et reconnus comme tels, les gobelins occupent des postes bien spécifiquement réservés pour eux, les centaures vivent dans des réserves, et l’on pourrait continuer la liste longtemps. Lorsqu’Ombrage déclare que les créatures semi-humaines sont des sous-êtres elle déclenche un tollé… que n’avait pas déclenché leur traitement jusque là. L’hypocrisie est assez notable de la part de la frange bien-pensante des sorciers « gentils » dont Harry est le paroxysme.
A Poudlard, on ne trouve tout simplement aucun élève non-humain. Seulement des elfes-esclaves en guenilles, des centaures dans la forêt et des sirènes dans le lac. Cet ordre social semble instaurer des lois raciales explicites – et tout le monde des sorciers vit avec sans trop se poser la question.
L’Ombre à taille humaine
Et puis il y a les méchants. Je veux dire, les vrais méchants reconnaissables facilement à leurs vêtements de Marilyn Manson et à leur comportement de nazis asseyant par la torture, la violence, la corruption du pouvoir et le meurtre leur assise sur le monde des sorciers… avant de chercher à s’étendre pour dominer les moldus aussi. La saga Harry Potter met en scène au moins deux grands méchants : Grindelwald (seulement évoqué) et Lord Voldemort – chaque fois flanqués d’une bande de « mangemorts ». Le premier est présenté dans Les animaux fantastiques comme un opposant politique ayant mal tourné, le second comme un tueur psychopathe et gourou se faisant appeler « seigneur des ténèbres » par les grandes familles qu’il a embrigadé à ses côtés.
A part le fait qu’il est objectivement le seul descendant vivant de Salazar Serpentard, Voldemort n’est pourtant pas un seigneur des ténèbres au sens strict, comme Sauron par exemple dans Le Seigneur des Anneaux. Voldemort est un mégalo surpuissant, c’est tout. On connaît sa vie, on connait son passé (malgré les trous qu’il cherche à y faire pour brouiller les pistes) et surtout on connait son identité : Tom Jedusor en français. Malgré le genre de « méchant universel » qu’il se donne, Voldemort reste un méchant à taille humaine, qui à eu une enfance, des profs, des amis. Ses sbires se comptent probablement en quelques dizaines (influents, certes), ce qui explique pourquoi les mêmes noms reviennent tout le temps. Ce n’est pas un Mal Absolu ni démon primordial : c’est un jeune garçon qui a très mal tourné.
Il en est de même pour Grindelwald : on connait des éléments de son passé, on sait comment il pense et pourquoi. On connait sa liaison avec Dumbledore et tout ça, comme pour Voldemort, le rend plus humain et donc le densifie. Autant d’éléments à garder en tête lors de l’invention d’une Ombre dans un Tu es un Sorcier : l’ennemi ne doit pas être extérieur au monde, ce n’est pas qu’une métaphore mais une personne réelle avec un passé, des motivations et des failles à exploiter.
Jouer avec le dârk
Poudlard est un reflet du monde des sorciers : un lieu totalement hors du temps à tous les niveaux. Et qui donc semble être passé à travers les mailles du progrès social et de l’évolution des mœurs (comme JK Rowling, mais c’est une autre histoire). Pas étonnant lorsqu’on sait comment la magie à ralenti le progrès notamment technique, et qu’on en déduit le niveau de conservatisme de cet univers tellement rétrograde qu’il utilise toujours son château médiéval comme école, malgré ses dangers évidents, qu’il ne dissout pas la maison Serpentard qui enfante pourtant chaque année des fourgons entiers de sociopathes. (C’est un peu comme si on avait des collèges « Adolf Hitler » qui pondaient des nazillons tous les ans, sans qu’on puisse établir de cause à effet officielle et encore moins suggérer une dissolution.)
Considéré sous l’angle de l’ambiance réactionnaire de l’ensemble, on comprend pourquoi tant d’aspects du monde des sorciers sont tellement passéistes. Une fois passé l’attrait compréhensible d’une « école de sorciers », c’est un endroit où il ne fait absolument pas bon vivre.
En même temps, ce sont bien tous ces éléments (entre autres) qui permettent de créer de l’aventure, du frisson, et qui donnent aussi le glissement passionnant de l’œuvre de JK Rowling du merveilleux à l’urban fantasy ascendant ligh goth plus adulte, voire carrément sinistre à la fin de la saga. L’intérêt de corser l’univers du jeu en utilisant ces thématiques plus sombres est varié. Il permet de dépasser les enjeux enfantins sans importance ; il donne à la partie un background plus dense et intéressant qu’un univers aseptisé à la Narnia ; et il permet enfin de jouer avec la ligne rouge pour titiller l’esprit des joueurs, leur soif de justice éventuelle… ou leur corruptibilité. Quoi de plus beau que de corrompre la jeunesse ?
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You want it darker ?
Voici deux générateurs d’épices à la sauce goth pour corser vos intrigues de Tu es un Sorcier ou tout autre fiction dans l’univers enchanteur de Harry Potter. Niarc niarc.
1d6 lieux horribles dans Poudlard
« La vie est pleine d’agréables surprises. »
- Galerie des horreurs : bocaux de restes humains, anomalies, malformations, dissections suspectes, écorchés.
- Cimetière des sorciers de Pré-au-Lard.
- Chapelle profanée de Salazar Serpentar.
- Tombeaux, sarcophages, gisants des Directeurs passés.
- Salle des tortures magiques, vivisection cérébrale, vierges de fer et fauteuil à endoloris.
- Catacombes hantées, labyrinthe, palais des glaces.
1d6 accroches d’intrigues atroces
« Tu ne sais pas ce qu’on raconte… ? »
- Dorian Gray. Il y aurait un tableau dans les cachots, lacéré et à moitié brûlé, qui représenterait un homme écorché, passant son temps à hurler de douleur. Il représenterait l’âme d’un ancien sorcier dépravé et les tourments qu’elle endure. Y-a-t-il un moyen de lui apporter la paix ?
- Méduse. La statue du 3ème étage serait un élève pétrifié depuis une époque très ancienne ! Peut-on le ramener à la vie ?
- Plongée. Lors de la fondation de l’école, Salazar Serpentard aurait dissimulé son laboratoire d’alchimie dans une salle secrète sous le lac, mais l’entrée en as été perdue depuis bien longtemps. Y-a-t-il un moyen de la retrouver ?
- Man in black. L’homme en noir accueilli au château serait un auror du ministère. Chargé de débusquer les criminels acquis à la cause de Vous-Savez-Qui (ou Grindelwald selon), il interrogerait les enfants pour leur faire avouer les secrets de leurs parents. Il espionne, soumet à la question et soudoie certains élèves pour obtenir des dénonciations.
- Vampire. Le Directeur, cet irresponsable, aurait offert à un ami vampire de l’aider à soigner son mal. Il résiderait dans une des caves proche des cachots et les rumeurs circulent autour de cette pièce verrouillée près de laquelle certains animaux de compagnie ont mystérieusement disparus. Mais où est Pattenrond ?
- Sabbat. Certains professeurs et élèves, parmi les plus âgés et de toutes les maisons confondues, se réuniraient la nuit dans la forêt interdite pour y monter de grands bûchers et y mener des cérémonies étranges. Pourquoi font-ils ça ? Qui est l’homme à tête de bouc qui préside à la cérémonie ?
~ Antoine St. Epondyle
Super billet,
j’avais conçu un scénario un peu dark pour un Halloween à l’époque de la jeunesse de Dumbledore
https://pascaliensis.itch.io/hogwarts-1899-merry-christmas-from-azkaban