Premières impressions sur Demon: The Descent

Un anti-Vampire ?

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demon the descent frederic bennett
Art par Frédéric Bennett.

J’ai eu le plaisir de tester récemment le jeu de rôle cyberpunk occulte Demon: The Descent en tant que joueur, un rôle que j’aime bien, aussi, parfois. Petit retour d’xp sur l’originalité du concept proposé par ce jeu.

Monde des ténèbres sauce cyberdoom

Demon est un membre auxiliaire des Chroniques des Ténèbres dont Vampire (Le Requiem, pas Mascarade), Loup-Garou et Mage sont les autres rejetons les plus connus. Dans cette ménagerie bordélique à laquelle je n’ai plus ou moins jamais rien compris, les démons viennent donc se greffer un peu à part, c’est à dire comme les autres, en tant qu’entités métahumaines gothisantes œuvrant dans les angles morts de l’humanité. La routine en somme.

Le jeu propose de jouer des démons, donc, mais pas au sens classique du terme. Selon sa terminologie ces derniers sont d’anciens anges au service d’une « Machine Dieu », bannis de son service et entrés dans la clandestinité. Le concept de base apporte une grosse touche cyberpunk à des Chroniques des Ténèbres plutôt habituées à un occultisme classique, en mélangeant les références ésotériques à ce concept de « Machine Dieu » dont le joueur basique que je suis ne connaît rien au départ. L’énorme mystère qui entoure cette dernière (qui pourrait aussi bien ne pas être vraiment une machine), ainsi que ses intentions, ses procédés, ses objectifs et jusqu’à son existence – laisse planer une ambiance mystérieuse et demande un sacré esprit de débrouillardise pour chercher à en combattre l’opaque menace.

A première vue donc on pourrait rapprocher Demon: The Descent de l’esthétique cyberdoom mâtinée d’une bonne couche ésotérique… à l’appréciation du PJ qui inventera son identité démoniaque de toutes pièces. A première vue seulement car le cyberpunk / cyberdoom est surtout sous-entendu par les terminologies des pouvoirs (encodages, glitchs) et demande à être développé par chacun(e) selon ses accointances. Charge aux PJ et meujeux de s’inventer un paradis perdu mécanique ou occulte, ou les deux, qui lui soit propre, pour en incarner l’un des agents déchus, sorte d’agent Smith dans les suites de Matrix.

L’anti-Vampire

Là où Demon m’intéresse tout particulièrement, au delà de mon esprit taquin pour cette gamme un peu old-school, n’est pas dans ses pouvoirs plus ou moins originaux (certains plus, d’autres moins) mais plutôt dans la condition démoniaque proposée à l’interprétation.

De la Machine-Dieu on ne connaît rien, au moins au départ. De son omniscience et de ses agents innombrables (peut-être) et terribles (surement) on n’a pas idée. Ce que l’on sait au démarrage, c’est qu’il faut jouer profil bas et se fondre dans la population en prenant une ou plusieurs couvertures humaines. Dans des peaux de gens du commun dont ils miment la vie dans ses plus petits détails, les démons cherchent à se faire oublier pour mener en loucedé leur guerre contre la Machine. Ce qui veut dire, concrètement, que les PJ sont invités à incarner des personnages on ne peut plus normaux, pour masquer leur identité démoniaque réelle. La lutte cyberpunk contre la Machine est une trame de fond, l’histoire, la quête entremêlée à un quotidien beaucoup plus proche de nous.

En voilà une proposition unique en son genre. Comme si Thomas A. Anderson cherchait absolument à cacher son existence de Néo en même temps qu’il combattrait les agents de la matrice, plutôt de se s’habiller de pantalons en cuir moulant, grosses lunettes stylées et gros flingues. Comme si la discussion de machine à café prenait, sous ses allures anodines, une importance toute particulières en nous permettant de dissimuler nos véritables objectifs. A la manière de Terminator débarquant dans notre époque (les années 80) et cherchant à y passer inaperçu, les personnages de Demon doivent composer entre une guerre à la Machine divine, leur vie quotidienne de couverture et diverses scènes de traque, combats et prises d’informations auprès de leurs contacts. Le fragile voile du réel se déchire dans la guerre ultime entre la Machine et ses damnés… qui n’ont de cesse que d’organiser des kermesses, de tondre la pelouse et de faire des barbecues entre amis pour ne pas se faire gauler.

Demon utilise l’interprétation roleplay comme argument intradiégétique : mieux l’on joue sa couverture et mieux l’on passe inaperçu aux yeux cybernétiques de l’ennemi. Là où mon expérience de Vampire (pas énorme) m’a toujours amené à jouer un humain abandonnant les oripeaux de l’humanité sans (trop) devenir un monstre, Démon demande quasiment l’inverse : jouer une entité incompréhensible contrainte de jouer à l’humain la plupart du temps (tout en utilisant ses pouvoirs de manipulation et dissimulation pour arriver à ses fins). Ce qui est non-seulement très intelligent au regard des spécificités du jeu de rôle en tant que forme narrative, mais également très encapacitant pour les PJ qui peuvent jouer la vie commune avant de partir à la découverte des secrets de l’univers.

~ Antoine St. Epondyle

Image à la une par Frédéric Bennett

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