« En remontant le fleuve au-delà des rapides,
au-delà des remous, de nos sanglots stupides,
où cruels et lugubres au bout des répugnances,
nous fuyons les brouillards gris de notre impuissance,
vers les feux de nos doutes jusqu’au dernier mensonge,
dans la complexité sinistre de nos songes,
où de furieux miroirs nous balancent en cadence,
la somptueuse noirceur de nos âmes en souffrance. »
J‘ai eu l’insigne honneur et le grand plaisir de jouer l’intégralité de Dearg, la campagne officielle des Ombres d’Esteren, officiée par Nelyhann – coordinateur de la gamme chez Agate RPG et auteur d’une bonne partie du jeu. Après un an de campagne, et sa conclusion épique, je souhaiterais vous faire part de quelques impressions personnelles.
Il va sans dire que cet article tâchera de ne pas spoiler la campagne, et se focalisera sur les ficelles narratives employées et notre expérience partagée entre les autres joueurs et moi-même. Les compagnons de ma table qui l’ont souhaité proposent ici des encarts et co-signent cet article. Je les en remercie chaudement !
Par ailleurs, si Nel est un ami il ne m’a pas demandé d’écrire cet article et n’a eu aucun droit de regard dessus. Ceci n’est ni « sponsorisé » ni copiné. Je m’apprête à dire grand bien de cette campagne et du jeu qui va avec, je le fais librement.
Sachez enfin que je n’ai pas lu la campagne. Ceci n’est qu’un retour de joueur, subjectif comme le sont les bons textes.
Playlist pour lire cet article
(Cet article a été enregistré en version audio à l’occasion de l’épisode Hors Série 3 de mon podcast Nous sommes des alchimistes. Voir le sommaire.)
Qu’est-ce que Dearg ?
Dearg est le Livre III. des Ombres d’Esteren, sa campagne officielle. De nombreux scénarios sont déjà disponibles dans la gamme, mais c’est ici que se trouve la grande saga personnelle, intime et épique pour lequel le jeu semble fait. Toute la gamme, ou presque, donne l’impression de tourner autour des personnages de Dearg, depuis les albums de musique jusqu’aux premiers personnages prétirés du livre I sorti en 2010. À l’heure ou j’écris ces lignes, les quatre premiers chapitres de la campagne sont sortis, individuellement et sous la forme d’un premier volume d’intégrale, et les deux derniers arrivent.
Le compte-rendu que vous allez lire concerne une trentaine de séances environ, un an de jeu, sur la totalité des six chapitres de Dearg. Ici, l’édition anglaise de l’intégrale Volume I :
Mais nous savons, bien sûr, que les livres ne sont que du papier. Le jeu de rôle est une expérience vécue, qui va bien au-delà.
Un an dans le val de Déarg
Dearg est un bourg enclavé typique de l’univers des Ombres d’Esteren, situé dans une vallée qui porte son nom, coincé entre une vieille citadelle, une rivière rouge (« indifférente au destin des hommes ») et un village voisin, Féaril. La vie y est rude et ses habitants habitués à la dure. La campagne Déarg ne se déroule que là, sans voyage lointain et j’ajouterai, sans « quête ». Les joueurs sont invités à créer des personnages liés au val, à son histoire et ses habitants pour en vivre le destin. Tragique, évidemment. Nous avons donc créé un groupe de sept (!) personnages, entre prétirés, prétirés modifiés et nouveaux venus.
Personnellement, jamais inspiré avant de commencer à jouer, j’optais pour Eoghan (livre I. Univers), jeune guerrier traditionaliste appelé à devenir chef de clan comme son père. Mon arc narratif, celui d’Eoghan donc, fut celui de l’Amour avec un grand A, celui qui me liait à Céliane, ma fiancé, le soleil de mes jours, au début du récit.
Arcs narratifs
Les arcs narratifs sont un procédé narratif typique de la campagne. Selon la définition de notre Meujeu sur son blog :
« Arc narratif. Un arc narratif désigne une histoire qui va concerner un personnage en particulier, tout en s’articulant avec l’intrigue générale. Dearg explore quatre arcs narratifs. L’un d’eux incarne l’une des thématiques majeures de la campagne : l’amour. D’autres campagnes pourront explorer d’autres arcs, pour au final créer une véritable saga. »
La première particularité de la campagne Dearg est donc, tout en permettant la création libre de nouveaux personnages, de relier chacun à un arc narratif basé sur un sentiment dominant ou un élément de son passé. Autour de la table, nous avions donc l’Amour (Eoghan), la Vengeance (Sérus), l’Adoption (Ralam), la Culpabilité (Mehben), l’Ethique (Finn), l’Ambition (Arven) et le Regret (Hàk). Chacun de ces axes force certains éléments de background sur lesquels seront joués des Focus (voir ci-après) et donne des éléments de relance dans l’intrigue essentiels pour le personnage. Ainsi, Ralam (personnage créé par son interprète en dérivant le prétiré Joris) devait absolument avoir été adopté par un moine (Firmin) à un âge très jeune. Mehben devait nourrir une grande culpabilité suite à de tragiques disparitions ayant eu lieu dans sa jeunesse etc. Dans mon cas, il était évident dès le départ que ma relation amoureuse à Céliane me forcerait à divers choix au cours du scénario, pour nourrir mon Arc Narratif de l’Amour.
Ce système atypique permet plusieurs choses, à commencer par « mettre dans la confidence » les joueurs sur la suite de l’histoire. Pas en détails, bien sûr, mais dans l’esprit. Tout le monde savait que des révélations seraient faites autour de l’Adoption, tout le monde s’attendait à l’accomplissement de la Vengeance, etc. Ce mini élément de spoiler permet au Meujeu de « s’allier » avec ses joueurs sur ces Arcs Narratifs, et d’embarquer tout le monde autour de ce qui va se passer tout au long de la campagne, sans risque de « décrochement » de leur part comme on peut souvent le constater lors de parties longues. En termes de règles (quoique cela n’ait jamais été utilisé dans notre campagne), cela permet d’appuyer les scores de Mise à l’épreuve (utilisés pour gérer la santé mentale d’un PJ qui ne suivrait pas son inclinaison) par un score d’Ardeur qui s’y ajoute lorsque les événements sont liés à l’Arc Narratif du personnage. Dans mon cas, résister à mon amour pour Céliane, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, aurait été extrêmement difficile.
Pour le joueur, l’Arc Narratif est aussi un moyen de savoir qu’il ne sera pas laissé de côté. C’est une thématique centrale que l’on reçoit pour en prendre soin, et que l’on va développer en s’y attachant parce qu’on sait qu’elle sera importante dans l’histoire. C’est une garantie contre la « rencontre à l’auberge » qui intéresse les joueurs aux événements, et qui leur assure qu’ils seront personnellement concernés à un moment où à un autre, ce moment étant préparé dans les fondations de leurs personnages. C’est pour cette raison qu’il n’y a pas réellement de « quête », au sens d’une aventure tierce qui nous serait confiée, comme dans la structure narrative classique de nombreux scénarios (« Bonjour aventuriers, vous cherchez du travail ? »). On interprète nos personnages en entier, et les transformations qui les affectent parce qu’elles affectent leur lieu de vie et leurs proches. Le récit est bien plus centré autour de leur histoire personnelle plutôt que l’ « Histoire » avec un grand H. La toute fin de la campagne est donc nécessairement un peu arbitraire puisqu’on aurait pu aussi bien continuer à jouer nos personnages pendant des années, de la même façon qu’on les avait commencé dans leur tendre enfance, via les Focus.
L’avis de Hàk
« Il est intéressant de remarquer que chaque Arc Narratif peut être interprété de plusieurs manières différentes ; tout est mis en œuvre pour que le joueur se l’approprie, et qu’il ne soit pas un frein à la création de son personnage. En l’occurrence, pour l’Arc Narratif de l’Amour, un joueur aurait pu décider de créer un membre de la famille de Céliane, ou bien sa meilleure amie par exemple. L’Amour, ce fameux avec un grand A, peut être interprété de la façon qui fait le plus sens aux yeux du joueur. »
Focus de personnages
Selon la définition de notre Meujeu sur son blog :
« Focus. La campagne Dearg introduit un nouveau type de scénario : les focus. Quand bien même les PJ sont engagés dans une quête commune, chaque membre du groupe possède sa propre histoire et ses propres motivations. Les focus vont être l’occasion d’explorer cette intimité. Ces scénarios particuliers proposent des règles du jeu différentes : un seul joueur va incarner son Personnage ; les autres joueurs interpréteront des personnalités importantes de la vie de ce PJ et assisteront le meneur dans sa tâche. »
Le système des Focus de personnages permet, au début de la campagne, de jouer en accéléré le passé de son alter-ego. Une séance entière est dédiée aux épisodes marquants de la vie de chaque personnage, les autres joueurs incarnant alors soit des PNJ importants à leurs yeux, soit leurs propres personnages dans le passé.
C’est ainsi que j’ai pu jouer les premières années de la vie d’Eoghan et me lier d’amitié avec les autres membres du groupe à des âges divers, simulant ainsi des années de vie commune dans le cercle du clan, et donc des relations naissantes d’autant plus efficaces qu’elles sont, à ce stade, réellement naissantes entre les personnages (et dans notre cas, entre les joueurs aussi). Là ou le système des Focus fonctionne tellement bien, c’est qu’il fait appel de manière très intelligente à plusieurs techniques super efficaces, notamment le flashback et la délégation de PNJ. Le fait de jouer des éléments du passé de nos personnages est un premier défi qui remet en perspective pas mal d’habitudes rôlistes : notamment le fait qu’on ne sache pas ce qui va arriver, et donc l’impression d’avoir prise sur les événements. Ici, l’histoire est écrite. Moi qui jouais Eoghan, je savais que mon ami et rival Maël allait mourir pendant mon histoire personnelle, c’est écrit dans le background initial du livre I. Univers. Autrement dit, ça n’était un secret pour personne. Restait à déterminer comment j’allais réagir à cet événement et quel rôle j’allais y jouer au moment où la campagne « dans le présent » commencerait.
Les Focus sont, comme leur nom l’indique, centrés sur un personnage en particulier. Plutôt que de le jouer en aparté ou en séance solo, la campagne Dearg propose de donner aux autres joueurs les rôles annexes dans la vie du personnage principal de la séance. On se retrouve alors dans une situation atypique où six joueurs briefés deviennent co-MJ pour emmener le joueur principal du Focus vers un endroit précis – en termes narratifs (« il va comprendre que… ») ou émotionnels (« il faut le faire culpabiliser »). Et ça marche terriblement bien, comme une pièce de théâtre certes essentiellement scriptée, mais dont les impacts résonnent jusqu’au bout de la campagne. Soit, dans notre cas, un an de jeu après ! (D’ailleurs nous avons gardé nos rôles de PNJ en intermittence pour les faire revenir dans la suite de la campagne. Certains ponctuellement, d’autres plus longuement qui sont alors devenus de vrais rôles secondaires au long cours.)
L’avis de Hàk
« Au moment où nous avons intégré Maël à un focus pour la première fois, je me suis proposée de l’interpréter sans arrière pensée autre que « jouer un meilleur ami aux antipodes du héros, chouette ! ». Ce rôle s’est avéré renfermer bien plus qu’il n’y paraissait. Le système des focus permet véritablement de s’approprier « à notre sauce » les PNJ, et j’ai apprécié l’incarner autant que mon propre personnage, Hàk (ce qui m’a grandement surprise). Autre point intéressant à soulever : le PNJ devenant votre personnage, rien ne vous empêche de proposer au Meujeu des nouvelles manières de le développer. Certes, Maël meurt tôt, dans un focus, mais lui et Eoghan n’étaient-ils pas profondément liés ? Dans cette optique, il est naturel que le jeune guerrier expérimente d’affreux cauchemars et autres hallucinations… non ? »
Mes premières interrogations quant à la mécanique des Focus ont été vite dissoutes par l’expérience. Déjà, il n’est absolument pas frustrant de jouer un PNJ au lieu d’un « vrai perso » pendant les Focus des autres : c’est amusant, on change de rôle à chaque séance (sept séances de focus dans notre cas), on peut se lâcher sur des rôles de composition et c’est passionnant de voir les autres jouer, leurs personnages se construire à partir de peu. En étant joués en tout début de campagne puisqu’on commence par ça, les Focus font découvrir les personnages aux moments où ils se construisent, dans leur passé (intradiégétique) et à la table (extradiégétique). En toute fin de campagne, certaines relations construites depuis le tout début arrivent à un paroxysme d’intensité qui découle de la lente construction de l’ensemble des années (intradiégétiques) auparavant. Car, pour long qu’il puisse paraître de jouer sept séances entières avant de commencer « la vraie partie » dans le présent, les Focus n’en sont pas moins extrêmement tendus et puissants dramatiquement. Résumer les vingt premières années d’une vie en quatre heures, même en s’y mettant tous, n’est possible qu’au prix d’une « avance rapide » entre les épisodes fondateurs des vies que l’on met en scène. Ce qui implique que les Focus ne sont composés que de scènes fortes, intenses, qui dans mon cas me laissèrent en sueur et plein de palpitations cardiaques bien réelles.
L’avis de Finn
« Vivre les focus des autres Pour ma part, j’ai trouvé primordial le focus de chacun pour jouer des scènes du passé de son personnage. J’ai beaucoup de mal à me mettre dans mon perso avant la première partie, et ça a bien aidé. Mais tout aussi important, j’ai beaucoup aimé assister aux focus des autres personnages autour de la table. Cela a vraiment permis d’accompagner du début à la fin, toutes les histoires, et à voir les développements des personnalités au fur et à mesure. Ainsi, lorsque nous étions confrontés à une conversation ou une scène en compagnie du personnage en question, le jeu n’en était que plus intense, car nous connaissions les avis et vécus de tous les partis. Je dis cela pour les seconds rôles, comme pour les simples spectateurs. Et quand on joue un second rôle, il est fort sympathique d’explorer plusieurs facettes des personnages des autres en ayant plusieurs rôles différents. »
L’avis de Destiny (Mehben)
« Cette campagne s’annonçait pour moi, dès le départ, comme une aventure singulière. Je connaissais Esteren depuis plusieurs années mais seulement en tant que meneuse : l’idée de me plonger dans la vision d’Esteren d’un autre était assez déroutante. D’autant que je ne suis pas vraiment habituée à être dans le rôle de joueuse… J’étais aussi assez ennuyée par les contraintes impliquées par la campagne au moment de la création de personnage. En tant que meneuse, j’ai tendance à laisser une liberté presque totale à mes joueurs puis à bâtir une aventure taillée sur mesure pour le groupe dont ils rêvent. J’ai dû renoncer à certaines vues sur mon personnage et en intégrer d’autres que je n’imaginais pas. Je pense néanmoins que cette contrainte narrative peut être une ressource particulièrement précieuse, à la fois pour les joueurs et le meneur. Pour ma part, le lien de mon personnage à Avel [l’enfant disparu], qui m’était imposé avec l’Arc de la Culpabilité à la création, et que j’avais été embarrassée de devoir intégrer à mon histoire, m’a permis de vivre des épisodes et des émotions dont j’étais incapable d’imaginer le potentiel à première vue (oui, je fais partie de ceux qui ont versé quelques larmes durant la partie). »
À la recherche de l’intensité dramatique
Cette logique vient du fait que Dearg, comme je crois le reste des scénarios des Ombres d’Esteren, recherche l’intensité dramatique avant tout autre chose (suspense, peur, rire…). Tout ce que l’on y fait, et qui fait le scénario, est dirigé vers cet objectif. Et donc naturellement, nos efforts de joueurs et joueuses sont allés dans ce sens-là dès les parties de Focus. Il faut bien comprendre qu’on joue moins ici pour découvrir ce qui va se passer, que pour accompagner notre personnage dans les affres et la terreur d’événements dramatiques. Le registre est celui de la Tragédie antique plus que du suspense, comme Nel l’avait expliqué dans un article sur le sujet. Les Focus relèvent de cette logique puisqu’on sait à peu près ce qu’il va s’y passer. Charge à chacun de créer la suite en agissant et réagissant, en prenant les choses en main ou en se laissant porter / piétiner par elles.
L’avis de Hàk
« Le prérequis de l’Arc Narratif du Regret, incarné par mon personnage Hàk, était que son frère ou sa sœur soit décédé quelque temps avant le début officiel de la campagne. Le Focus a permis de déterminer la manière dont sa mort a eu lieu. Ce Focus m’a personnellement beaucoup affectée : savoir qu’un membre de sa famille est mort et y assister « en direct » n’ont rien à voir, et cette scène m’a fait réajuster grandement la personnalité de Hàk : je me suis rendue physiquement compte de comment elle pourrait être bouleversée par la mort de son frère et ainsi la jouer en conséquence, plutôt que de l’avoir simplement imaginé. »
Il paraît que le début de la campagne (les chapitres 1 à 4 déjà parus à l’heure de la publication de cet article) a pu sembler creux pour certains lecteurs, et en effet à part dans les Focus riches en événements, le début du « présent » (le temps de la narration principale) a été assez calme. C’est que l’histoire a besoin de nous enraciner bien profondément dans les lieux, dans nos relations avec les uns et les autres – PJ et PNJ – pour nous engager à fond lorsque le besoin s’en fera sentir. En termes de « comment lier les personnages à la quête » je n’ai jamais vu mieux que cette préparation de presque six mois déjà bien intenses. C’est dans le cadre de cette intégration que j’ai pu imaginer et développer mon format de prise de notes en Bullet Journal dédié à mon perso. Le journal d’Eoghan, tel que j’en parlais dans cet épisode des Voix d’Altaride, comprend pas mal de notes sur les lieux du val de Dearg, ses habitants, et l’avis de mon personnage à leur propos. Vous le devinez, on en reparlera.
Affaires personnelles
À partir de là, il faut dire que nous avions le temps et un Meujeu-auteur au taquet sur le val qu’il avait lui-même écrit (ça aide), toutes les péripéties qui eurent lieu, les oppositions entre factions, les luttes, les engueulades et les alliances, eurent une résonance personnelle sur nos personnages. Rien, dans Dearg, n’est jamais un événement extérieur venu causer le trouble. Tout vient de l’intérieur, implique les gens du cru, directement. Et chacun se positionne en fonction de sa vision du monde et de ses enjeux, brouillant ainsi la polarité manichéenne en gentils / méchants ou en nous / eux trop facile à mettre en place.
L’avis de Hàk
« Un des éléments les plus passionnant de cette campagne est justement cette absence totale de manichéisme. Chaque PJ et PNJ avait ses propres motivations, et chacune de ces motivations avait une justification profonde qui pouvait faire penser « en quoi ma quête est-elle plus justifiée que la leur ? ». Au cours de la partie, certaines des actions de mon personnage, Hàk (de même que certaines d’Eoghan d’ailleurs) ; ont révolté les autres personnages, même les autres joueurs : c’est un sentiment que je n’avais jamais expérimenté avant. »
En tant qu’Eoghan, j’ai pratiquement toujours suivi la voix de la tradition, des anciennes croyances, du « on a toujours fait comme ça » et j’ai âprement lutté contre les vents du modernisme que souhaitaient apporter certains personnages (Finn, Sérus, notamment) et PNJ ; comme je rejetais le pouvoir royal et ses titres de noblesse artificiels au profit des lois claniques et des élections d’Ansaélir (chef du village) à l’ancienne. Ceci dit, c’est peu dire que tous ne pensaient pas comme moi et que leurs avis s’entendaient très bien de leur point de vue. Nos disputes roleplay (parfois épiques), nos tentatives de conciliation, nos alliances et compromis avaient tellement de saveur parce que savions, parfaitement, pourquoi les uns et les autres pensaient comme ils le faisaient – et que nous comprenions ce qu’il leur coûtait de faire tel ou tel compromis. Une des expériences incroyables en JdR qu’il nous a été donné de partager dans Dearg fut cette manière de comprendre les agissements des uns et des autres, même nos ennemis, de leur propre point de vue. Ce fut, par moment, quasiment sociologique ; comme d’assister à un duel fratricide dans le Trône de fer, et que la seule remarque qui nous vienne soit « quel gâchis » plutôt que « untel est vraiment méchant ».
Construire un personnage
Pour moi qui ne fus, dans ma vie de rôliste, quasiment que Meujeu, Dearg fut donc l’occasion d’inventer un personnage de bout en bout sur une campagne longue. Eoghan, donc, un prétiré qui fait un peu figure de « le bourrin » dans le livre de base – et dont la très belle illustration de Gawain m’avait convaincu d’acheter le jeu en 2010.
Je suis incapable d’aimer un personnage et de m’y projeter avant le début d’une partie. Peut-être à cause de mes habitudes de Meujeu, je vois tous les personnages comme utilitaires : en fonction de leur rôle dans l’histoire. Et j’ai tendance à jongler entre des clichés assez gratinés lorsque je les interprète pour bien typer à qui les PJ ont affaire.
En devant choisir un personnage pour la campagne, je pris Eoghan sans grande projection à son égard. Un guerrier tradi, d’accord, c’est un peu succinct. En un an de campagne, il fallait dépasser la page A4 d’informations le concernant dans le bouquin, ne pas rester bloqué sur sa situation de départ, et réussir à le construire sur la durée. Comment vit-il ce qui lui arrive ? Ses opinions changent-elles ? Comment ne pas m’en tenir à un rôle monolithique de débile-à-la-massue lorsque mes camarades jouent volontiers des personnages plus instruits, plus mesurés, plus intelligents peut-être (non) ? Comment, en fait, me mettre réellement à la place d’Eoghan, non plus en tant que son rôle dans le groupe (combattant / protecteur / impulsif / futur chef de clan) mais en tant que lui-même ? Comment penser comme lui, ressentir les événements comme lui, y réagir comme il le ferait, sincèrement, sans tomber dans le « cliché du bourrin » facile, pauvre, chiant ?
Dans la vraie vie, quelqu’un d’irrationnel (1 en Raison) peut passer beaucoup de temps à réfléchir. Quelqu’un de violent (5 en Combativité) peut très bien regretter de l’avoir été. Quelqu’un de traditionaliste peut mettre de l’eau dans son vin – et éventuellement ne pas le reconnaître, ou se trouver des excuses. Les dissonances cognitives qui en résultent sont à la fois réalistes (nous agissons tous de manière moins cohérente que nous le voudrions) mais surtout elles sont passionnantes à jouer. Ça veut dire qu’en continu, dans toute la campagne, à chaque situation, toutes les portes restent ouvertes. On fait ce qu’on veut, le personnage n’est jamais une barrière ou une limite, c’est une grille de lecture à enrichir, à tordre parfois, à composer et recomposer en permanence, parfois fidèle à elle-même, parfois aux antipodes… pour mieux y revenir.
Je ne vous en dis pas plus, j’ai un article complet sur ce sujet.
Problèmes d’émotions
Au service de l’intensité dramatique et de l’incarnation de nos personnages, la maîtrise de Nel permettait de placer la focale sur la psychologie de nos personnages. Pour la première fois, dès les Focus, un Meneur me demandait de décrire les émotions qui assaillaient mon perso après ou pendant un événement. « Qu’en penses-tu de tout ça ? », « Qu’est-ce que ça te fait ? » Voir, occasionnellement, il prenait carrément la main sur mes sentiments pour mes les imposer (« Tu es pris d’une jalousie dévorante, qui te vrille le cœur, c’est horrible tu n’arrives à penser qu’à ça ! »). A chaque fois, nous le comprenions sans peine, cette ingérence sur la psyché de nos alter-egos permettait d’enrichir l’arc narratif mobilisé sur le moment.
Cette technique est une forme de transgression du dispositif classique en JdR qui veut que le meneur ait tout pouvoir… sauf sur les personnages en eux-mêmes, chasse gardée des joueurs. Ici, Nel se permettait souvent de nous infliger la peur, le doute, la jalousie dévorante… en fait toutes les émotions qui ne dépendaient alors plus de nous. Nous invitant, ensuite, à y réagir (étouffer le sentiment, ne pas le laisser paraître, ou au contraire y céder ?) puis à décrire nos émotions le concernant (Est-ce que j’assume ce sentiment, ou le refoulais-je ? Est-ce que je m’en veux ? etc.) Frustrante peut-être, étonnante c’est sûr, cette focalisation sur les sentiments est logique par rapport aux Arcs Narratifs (Amour, Vengeance, Regret… sont des sentiments) et donc à l’ambiance de la campagne, mais aussi par rapport au côté personnel de nos interprétations. Pour reprendre un termes de Johan Scipion parlant des scènes de drama dans Sombre, les émotions « potentialisent » l’horreur puisqu’elles permettent de les jouer jusqu’à parfois les ressentir réellement, et donc de donner du sens à ce qui arrive.
C’est également un moyen sensationnel de palier au problème soulevé par Frédéric Sintes sur son blog, qui notait récemment à quel point ses parties de Vampire avaient du mal à sortir de la logique de « mission » pour se focaliser sur les sentiments des personnages… pourtant essentiels dans la littérature vampirique. Je vous renvoie vers son article, qui met parfaitement le doigt sur ce sujet en comparant La Mascarade avec les romans d’Anne Rice.
Cette focalisation sur les émotions demande aussi de prendre le temps, impératif pour des campagnes longues de ce genre, et je ne parle pas du temps de jeu régulier qui va de soi ici, mais du temps pendant le jeu, temps de décrire, temps de poser les choses, de vivre y compris des moments simples et sans beaucoup d’action – c’est à dire des épisodes « normaux » de la vie de nos personnages pour leur construire des relations. Si le début de la campagne peut sembler long à la lecture, c’est parce qu’il est long. Et cette longueur est nécessaire. Nous avons passé plusieurs mois de jeu, de vrai jeu, à poser les bases du val, de ses habitants, de nos relations entre PJ, avant que les premiers « vrais événements » n’arrivent. Et lorsqu’ils s’enchaînèrent plus vite sur la fin de la campagne, je regrettais aussi le temps de la lenteur et des descriptions intimes où chaque épisode prenait des échos personnels et devenait l’occasion de comprendre quelque-chose de nouveau sur chacun, sur sa façon de penser et de vivre… et ce faisant de l’écrire.
L’avis de Destiny (Mehben)
« Hors de ma zone de confort de meneuse, j’ai dû apprendre à lâcher prise sur Mehben, dont les perceptions et les émotions étaient parfois dirigées par le meneur sans que je puisse réellement intervenir. Assez paradoxalement, la possibilité d’incarner Céliane, le PNJ objet de l’amour d’Eoghan, était souvent une reprise de pouvoir pour moi : bien que l’histoire de Céliane soit en grande partie écrite, son caractère restait ouvert à interprétation et ses choix et réactions, sur lesquels j’étais libre, furent réellement déterminants à plusieurs moments-clés de la campagne. Cette perte de contrôle fréquente, cependant, n’a fait que m’immerger complètement dans l’histoire et renforcer mon interprétation : en tant que joueuse, j’étais dans la même situation que mon personnage, les choses m’arrivaient sans que j’ai toujours de prise sur elles et j’y réagissais au mieux (ou pas, vous vous en doutez).
Mehben a pleuré, crié, elle s’est sentie pleine d’espoir ou perdue, très souvent rongée par la culpabilité, le souvenir et le regret, elle a enduré d’éprouvants épisodes de Confusion Mentale, et moi avec elle. A ce titre, cette campagne fut une véritable expérience, que j’ai vécue au-delà des limites des séances. Je me souviens avoir ressassé les énigmes le soir dans mon lit ou éprouvé les peines et les frustrations de mon héroïne bien après que les lumières furent rallumées. Ce sentiment fut sans doute renforcé par le fait que les relations de Mehben avec les autres personnages évoluaient en parallèle de mes liens avec les joueurs autour de la table, fraîchement rencontrés pour la plupart. La création particulière de notre table a certainement contribué à décupler l’intensité de la campagne à ce titre. »
Intimité
Un tel mode de jeu ne peut pas s’accommoder d’un jeu tambour battant, comme le style que j’employais sur COPS en ne laissant aucun répit à mes joueurs dans leurs « enquêtes » (en fait du jeu de piste) et scènes d’action. Le registre de Dearg n’est pas le film d’action hollywoodien (à l’évidence) mais une forme de romantisme classique, contemplatif souvent, qui débouche sur plusieurs apothéoses gothiques au sens littéraire de ces termes. Ces ambiances doivent prendre le temps, développer leurs protagonistes, et nécessitent de respecter une temporalité contemplative et le jeu des autres.
J’ai passé de longues heures à ne rien dire, pour écouter les autres jouer. À attendre de voir ce qui allait se passer, à être spectateur parce que je savais que mon personnage ne serait pas là, et que son heure n’était pas celle-là. C’est contre-intuitif pour beaucoup de tables, ma table historique notamment, où le Meujeu (moi) s’emploie à « faire tourner la parole » aussi souvent que possible pour ne laisser personne sur le carreau plus de dix minutes. Dans Dearg, j’ai parfois été sur le carreau, à ne pas jouer, et ça ne m’a pas gêné car je savais qu’une prochaine séance me donnerait plus la parole et l’occasion de brûler les planches.
Dearg ne devrait pas s’accommoder d’une table trépignante d’attendre de jouer, de parlotte hors-jeu à tout bout de champ, et surtout d’irrespect envers ceux qui jouent à un instant donné, et cherchent à tisser les sentiments de leur personnage dans un monde sombre et beau, à condition qu’on lui laisse sa chance. C’est cette place laissée au sentiment, les nôtres et ceux des personnages, qui propulsa le jeu dans un registre intime dès le départ, à la lueur des bougies. Forcément, on se sent un peu à poil lorsque la table entière se ligue pour nous emmener sur des terrains personnels très forts. Quelques scènes furent, à ce titre, extrêmement fortes et débouchèrent sur des larmes qui n’étaient pas malvenues parce que chacune et chacun (je crois) se savait entouré(e) et en pleine confiance.
L’avis de Finn
« Les messages secrets et le non-groupe
Lors des parties, il est arrivé qu’un joueur reçoive des informations, ou joue une conversation, seul avec le Meujeu. Grâce à la dynamique que nous avions, fixée plus sur « la vie des personnages » plutôt que sur « la vie du groupe », les informations non connues de tous ont pu être jouées avec une grande liberté et vraiment différemment selon les personnages. Cette dynamique a vraiment permis à l’histoire de résider dans les interactions sociales et les ressentis des personnages envers les autres (PNJ compris, bien sûr) en amenant de la matière nouvelle. Il y a même une scène de plusieurs heures qui s’est jouée avec seulement les trois personnages présents – en séance solo. Cette scène secrète a créé un mystère énorme pour les autres. Dearg avec d’autres personnages ou d’autre joueurs aurait été très différent. »
L’avis de Destiny (Mehben)
« Comme le souligne Antoine, c’est une communauté exceptionnelle qui s’est développée entre nous : tous autour de la table étaient également investis, à l’écoute, respectueux et bienveillants. C’est dans un contexte intime de cet ordre que l’on peut se laisser aller à vivre des émotions et à pousser l’interprétation de son personnage. Pour ces raisons, Dearg est et restera un souvenir particulier et précieux. La campagne en elle-même, dans sa construction et dans les thèmes qu’elle aborde, m’a fait réfléchir, par ailleurs, à mon approche des Ombres d’Esteren tandis que les aventures que nous avons partagées ensemble restent gravées en moi comme des instants de vive émotion.
La campagne n’a pas hésité à assumer un côté surnaturel, que j’ai tendance à laisser bien plus ambivalent dans mes scénarios (au titre de folklore, de croyances, de rêves) et à aller du côté de l’horreur violente, ce qui a remis en question certaines de mes convictions sur le jeu, mais a aussi déployé toute sa puissance tragique (au sens le plus littéraire), pour mon plus grand plaisir. J’ai été confortée, en outre, dans mon traitement très psychologique des personnages et dans ma pratique des Focus, transposables à des cas variés selon mes parties.
Je ne peux que recommander cette manière de jouer, qui se révèle tout sauf frustrante (contrairement à ce que beaucoup redoutent). Comme le souligne Antoine, pouvoir explorer le passé d’un personnage permet de le comprendre (pour l’incarner ou le côtoyer), de tisser des relations avec lui et d’en faire presque une « vraie personne ». Mais ce n’est pas tout, loin de là : on peut s’inspirer de ce principe dans de nombreuses situations. Il y a beaucoup de monde à ma table (jusqu’à huit joueurs sous ma houlette) et il arrive fréquemment que des sous-groupes se forment ou que les personnages soient séparés. Le focus est alors un bon moyen de gérer pleinement les différents aspects de l’histoire, sans laisser personne de côté. Confier un PNJ à un joueur dont le personnage ne fait pas partie de la scène l’invite à s’impliquer dans les actions et les intérêts des autres et apprend le plaisir d’avoir un rôle mineur voire de simplement écouter une scène de JdR. Cela peut aussi permettre à des joueurs plus timides d’avoir un plus grand espace de parole ou à des joueurs peu inspirés de développer en profondeur leur personnage in medias res au cours d’une scène (voire d’une séance) qui leur est totalement consacrée. Cela s’applique finalement à beaucoup de jeux, sans contorsions mécaniques désobligeantes. Cela peut sans doute aussi constituer un moyen d’initier des joueurs frileux à un aperçu du rôle (appréciable) de meneur.
Toutes ces découvertes ont eu une influence certaine sur ma manière de mener – et de jouer, dans une moindre mesure. J’ai aussi appris certaines choses sur mon approche du jeu de rôle : j’ai eu la confirmation que je m’épanouissais plus que tout en tant que meneuse, plutôt qu’en tant que joueuse, malgré la qualité des parties que j’ai vécues grâce à Dearg. Ce que je retiens par dessus tout, néanmoins, reste la qualité de la communauté qui s’est construite autour du jeu. Les joueurs et personnes que j’ai découverts au fil de ces mois passés dans le val de Dearg sont de très belles rencontres, rôlistiquement, intellectuellement et humainement, et je sais que de nombreuses autres aventures nous guettent. Je console ma nostalgie de fin de campagne en écrivant déjà un chapitre de toutes celles qui nous attendent encore. »
L’avis de Hàk
« Jamais plus je n’écouterai les chansons utilisées lors de cette campagne de la même manière. Elles ont désormais une saveur particulière, et me procurent des émotions fortes et uniques. En vérité, j’évite d’en écouter une en particulier, le souvenir tragique lié à cette dernière est encore trop frais dans mon esprit. »
Conclusion personnelle
Rencontrée en début d’année pour l’occasion de la campagne, notre table a bien tenu le choc de la durée par un respect et une bienveillance mutuelle qui, n’excluant pas les blagues un peu hors-jeu à l’occasion, savait écouter, respecter et entourer les joueurs et joueuses qui en prenaient plein la tronche. Nous avons eu, aussi, la grande chance de nous entendre aussi bien hors du jeu qu’au dedans – sans quoi la qualité de l’ensemble en aurait forcément souffert – et de n’avoir eu aucun abandon à déplorer au fil de l’année. Nos relations réelles n’en furent que plus riches et je crois avoir gagné cette année un groupe de potes rôlistes sincères, respectueux et architecturé par de nombreux intérêts communs. Le fait de jouer nos personnages grandissant ensemble, en même temps que nous apprenions à nous connaître pour de vrai fut une expérience incroyable. Une véritable « aventure humaine » comme on dit à la téloche.
Alors quoi ? Je crois ne pas avoir été le seul à souffrir d’une lourde chape de nostalgie post-campagne au cœur de l’été 2018, alors que s’était abattu sur nous le tragique, « l’horrible bye bye » du générique de fin. Pendant les semaines qui suivirent, et encore en écrivant ces lignes, Dearg me manque et j’y repense souvent. Alors je le garde pour moi et mes compagnons, nous ressassons lorsqu’on se voit, les souvenirs et les « si j’avais » ; nous repartons créer d’autres choses dans d’autres univers, aussi.
Dearg terminé, le val continuera de me nourrir et d’enrichir ma façon de jouer pour longtemps. Parce que je sais, désormais, jusqu’où on peut aller dans le bel et bon jeu – et que c’est magnifique là-bas. J’y repense avec la nostalgie du vécu qu’offre le bon, le très bon JdR, et l’envie de dire à tous combien c’était inoubliable au-delà des mécaniques et du récit en lui-même, en termes d’émotions bouleversantes, de trémolos dans la voix et de silences en or brut. Mais je sais, bien sûr, que ces choses là sont intransmissibles.
~ Antoine St. Epondyle
Avec la participation amicale et les relectures avisées de Destiny (Mehben), Finn, Ralam, Sérus, Arven et Hàk. Merci les copines et les copains.
Lire la suite : Construire et interpréter son personnage (retour d’Xp sur Esteren)
Illustration de couverture par Yvan « Gawain » Villeneuve.
Wow. Le contraste entre ce que tu décris et les quelques expériences brouillonnes et lacunaires de parties d&d basiques que j’ai eu dans ma vie est tellement grand que j’en aie du mal à imaginer. Du mal à imaginer le ressenti, du mal à imaginer l’ambiance créée, du mal à imaginer l’implication nécessaire, du mal à imaginer comment il est possible d’arriver collectivement à un tel résultat… Mais le peu de ce récit que j’arrive à réellement concevoir me suffit pour t’envier la chance de pouvoir vivre ce genre de choses (« chance », façon de parler ; il ne s’agit pas de dénigrer tout ce qu’il a fallu pour cela). Merci d’avoir pris la peine de partager tout ça avec nous, et de l’avoir bien fait
Merci à toi.
Je ne savais pas trop à quoi m’attendre non plus au départ tant cette conception du jeu est différente de la sauce « série B » avec laquelle j’aime assaisonner mes propres parties. Mais en effet je crois qu’on a tous eu bien conscience d’avoir la chance de participer à un truc de haut vol. :)
Splendide Antoine !
Merci pour ce texte dans lequel on te retrouve si bien.
Ca donne vraiment envie de retourner faire un tour dans la Péninsule de Tri-Kazel…
Au plaisir de te recroiser,
Elenyl
Merci Elenyl. :)
Est-ce qu’on se connaît (sous un autre nom peut-être) ?
Super si j’ai pu te donner envie de rejouer à Esteren. Je n’en ai pas fini avec ce jeu, personnellement.
[…] avons donc joué Dearg, campagne officielle des Ombres d’Esteren, pendant une année pleine. Le compte-rendu complet est ici. Pour moi, qui ne suis quasiment que Meujeu depuis mes débuts de rôliste, ce fut l’occasion […]
Ca donnait déjà envie quand tu m’en parlais au fur et à mesure (genre quand tu m’as décrit [SPOILER] ce moment dans le moulin en feu, où tu/Eoghan as repoussé Maël au moment où il essayait d’en sortir, lui claquant la porte au nez. [/SPOILER] Des frissons !), mais d’autant plus de lire les retours des autres.
Mais, comme je l’avais dit à l’oral, et le pose maintenant à l’écrit, vous avez eu « de la chance ». C’est pas toutes les tables qui se déroulent comme ça, c’est pas tous les joueurs qui acceptent ce genre de parties. Je doute pas que Nel a fait de la sélection en amont avec des gens qu’il sentait appétants !
Mon expérience perso, tant en tant que MJ que joueur a fait toute la gamme: des groupes où tous étaient en accord, des groupes où chacun voyait sa lorgnette et n’aimait pas celle des autres, des groupes où ça partait en gang-bang au moindre temps mort (un de mes pires souvenirs -_-), des groupes où ça partait dans l’épique et où les joueurs faisait suffisamment la différence entre eux et leurs persos pour avoir les moments d’émotion que tu décris.
C’est pas facile, un groupe qui clique. Faut en profiter et bien graver les mémoires sur chrome après, que ça reste.
Oui c’est une alchimie subtile qui fait que ça marche bien à un moment donné, le jeu, la période, les gens, l’état d’esprit font la qualité de l’ensemble. On a eu de la chance, c’est vrai, on a co-créé cette chance aussi. Et clairement, cette partie là restera comme une anomalie géniale dans nos xp de jeu aux un.e.s et aux autres, je pense.