COPS’ not dead ! Cette rentrée, je relance une campagne sur le tout premier jeu que j’ai maîtrisé après Donj’. En m’inspirant de ma précédente partie de Cthulhu et de mes récentes réflexions sur l’enquête en JdR. Un reboot avec certes les mêmes ingrédients, mais une toute nouvelle sauce.
Désolé à ceux qui pourraient se poser la question : je ne recrute pas. J’ai suffisamment de joueurs pour une partie régulière. Cet article me sert à poser mes idées par écrit et à présenter la partie auxdits joueurs, justement. Bien entendu je verse tout ça au pot de l’inspiration commune, alors servez-vous si le cœur vous en dit.
Vous avez dit « COPS » ?
Depuis sa deuxième édition pas vraiment réussie et la fin de la publication, on n’entend plus trop parler de COPS. C’est dommage, si vous voulez mon avis.
Par chez nous, on aime beaucoup COPS. Il tranche avec nos autres jeux, on aime son univers californien, son ambiance surchauffée des rues de Los Angeles, ses guerres de gangs, ses flics à bouts de nerfs suants comme des porcs dans leurs combinaisons blindées par 45°C ; eux qui cherchent (comme ils peuvent) à « Protéger & Servir » dans un monde livré au chaos, aux vices, au mysticisme, à toutes les violences et aux empires financiers. C’est un univers quasiment infini, dont les bouquins (et plus encore les milliers de films, polars, BD qui peuvent servir d’inspiration) donnent un aperçu très riche.
A la relecture, j’ai été frappé de voir à quel point le jeu se prête bien à la parodie (l’Amérique du futur décrite par des français, ça flaire bon le foutage de gueule). Alors pour être clair : je ne prévois pas de « vraie enquête » telle que j’en parlais dans cet article. Non, ici l’enquête sera plutôt en mode Point Break.
Ça ne veut pas dire qu’on ne s’attachera pas aux personnages où qu’on ne soignera pas nos histoires. Bien au contraire en fait, on larguera sans regret tout ce qui fait la chiantise de la vie réelle de vrais flics, et on fera des courses-poursuites en skateboard, des cascades bondesques, des répliques bien senties, des interrogatoires couillus et des duels de coolitude californienne.
Un seul mot d’ordre : « Friday friday friday ! Fun fun fun ! »
A partir du moment où l’on ne se prend plus (trop) au sérieux (c’est sans doute l’un de mes défauts sur Cthulhu, je prend trop à cœur l’univers lovecraftien pour vraiment m’autoriser à en rire), les possibilités deviennent énormes ! Et parce qu’elles sont trop lourdes, on virera quelques règles, surtout de combat, qui nous ralentiraient dans notre quête de poilade infinie. Après avoir joué à Sombre, j’ai du mal à supporter les 18 caracs pour une seule arme à feu et les tours de combat de plus d’une minute. Sans aller jusque là, on va quand même alléger.
Cyberpunk mon amour
2030 c’est bien gentil, mais l’horizon n’est plus si futuriste que ça. Depuis la sortie du jeu on a même fait plus de la moitié du chemin ! Mais qu’à cela ne tienne ! L’univers décrit par COPS n’est pas du tout périmé tant les prévisions des auteurs étaient réalistes dans leur côté décalé. L’Amérique se disloquera, les gouvernements successifs refermeront leur poigne, la Californie sera indépendante. On jouera en 2050, dans un monde protocyberpunk.
Je ne sais pas si vous aviez compris, mais j’adore le cyberpunk. Et COPS appartient vraiment à ce genre là, ou quasiment. Il suffit de forcer un tout petit peu la dose sur la technologie, les multinationales, les rapports de force, l’obscurantisme et l’ambiance de fin du monde. Sans foutre du réplicant à toutes les occasions (on va garder le côté low-tech de l’univers, du moins comparé à la SF en général), je me réserverai le droit d’injecter du cyberpunk pur-jus à petites doses. Là où ça se justifiera, histoire de relever un peu les nouilles thaï à emporter.
Narration
Avec sa hiérarchie de grosse entreprise, ses procédures bureaucratiques inapplicables écrites par des gratte-papier qui n’ont jamais mis un pied sur le terrain, parce que ce jeu est, ou doit être, une série de flics, COPS se prête bien à un découpage par épisodes et à un groupe de joueurs variable. Ça tombe bien, parce que mes joueurs ont des rapports aléatoires avec ma table. On appelle ça « les obligations professionnelles ». C’est un peu pourri, mais de la contrainte naîtra la créativité. En fait je vais en profiter pour tester pas mal de choses que j’ai en tête, et on pourra en reparler sur Cosmo après l’épreuve du terrain.
Par exemple :
+ Nous sommes dans une série télé. Le spectateur (qui est aussi acteur, miracle rôliste) doit en avoir pour ses mirettes à chaque épisode. Sinon, il arrêtera de regarder la série, hé ! Alors je préparerai chaque séance comme un tout, même en étant suivies, chacune doit apporter son lot d’intérêt et de temps forts. Comme tout mauvais scénariste de série qui se respecte, je privilégierai le fun à court terme (une séance) à la cohérence à long terme (la campagne). C’est quelque-chose qui peut paraître bizarre à pas mal de monde, mais qui à déjà montré ses preuves sur Cthulhu : si les séances sont d’excellents moments, on me pardonnera toujours les grosses ficelles narratives et les coutures de fil blanc.
+ Les personnages sont le centre de l’histoire. L’enquête, le scénario, l’univers ne sont là que pour leur donner la réplique et des occasions de briller. Je testerai donc les astuces de Nel (l’un des auteurs des Ombres d’Esteren) en faisant des flashbacks sur la vie passée de mes PJ ; en reprenant les grandes lignes des backgrounds qu’ils auront écrits. Pour le moment je ne rentre pas dans le détail, mais sachez que c’est une des techniques de la campagne Déarg des Ombres d’Esteren, qui permet d’approfondir et de lier le groupe apparemment très bien. Vu comme mes joueurs sont positifs sur la démarche, je ne vais pas me gêner pour essayer.
+ Je vais (essayer de) faire de Los Angeles une « ville en boîte », comme proposé par John Wick dans Dirty MJ. Tous les PNJ devront avoir vocation à durer pour enrichir la relation du groupe à la ville, et spécialement à leurs collègues, ennemis de bureau, ennemis dans le rue, alliés, informateurs. Et pour ça, j’utiliserai à plein le point qui suit.
+ A chaque fois que j’en aurai l’occasion, je déléguerai mes PNJ. D’une part pour permettre aux joueurs très occasionnels de participer en toutes circonstances, sans traîner un perso vaguement inconnu une séance sur dix, et d’autre part parce que ça fonctionne terriblement bien ! Préparer chaque séance comme un épisode de série, en fonction des joueurs présents, implique souvent d’improviser un rôle plus important que prévu à un individu secondaire. C’est anodin vu de l’extérieur, mais ça m’a déjà transfiguré des séances pour le meilleur. Ça fait bosser les méninges de toute la tablée, ça pousse à l’impro, et ça ouvre sur de vrais moments de bravoure.
Cet automne,
replongez au cœur de la jungle de béton,
chaussez vos lunettes de soleil,
chargez vos colts,
faites le plein.
Don’t be a pussy.
Partez à la conquête de la Cité des Anges.
Join the C O P S.
-Saint Epondyle-
Je ne connais pas du tout ce jeu de rôle mais je valide les idées développées dans cet article ainsi que l’article lui-même ! C’est chouette et bien pensé.
Merci ! On débrieffera tout ça après le lancement de la campagne; :)
C’est vrai que c’est alléchant !
La technique des flashbacks est un must. Par contre je n’ai jamais vraiment adhéré à celle de déléguer les PNJ. Je suis par nature un Metteur en Scène tyrannique, c’est aussi ce qui m’empêche de ne pas voir la saison d’emblée comme une intrigue plus ou moins ficelée… mais trouver un allié à incarner de temps à autre, pourquoi pas ? J’avais eu une bonne expérience sur Vampire Dark Ages où nous avions joué les goules de nos personnages. Un renversement de perspective salutaire.
Et dans le genre sombre, comme inspiration, les deux saisons de True Detective sont assez proches de l’ambiance « flics dans un monde pourri » que tu décris.
Vivement que tu nous postes des compte-rendus de partie ou des scénarios !
La délégation des PNJ, c’est formidable ! J’écrirais là dessus, il ne faut pas le faire n’omporte comment, mais c’est l’une des solutions à l’éternel problème du « groupe » prêtre / guerrier / mage / voleur. J’ai eu des moments de bravour incroyables à des scènes anticipées comme chiantes, grâce à la délégation de PNJ… Et j’applique peu à peu « la ville en boite » proposée dans Ditrty MJ (John Wick), ça marche tellement bien !
Une mauvaise expérience,?
[…] un petit scénario amusant qui m’est venu dans le cadre de ma campagne de COPS. Son objectif est de détendre l’atmosphère pendant une campagne suivie, par des scènes […]
Intro alléchante!
J’ai fait jouer une campagne de D&D Ravenloft ainsi qu’une autre de Cthulhu DG dans un format comparable au tien, c’est à dire en épisodes « indépendants » centrés autour d’une seule affaire, résolue en une seule partie. Question rythme j’en garde une expérience très positive et je ne me verrais pas faire autrement maintenant, tout simplement parce que je trouve que ça marche moins bien sinon. Eh oui, les contraintes de la durée des parties sont bien réelles, et couper sauvagement un scénario en 2 reviendrait exactement à interrompre un film au milieu de la diffusion pour voir la fin 2 semaines plus tard… Donc le format « série télé » me semble être le plus adapté au JDR, avec une intro qui claque, des rebondissements de dernière minute et un pitch de fin insoutenable! Ca aide à maintenir les joueurs dans l’attente de la nouvelle partie! Et je ne vois pas ca du tout comme du « mauvais » scénario (tel que tu l’as barré ^^) mais simplement comme une contrainte inhérente au format. Toute la qualité du scénario va se faire sur la manière de se renouveler sur lesdites ficelles pour ne pas avoir l’impression de revoir à chaque fois le même épisode en boucle (frappant à quel point tous les épisodes du « Caméléon » sont interchangeables…). Ca, et la capacité à faire malgré tout un scénario sur la durée en faisant progressivement le lien entre les affaires.
L’autre avantage à la longue à avoir des affaires totalement indépendantes en apparence, est que le jeu se centre beaucoup plus sur les personnages, et c’est exactement ce que tu souhaites dans ta nouvelle campagne. Les PJs se souviennent des PNJs qui les ont aidés, ce médecin légiste qui sait rester discret, cet indic accro au crack qu’il suffit de soudoyer avec de la came, ce garagiste que tu as couvert pour son trafic et que tu sais pouvoir faire chanter…
Et quand, saint du saint, tu parviens à faire le lien entre les affaires principales, la surprise n’en est que plus grande!
Vu la date de l’article et celui de mon commentaire, cette campagne doit déjà être finie? Comment ça s’est passé alors?
Encore beau boulot pour le blog!
Patience mon ami ! Je suis en train de rédiger un compte-rendu complet de cette campagne, pas sur l’histoire (on s’en tape) mais sur les techniques utilisées et comment le mode « série télé » a si bien marché.
Et accessoirement, je prépare une partie d’Esteren avec un concept différent, mais qui se nourrit de ça pour essayer de faire un truc culte. On en reparlera.
Encore un petit retour d’expérience : Les flashback, ça marche plutôt bien. Je m’en servais parfois en début de partie en guise d’intro en faisant jouer le même personnage mais plusieurs années plus tôt, dans un contexte qui semble détaché de l’enquête actuelle mais qui a un lien soit avec l’intrigue « fil rouge », soit avec l’enquête en cours.
Attention dans ce cas à ne pas négliger les autres joueurs. Dans une de mes campagnes j’avais fait jouer une scène de la guerre du vietnam en flashback à un PJ type agent spécial (DG) vieux baroudeur ancien sergent des marines, où il se retrouvait confronté à un charnier dans la jungle. J’avais préparé des fiches de perso des membres de son escouade qui étaient donc interprétés par les autres joueurs.
Ca avait très bien fonctionné mais l’apparté avait duré tellement longtemps que ça avait au final occupé toute la partie!
Salut Yakuru !
Ravi de te revoir par ici. :)
J’ai finalement fait un seul flashback, sur un personnage bien particulier de cette campagne, qui m’a donné des ressors à réutilsier dans la suite de mon scénar (avec des méchants revenant se venger). En effet, ça marche bien.
Mais surtout, j’ai presque ouvert toutes mes séances (13 ou 14) sur des scènes pré-générique en déléguant des PNJ à mes joueurs pour mettre en scène l’apparition d’un des PJ. Typiquement comme au débit des Jambes Bond, ou une scène de baston sans lien avec l’intrigue principale du film introduit le personnage. Et ça a donné l’occasion à mes joueurs de roleplayer des PNJ hauts en couleurs : braqueurs-yamakasi, gangsters-clowns etc… :)
Cette idée me semble vraiment intéressante. Comment l’as tu utilisée en pratique? Je veux dire, s’agissait-il de scènes ne mettant en scène uniquement que les PNJ délégués (sans aucun PJ excepté à la fin?)?
Et surtout comment exposes-tu la situation aux joueurs? Tu donnes les feuilles de PNJ en expliquant brièvement le personnage et le contexte, la « mission » des PNJ? Ou bien tu intègres ça directement dans la narration et les joueurs comprennent avec le contexte?
Dans les exemples que tu as cités, les joueurs interprètent les braqueurs yamakazis qui commettent leur braquage contre les PNJ que tu diriges toi, ou bien avec l’intervention de certains PJ? Comment t’es tu arrangé pour qu’ils aillent dans le sens que tu voulais dans ce cas là?
En tout cas c’est toujours aussi agréable de lire ton blog, continue comme ça ;)
Le dernier exemple en date, avant la musique de générique (que les Pj identifient comme telle dans tous nos COPS : Pure Morning de Placebo), j’ai introduit avec un autre son et distribué des post-it sur lesquels étaient notés :
– un nom (genre « Bobby »)
– un concept (« meilleur ami de Jackson, éméché »)
– trois caractéristiques avec leurs scores (action 4/7+ intellect 2/8+ social 3/7+)
– un « pouvoir spécial » (« skateboard 4/6+ »)
– un objet incitatif (skate, flingue, roller-blade…)
A partir de là, j’explique vite fait : « vous êtes montés en haut d’une grue de la zone portuaire de Hawthorne, c’est interdit mais vous voulez vous donner du frisson en faisant du saut à l’élastique pour l’enterrement de vie de garçon de Jackson. Toi tu as les yeux bandés, tu sais pas ou tu es, toi tu lui noue l’élastique aux pieds, toi tu filmes… »
Pas besoin de beaucoup plus pour qu’ils fassent n’importe quoi, et que je puisse envoyer le premier PJ. (« Tu es dans les bouchons pour te rendre au bureau quand soudain « code 10-18, appel à toutes les voitures, on signale une bande de débiles qui ne savent pas que la grue sur laquelle ils sont menace de s’effondrer sur l’école primaire juste en face, vous devez intervenir MAINTENANT. »)
Et d’ailleurs, même pas besoin d’un enjeu important type « école primaire », une simple altercation entre automobilistes sortant les flingues (on est aux US) suffit.
Ceci a plein d’avantages, c’est léger, c’est sympa, c’est une saynète dans la partie, et ça permet d’insister sur des points de l’ambiance. PAr exemple pour cette partie, le n’importe-quoi dans lequel cette ville s’enfonce, et la chaleur accablante, cause de nombreux problèmes.
C’est une astuce que j’utiliserai aussi souvent que possible. Prochainement dans Les Ombres d’Esteren je le ferai différemment pour coller au propos de la partie et à l’univers plus sérieux, mais je sais que ça marche à fond.
C’est extrêmement intéressant.
L’astuce du changement de personnages est très utile, et à mon avis je la sous-utilise.
Elle permet non seulement d’avoir un levier sur l’intrigue et sur l’ambiance (donc sur ce que ressentent les joueurs) de façon assez subtile, comme tu le montres, mais aussi de bouger et décentrer le regard des joueurs de leur personnage-nombril.
Par ce biais-là je pense qu’on peut atteindre une plus grande interactivité entre meneur et joueurs.
D’ailleurs, je pense que je vais aussi m’en servir dans le cadre d’une co-construction d’univers à ma table.
Et surtout : continuez à nous donner des idées tous les deux!
Je vais tellement continuer à donner des idées que je m’apprête à publier un article de 3600+ mots (!) sur le débrief de ma campagne de COPS. (Uniquement mes ficelles de Meujeu, je raconterai pas l’histoire !)
Seule la délégation de PNJ ne sera pas trop détaillée parce qu’elle fera l’objet d’un article en soi. :) En tous cas, Germain, faudra que tu viennes me dire comment tu as utilisé ce moyen et ce qu’il a donné !