Comprendre la dynamique de sa table est essentiel pour s’orienter vers le choix du bon jeu de rôle, au sens « le bon pour ce qu’on veut en faire ». Car s’il y a effectivement des jeux assez moyens, et d’autres carrément mauvais, le bon jeu est d’abord dans les yeux de celles et ceux qui y jouent. Bref le meilleur JdR à choisir, c’est le jeu qui ira dans le même sens que la partie que l’on souhaite construire : son ton, son style, sa dynamique, ses règles etc. Les techniques de MJ et la qualité du scénario viendront après.
A ce titre il faut, je crois, envisager qu’il n’existe pas de JdR qui soit neutre. Même les jeux génériques ont une orientation propre, dans leur gamedesign leurs choix scénaristiques et d’univers. Et pour être le jeu de rôle le plus joué et le plus vendu, Donjons & Dragons en particulier n’a rien d’un jeu « innocent » ou transparent qui permettrait toutes les expériences de jeu. Du tout.
(Cet article est une version réécrite de l’épisode 4 de mon podcast Nous sommes des alchimistes. Voir le sommaire.)
Comment choisir LE bon jeu de rôle ?
L’offre en jeu de rôle est pléthorique. Dans ce contexte et vu le rythme frénétique des parutions, il peut être difficile de choisir à quoi jouer. 7e Mer ou Pavillon Noir ? D&D 5 ou Dragons ? Pour choisir le bon jeu de rôle par rapport à sa partie et sa table, il est d’abord important de comprendre moins le propos que l’esprit dans lequel le jeu à été pensé.
L’esprit du jeu est ce que le jeu véhicule dans l’ensemble. C’est l’âme qui s’en dégage, le type de parties qu’il semble indiquer et permettre, le ou les genres narratifs qu’il semble émuler. Souvent, et principalement dans les jeux un peu ancien, cet esprit n’est pas clairement statué, leur promesse n’est pas vraiment explicite – sans doute ne l’est-elle pas nn plus dans l’esprit des créateurs. Et même si certains déclinent leurs « modes de jeu » comme autant de petites variations, ils ne dévoilent que partiellement l’esprit général dans lequel ils ont été conçus.
Comment choisir LE bon jeu de rôle ? En se demandant à quoi je veux jouer avec ma table (et sa dynamique, qui devrait perdurer qu’importe le jeu et l’univers), quels genres et quelles histoires je veux émuler ; et quels jeux le permettent, avec quels outils narratifs. Et pour ça, il faut…
Comprendre l’esprit du jeu
L’esprit du jeu transpire de tout le jeu. Dans la rédaction, le volume et la complexité de son univers, de ses règles etc. Il ne s’agit pas que de « l’univers » et les « codes » mais de toute la matière, toutes les références, l’ensemble de ce qui fait le jeu. Lorsqu’il n’est pas clairement expliqué, il se révèle souvent dans les scénarios officiels proposés, les personnages, et les exemples qu’il donne. Si l’on n’a pas lu le jeu en question (parce qu’on hésite sur lequel acheter, typiquement) on peut souvent s’en faire une bonne idée en voyant le volume général de chaque chapitre dans le sommaire (60 pages de règles, vraiment ?).
Comprendre l’esprit d’un jeu, c’est se permettre de « ramer avec le sens du courant » plutôt qu’à contre-courant. C’est utiliser les outils narratifs pour ce qu’ils sont supposés faire (et pas tenter de faire du drama dans un jeu de baston, par exemple). On a des chances de multiplier l’efficacité de ces outils lorsqu’on colle au plus près à la philosophie dans laquelle il ont été pensés, lorsqu’on se rapproche de leur esprit. Parce que règles, univers, scénarios, personnages etc. vont servir cet esprit et aller dans son sens.
Ne pas le faire, ou trop tordre le jeu pour aller dans un sens différent, c’est risquer le contre-sens. Même si parfois un jeu peut-être utilisé à contre-emploi avec bonheur (comme en injectant un peu de dérision dans un jeu extrêmement premier degré), c’est une limite difficile et risquée à franchir. Si je devais donner un conseils aux débutants, je dirais de s’en tenir à l’esprit initial du jeu, et d’y coller en limitant les adaptations maison dans un premier temps. On peut sans doute faire du drame intimiste avec D&D mais il vaut généralement mieux connaître les codes avant de les transgresser.
Qu’est-ce qu’un bon jeu de rôle, de manière générale ?
Dans cette conception, un bon jeu de rôle est un jeu qui propose des outils narratifs et mécaniques adaptés à son propos, son esprit ludique. C’est un jeu dont l’esprit est très cohérent avec ce qu’il donne réellement. Un très bon jeu réussit, en plus, à transmettre son propos et à initier sa logique propre des gens qui n’y auraient pas été sensibles au départ.
Un mauvais jeu est un jeu qui s’éparpille, dont on ne comprend pas comment on est censé l’utiliser, ou qui noie dans les conceptions annexes un propos illisible (comme un jeu qui donne des outils pour tout faire et ne choisit aucun angle), ou qui se présente comme un roman, comme une encyclopédie, et oublie qu’il est supposé outiller des joueurs plutôt que des lecteurs. A la décharge de ce genre de productions, l’exercice est extrêmement difficile.
Voilà pourquoi les productions les plus récentes ont globalement tendance à raccourcir et à privilégier des jeux plus courts, plus franchement axés sur un thème ou un epsrit précis.
Parfois il arrive que l’on tombe sur un jeu mal foutu mais dont l’esprit général fonctionne bien – voir très bien – à notre table et nous attire. Ou inversement sur des jeux très bien faits mais dont l’esprit n’est pas compatible avec la dynamique de notre table, avec ses envies et les nôtres. Dans ce cas, le plus important pour réussir sa partie n’est sans doute pas de prendre le jeu le plus objectivement réussi, mais de rester au plus près des attentes de sa table quitte à se coltiner un jeu un peu moins bon (quitte à l’adapter).
~ Antoine St. Epondyle
Cet article est une version réécrite de l’épisode 4 de mon podcast Nous sommes des alchimistes. Voir le sommaire.