Après quelques semaines, je reprends ma théorie sur l’Analyse Transactionnelle d’Eric Berne, et sur son utilisation dans un JdR. L’ensemble de ce modèles peut être utilisé à tout moment de la vie d’un personnage : a sa création, durant son existence, ou simplement pour le décrire.
Ce chapitre fait directement suite au Chapitre 1. Les états du moi. pour retrouver l’ensemble des chapitres sur l’AT en JdR, rendez-vous au sommaire.
La théorie de l’Analyse transactionnelle s’intéresse aux signes de reconnaissance positifs et négatifs donnés et reçus par chacun lors de sa vie sociale. Ces signes de reconnaissances sont le plus souvent inconscients. Même lorsque ni l’émetteur ni le récepteur n’en ont conscience, ces signes de reconnaissance ont une influence sur leur relation. La façon dont chacun donne et reçoit ces signes est un facteur important de sa personnalité.
L’objectif est ici, en ayant à l’esprit cette théorie, de permettre aux joueurs et meujeux de construire des relations plus intéressantes entre leurs personnages et leurs PNJs ; mais également d’explorer de nouvelles pistes de roleplay.
Les signes de reconnaissance
Les signes de reconnaissances peuvent être positifs ou négatifs, conditionnels ou inconditionnels :
- Le positif inconditionnel – « Je t’aime quoi que tu fasses. »
Un signe de reconnaissance positif inconditionnel est donné sans condition ; c’est le plus positif des signes. Néanmoins, son importance est pondérée par la relation que l’on entretient avec la personne qui nous l’envoie.
Par exemple, si votre fiancée vous complimente sur votre gentillesse, vous accepterez cette reconnaissance avec beaucoup plus de satisfaction que si elle émanait du garçon de café du coin (avec lequel vous n’entretenez qu’une relation de commerçant à client). Elle pourrait même, dans ce cas, vous sembler étrange ou intéressée.
- Le positif conditionnel – « Je t’aime si… »
La reconnaissance positive conditionnelle est soumise à certaine exigences ; on ne félicite pas son interlocuteur pour se qu’il est, mais pour ce qu’il fait.
Par exemple, si cette même fiancée vous remercie de lui avoir apporté son petit déjeuner au lit un dimanche matin ensoleillé, en vous complimentant sur votre gentillesse, il est évident qu’elle ne l’aurait pas fait si vous n’aviez pas vous même agi pour lui faire plaisir.
- Le négatif conditionnel – « Je ne t’aime pas si… »
Le signe de reconnaissance négatif conditionnel est l’inverse du précédent. A certaines conditions, on enverra un signal négatif à notre interlocuteur, non pas pour ce qu’il est mais pour ce qu’il fait.
En reprenant notre exemple, votre fiancée pourrait probablement vous reprocher votre égoïsme si, le dimanche matin, vous lui réclamiez de vous faire servir votre petit déjeuner au lit.
- Le négatif inconditionnel – « Je ne t’aime pas quoi que tu fasses. »
Les signes négatifs inconditionnels sont des signaux envoyés pour ce que l’interlocuteur est, plutôt que pour ce qu’il fait. De la même manière que pour le signe positif inconditionnel, ce signe est pondéré par la relation que l’on entretient avec la personne qui nous l’envoie.
Ainsi, si votre fiancée vous reproche votre égoïsme en général, vous risquez d’être bien plus touché que si le reproche vous vient du garçon de café (ce qui ne serait pas très commerçant de sa part, je vous l’accorde).
Bien évidemment, personne ne se contente d’envoyer un seul type de signes, ni n’abonne un individu à un type de signe en particulier. Encore qu’un mère (ou un amoureux transi) pourra privilégier les signes positifs inconditionnels envers sa progéniture (ou son âme-soeur). Mais de manière générale, les signes envoyés dépendent de la relation entretenue avec l’interlocuteur, en général et sur le moment.
Et le JdR dans tout ça ?
Là où cette théorie rejoint le JdR, c’est dans la manière qu’on les individus de distribuer et de recevoir des signes de reconnaissance. Bien sûr, tous ces concepts peuvent être compris uniquement si on considère qu’ils sont autant conscients qu’inconscients, des deux côtés de la relation.
Dans la création d’un personnage ou d’un PNJ, dont on voudrait explorer la personnalité en profondeur, il serait intéressant de se poser les questions suivantes.
- Quels signes est-ce que je m’autorise à donner ?
Dans la manière de saluer les autres, de leur serrer la main, de leur sourire (ou d’être froid et distant), je leur renvoie une image d’eux même. Un personnage souriant, aimable et chaleureux sera logiquement mieux perçu par son entourage car il donnera l’impression aux autres de les apprécier. Un individu qui sait féliciter, récompenser ou se montrer généreux envers autrui sera plus apprécié, et inversement.
- Quand j’ai besoin (ou envie) d’un signe de reconnaissance, est-ce que j’ose le demander ?
Demander un signe de reconnaissance peut prendre plusieurs forme : Certaines personnes exhibent leur état afin de recevoir des signes de la part de leur entourage, elles montrent ostensiblement qu’elles ne vont pas bien en espérant qu’on s’intéresse à elles et qu’on les console. Plus simplement, le fait de poser une question du type « Comment me trouves-tu aujourd’hui ? » est une demande de signe de reconnaissance directe.
Un individu qui ne demande jamais de signe de reconnaissance à autrui, alors qu’il souhaiterai en recevoir, est susceptible d’emmagasiner des frustrations. Ainsi, quelqu’un peut en vouloir à son entourage de ne pas l’avoir soutenu pendant un moment difficile par exemple, alors qu’il n’avait pas manifesté qu’il aurait voulu l’être.
- Lorsque je reçois un signe, est ce que je m’autorise à l’accepter ?
Accepter un signe de reconnaissance, c’est se ranger sur l’avis de la personne qui l’envoie. Que le signe en question soit positif ou négatif, le fait de l’admettre sans essayer de le contredire est une auto-critique.
Par exemple, si votre fiancée vous complimente sur votre gentillesse et que vous la remerciez simplement, sans essayer de détourner le sujet en disant « Je suis moins bien que toi », alors vous acceptez son signe et vous lui renvoyez une image positive d’elle-même. De même, si votre supérieur critique la désorganisation de votre travail, il préférera que vous acceptiez la critique plutôt que de vous voir la justifier ou la nier.
- Dans votre for intérieur, quels signes vous autorisez-vous à vous donner ?
Certains, dans leurs dialogues intérieurs, s’envoient des signaux à eux mêmes. D’autres refusent de le faire, ce qui engendre une frustration intérieure et une mauvaise image d’eux même.
Ainsi, en contemplant son reflet dans le miroir, un Narcisse pourra se trouver beau et s’auto-féliciter de sa beauté. En ayant fait une erreur, il pourra se le reprocher et en analyser les causes. La première situation lui donnera confiance en lui, ce qui sera perçu par son entourage ; et la seconde lui permettra de s’améliorer pour le plus commettre cette erreur (ou pour corriger un trait de caractère par exemple).
A l’inverse, un individu qui refuserai de porter un jugement (positif ou négatif) sur lui même ne pourrait pas s’améliorer, et ne serait pas nécessairement bien perçu par autrui. Avoir un trait de caractère difficile n’est pas gênant en soi, si on arrive à le canaliser pour éviter de nuire à la relation sociale.
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Pendant une partie de JdR, le fait d’avoir en tête les différents signes de reconnaissance, et de savoir comment son personnage à l’habitude d’y réagir devient passionnant. C’est en se demandant comment il va réagir à tel ou tel signe (venant de tel ou tel individu), qu’un personnage pourra se construire autour d’une personnalité crédible et cohérente sur la durée.
Dans l’exemple complet (et concret) que je publierai à la fin de la théorie de l’AT, différentes façons d’utiliser les signes de reconnaissances seront proposées.
Dans le prochain chapitre de ce sujet, je m’intéresserai à la structuration du temps lors d’une situation de communication et bien sûr à son application dans le JdR.