Sur le fleuve est un petit roman fantastique écrit par Léo Henry et Jacques Mucchielli. Une bonne référence dans un style horrifique relativement old-school ; à la fois inquiétante, bien écrite et très prenante.
Le récit est celui d’une équipe de conquistadores commandée par Javier Jimenez, noble castillan, à la recherche de Manoa la fabuleuse citée d’or. En s’enfonçant dans une jungle amazonienne plus qu’inamicale, l’expédition va de mal en pis et perd ses membres un par un. Dans la plus pure tradition du survival, les cadavres s’entassent dans un climat de méfiance superstitieuse et paranoïaque. Au fond de l’immensité inhospitalière, la communauté humaine tourne vite au huis-clôt.
Le récit se déploie sur un mode linéaire et sanglant, servi par une très belle écriture souvent poétique. Le nombre des personnages fond inexorablement (c’est quasiment un slasher), faisant naître les tensions typiques du genre. L’originalité est moins recherchée qu’une certaine littérature de la confrontation, de l’homme contre l’environnement, de la femme (indienne de surcroît) contre les hommes, des hommes entre eux, des religions – catholiques, luthériens, païens – les unes contre les autres. Devant tant de motifs de soupçons (plus ou moins légitimes) et tant de discriminations possibles, chacun se retrouve seul au monde ; seul au milieu d’un groupe parfois franchement hostile, qui est pourtant que son seul radeau de survie dans l’enfer forestier.
Le récit des conquistadores européens est entrecoupé de la prose incantatoire de Petit Frère, esprit jaguar de la forêt, une présence maléfique (?) ou en tous cas étrangère aux protagonistes – qui scrute, observe, parle toute seule – et décentralise le regard du lecteur. Les prières de Petit Frère aux esprits de la forêt brouillent nos habitudes et donnent accès, par fragments, aux pensées du prédateur (ce qui rappelle un peu la caméra subjective de certains Alien, en plus intime).
Bref, Sur le fleuve est un petit roman horrifique dans un contexte original de poursuite de l’El Dorado. J’y ai apprécié la belle écriture des deux auteurs, et la mine d’inspiration pour de futures parties de JdR. Accessoirement, c’est aussi une bonne porte d’entrée pour découvrir Léo Henry et Jacques Mucchielli, dont je n’ai toujours pas attaqué le vrai gros morceau : Yama Loka Terminus – qui me fait peur pour d’autres raisons.
~ Antoine St. Epondyle