« On ne naît pas femme : on le devient. »
– Simone de Beauvoir
Il y a un mythe (sexiste) tenace dans le petit monde des geeks, qui voudrait que les femmes soient immunisées contre notre culture et nos sujets d’intérêt en général. Si on peut comprendre d’ou vient cette idée lorsqu’elle est évoquée par des gamers passionnés d’e-sports dont -effectivement- les centres d’intérêt n’attirent pas vraiment les foules féminines, elle devient vraiment contestable lorsqu’on s’intéresse aux cultures de l’imaginaire. Je le proclame : OUI la fille-geek existe. Elle existe même par milliers et dans des sphères pas si éloignées des nôtres, encore faut-il savoir où chercher.
Mais cette frange de la population féminine qui se passionne pour la littérature de fantasy et de jeunesse, le thé aux saveurs improbables et le crochet est pourtant confrontée à une question existentielle de taille. Dans des univers largement fondés par des hommes, de JRR Tolkien à Robert E Howard, quelle place occupent les personnages féminins ?
Se pencher sur la condition féminine dans les mondes imaginaires fait prendre conscience d’une situation assez peu réjouissante. Malgré la diversité des personnages et des univers, certains clichés navrants ont la vie dure. Plus qu’une liste exhaustive et sans intérêt de tous les cas de figure, je vous propose aujourd’hui un petit tour d’horizon subjectif des figures récurrentes, avant d’ouvrir sur une note d’espoir dans ces univers de mâles.
Un milliard de potiches
Pendant bien longtemps, les histoires n’ont pas donné aux femmes beaucoup d’autres rôles que celui du trophée auxquels les exploits d’un héros couillu et brutal donnent un accès jugé légitime. Société patriarcale et conception du héros comme d’un individu forcément masculin obligent, la femme est soit carrément absente, soit anecdotique, soit l’objet de la quête du héros. On est alors dans le schéma hyper-classique du récit chevaleresque dans lequel le preux chevalier vient délivrer sa douce des griffes d’un ennemi quelconque. En triomphant de ses adversaires, il prouve sa valeur et gagne donc « logiquement » le coeur d’une princesse forcément reconnaissante et sensible à ses exploits guerriers. « Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. » Rideau.
Issu de la mythologie, entre autres du mythe de Siegfried popularisé par Richard Wagner, ce type d’histoires est le reflet d’une conception particulière du récit. Ce ne sont pas l’homme ou la femme qui importent, mais la quête et sa morale. Difficile de trouver des personnages plus creux que Siegfried ou Brünhilde, et là n’est pas la question. L’important est que lors de sa quête initiatique, le héros bouscule ciel et terre, affronte le dragon et les dieux pour conquérir l’amour et devenir un homme.
Le problème concernant la place de la femme vient en réalité du fait que de nombreux auteurs ont par la suite repris tel quel le schéma mythologique, en complexifiant le héros et la quête mais en continuant de traiter la femme comme une potiche au QI négatif. L’exemple le plus parlant est sans aucun doute celui des James-Bond-Girls au nom révélateur. Aussi mutines et indépendantes qu’elles semblent au départ, toutes les comparses féminines de l’agent du MI6 finissent invariablement dans son lit et consolident son image de tombeur. Encore une fois, la femme est le faire-valoir de l’homme qui corrobore par son attitude hostile au départ, l’image positive de ce dernier. Reprise et réutilisée à son tour, cette relation hostile-puis-amoureuse est devenue un cliché du cinéma hollywoodien dont les ersatz recouvrent des milliers de kilomètres de bobines. Le nombre des variantes a beau flirter avec des hauteurs himalayennes, l’image de la femme quand à elle reste au niveau des pâquerettes.
Avec leurs initiatrices et -surtout- leurs reprises innombrables, ces différentes représentations féminines sont en réalité la traduction dans la fiction de l’état d’esprit machiste de toute la société. Dans ces visions, l’influence patriarcale des différentes religions monothéistes n’est d’ailleurs jamais très loin. Influencée de toutes parts et ancrée dans une société androcentrique, la culture de l’imaginaire à donc simplement repris des codes propres à son environnement, renforçant de la même manière l’image détestable de la gente féminine et créant un bon milliard de potiches.
Dans les récits anciens, ont peut noter une exception intéressante qui donna lieu à toute une variante de la figure féminine dans la fiction. Cette exception, ce sont les Légendes Arthuriennes que j’aime tant par ailleurs. Les femmes dans la mythologie de la table ronde sont présentes sous trois apparences : la reine Guenièvre qui trompe Arthur avec Lancelot et provoque leur perte à tous les deux ; Viviane la Dame du Lac qui aide Merlin ; et Morgane la fée maléfique. Le personnage de Guenièvre, est une reprise assez évidente de la Bible, et de la perte de l’innocence d’Adam provoquée par Ève, allégorie chrétienne dont la morale est -en gros- que la femme provoque la perte de l’homme s’il l’écoute. Les secondes quand à elles sont sans doute à l’origine de la tradition des contes de fée, qui mettent en scène pléthore de sorcières maléfiques et de fées bienveillantes.
La bombasse d’action
Mais la figure féminine dans la fiction n’en est pas restée là, bien au contraire. Pour rompre avec la tradition de la femme potiche, les créateurs d’univers ont inventé de toutes pièces une figure hyper répandue depuis : la bombasse d’action, et sa variante plus classe la femme fatale. (Notez que le terme de « bombasse d’action » ne vient pas de moi, je l’emprunte aux confrères de geekophonie.) Bien loin de la princesse effarouchée, ces deux figures en sont les opposées tout aussi irréalistes et malheureusement tout aussi courantes dans la fiction.
S’inspirant en partie de figures mythiques comme celle de Jeanne d’Arc, la bombasse d’action est le personnage féminin dont le comportement supposé hyper viril (ou hyper bourrin, c’est un peu pareil) est associé à des attributs physiques féminins exacerbés et des tenues outrancières. Contrairement aux potiches, les bombes d’action et les femmes fatales ne craignent pas de s’exposer et se montrent en général glaciales, voire hostiles, avec les hommes, jusqu’à ce qu’un héros réussisse à percer leur armure par sa bogossitude, les transformant illico en potiche de base.
On ne compte plus les déclinaisons de ce concept de personnage si télégénique. De Leeloo Dallas (Multipass !) à Catwoman, de Trinity à Buffy Summers les petites tenues (ou intégrales en cuir), les gros calibres et les prises de ju-jitsu vont bon train. Pourtant, ce qui aurait pu passer pour une volonté de placer les femmes à l’égal des hommes dans les univers de fiction est un leurre. Inutile de faire un dessin si je vous dis que la bombasse d’action -et la femme fatale- sont avant tout des figures créées par les auteurs, dessinateurs et auteurs masculins pour un public majoritairement constitué de jeunes hommes. Le féminisme a bon dos.
Sans faire de généralité pour autant, je trouve que la récente controverse concernant l’article du magazine Joystick sur le dernier opus de Tomb Raider est assez révélatrice d’un état d’esprit misogyne trop souvent toléré par un entre-soi couillu désastreux. Pour faire court, le journaliste du magazine de jeux vidéo suscité se félicitait de voir Lara Croft, la bombasse d’action par excellence, maltraitée et humiliée dans ce nouveau jeu, avant de partir dans une quête de « rape & revenge ». Entre banalisation du viol et contentement pervers assumé de voir l’héroïne qui en avait émoustillé plus d’un en état de faiblesse à connotation sexuelle, on nage en plein délire misogyne. Et malheureusement, Lara n’y pourra rien changer car elle, son mini short et ses flingues ont justement été conçus pour remplir ce rôle.
En récupérant ces codes et en les caricaturant, certains films comme Kill Bill ou Sucker Punch détournent l’image de la bombasse d’action et l’utilisent au second degré. Malheureusement, si certains clament au message féministe de génie, ces films n’annoncent pas toujours assez clairement leurs intentions et n’ont sans doute pas été compris par tous de la même manière. L’image de la femme canon combattante en petite tenue est tellement rentrée dans les moeurs qu’elle en finirait presque par devenir la norme dans certaines réalisations, comme les shonen manga ou les films d’action.
Le sexe fort
Au milieu de ces marées nauséabondes, une amélioration de l’image de la femme a sans doute été inspirée de l’histoire, et de ses nombreuses femmes fortes réalistes sans armure-string-soutien-gorge ni substitut phallique de plusieurs quintaux. Cette génération de personnages féminins est enfin mise en valeur pour autre chose que ses vertus de future mère de famille ou que pour sa plastique en plastique. Qu’elle soit chef de guerre comme M la patronne de James Bond, diplomate musclée comme Padme Amidala ou princesse rebelle comme Eowyn du Rohan, la femme forte s’affirme toujours comme l’égale des hommes. Bien plus réaliste que la bombasse d’action, elle est très rarement sexualisée et ne se laisse jamais ni draguer, ni séduire par quelque bogoss que ce soit.
Pour autant, les attitudes de ces femmes fortes sont souvent empruntées à une image stéréotypée de la masculinité. En donnant des comportements, une autorité et un état d’esprit combatif supposés virils à des personnages féminins, les auteurs rendent ces dernières très semblables à leurs homonymes de l’autre sexe, gommant alors toute trace de féminité.
Or, la généralisation de cet égalitarisme mène parfois à un appauvrissement narratif dû à la suppression pure et simple de l’idée même de féminité dans le récit. De nombreux jeux vidéo et JdR, ainsi que quelques films ne font ainsi plus aucune différence entre les hommes et les femmes. Or, si un monde futuriste peut éventuellement justifier un tel état de fait (et encore faut-il le justifier), il devient vraiment irréaliste dans les univers médiévaux et anciens en général.
Le monde médiéval fantastique de Skyrim est un bon exemple d’univers dans lequel des femmes en armure de plates, générales dans l’armée ou membres du clergé ne choquent personne. Pourtant, on sait à quel point la période du moyen-âge, le milieu militaire, les clergés et les ordres religieux en général ne brillent pas par leur féminisme dans le monde réel. La cohérence avec un univers médiéval et la non-différenciation totale entre hommes et femmes est donc assez discutable.
Que des femmes fortes s’illustrent par un rôle inattendu et affirment une grande autorité ou une grande carrure, d’accord. Mais à l’heure ou les démocraties occidentales restent grêlées de traditions et d’états d’esprits patriarcaux, évacuer la question de la place des femmes par une égalité totale dans la fiction -et surtout la fiction historique- est tout simplement incohérent. Prendre en compte le patriarcat actuel, passé et même futur, c’est également se donner l’occasion de positionner ses personnages féminins mais aussi masculins par rapport à lui. Pour un univers réaliste, c’est indispensable.
La prise du pouvoir
L’exemple le plus parlant de l’utilisation d’un univers misogyne comme d’un ressors d’affirmation des personnages féminins est sans doute le conte chinois de Hua Mulan, popularisé par les studios Walt Disney. Aux prises avec la société très machiste de la Chine médiévale et promise à un mariage forcé traditionnel, Mulan quitte sa famille pour s’engager dans l’armée en se faisant passer pour un jeune homme. Elle n’agit pas comme un boeuf testostéroné pour trucider du hun, mais pour conquérir sa liberté d’agir par elle même, prouver sa valeur et protéger son vieux père d’une mort certaine.
Le récent film d’animation Rebelle, produit par les mêmes studios et réalisé par Pixar suit d’ailleurs la même idée générale. Ironie de l’histoire : Disney qui fut l’un des plus gros pourvoyeurs de potiches par le passé devient porteur d’un message féministe. Nouvelle époque, nouveau positionnement. Dommage que Rebelle soit aussi beau que creux.
Dans la fantasy plus adulte, on retrouve également ce genre de figures féminines fortes dans un univers qui ne leur est à priori pas acquis d’avance. Je pense notamment à Althéa Vestrit dans Les Aventuriers de la Mer de Robin Hobb, mais surtout à toute la saga du Trône de Fer de George RR Martin, et à la série télévisée qui en est l’adaptation et dont la popularité n’est plus à faire.
En effet, Le Trône de Fer possède une très belle galerie de personnages féminins passionnants. Dans sa recherche de cohérence et de réalisme, l’auteur créé un univers moyenâgeux et par définition extrêmement machiste auquel ses personnages appartiennent. Loin d’être effacées, les femmes de la saga se positionnent par rapport à leur milieu, selon leur tempérament et leurs objectifs propres. Cersei Lannister tire les ficelles du royaume dans l’ombre ; et à défaut de pouvoir régner elle-même, elle élève Joffrey pour le faire à sa place. Daenerys Targaryen est vendue à Khal Drogo par son frère et réussit à retourner la situation à son avantage en se montrant implacable pour reconquérir le trône de son père. Arya Stark refuse la vie de jeune fille modèle qui lui est promise, préfère s’exercer à l’épée et vivre sa vie par elle même, alors que sa soeur Sansa semble résignée à un sort très différent de ses rêves de jeune fille. Au final, les femmes du Trône de Fer sont parmi les plus intéressantes des fictions qu’il m’ait été donné de lire ou de voir à l’écran.
Dans un contexte différent, la saga Millénium de Stieg Larsson tire l’essentiel de son intérêt (et de son succès) du personnage de Lisbeth Salander. Ayant été très maltraitée par la vie, violée au début du premier tome, la hackeuse sociopathe conçoit sa vie comme une lutte en solitaire basée sur la loi du talion. Il en résulte une jeune femme écorchée vive, totalement imprévisible et excessivement attachante. Encore une fois, un personnage d’une profondeur et d’une originalité rare.
En mettant en scène des univers excessivement misogynes, loin de les défendre ou de diminuer leurs personnages féminins, ces auteurs leurs donnent un contexte réaliste idéal pour les affirmer et les sculpter en les confrontant à une adversité malheureusement réaliste. Pourtant, dire que cette dernière vision est minoritaire est un euphémisme. Par habitude, par facilité intellectuelle ou par manque de volonté de s’engager, les auteurs et créateurs de mondes imaginaires continuent de recourir à des poncifs aussi ridicules que dénués d’originalité. Peut-être faut-il y voir le signe que notre société n’est pas encore si prête que ça à accepter la moitié de ses membres comme l’égale de l’autre. Personnellement, je préfère y voir une marge de progression gigantesque au sein de laquelle de nombreuses histoires passionnantes restent à raconter. Et vous ?
~ Antoine St. Epondyle
Je trouve que l’utilisation de Skyrim comme exemple n’est pas très heureuse. Il y a certes des « problèmes » de place de la femme dans la société mais il ya aussi des dragons et de la magie, Si ce jeu se voulait une représentation du Moyen Age, sans doute ces éléments n’auraient pas été présent.
Pour moi là où Skyrim est pertinent c’est dans son inspiration plus nordique. Mais oui cela reste un jeu vidéo d’un moyen-âge magique, fantastique et fantasmé. Par contre le jeu regorge de messages féministes forts et jouer un personnage féminin est très intéressant aussi pour cette lecture.
Et en plus, dans Skyrim, on peut, homme ou femme, épouser qui on veut, homme ou femme. Si ce n’est pas être totalement libéré des problématiques sexistes / homophobes de notre société, je n’y comprends plus rien ;)
Je suis plutôt en phase avec votre article ^^.
Toutefois je ne vois pas rien à redire aux mondes, même med-fan, qui sortiraient du système patriarcal que nous connaissons. Je trouve plutôt ça positif au contraire, quand les femmes en question ont réellement le pouvoir (il y a beaucoup de faux, hélas, ou bien tout à coup la dame de transforme en conne parce que le monsieur pointe le bout de son zi… nez).
La fantasy ça n’est pas l’histoire. On peut imaginer mille et une raison qui auraient abouti à ce résultat, la première de toutes étant souvent l’existence de la magie. Qui est un pouvoir souvent immense, et qui touche indistinctement les hommes et les femmes.
De quoi bouleverser un système de valeur non ?
Sujet intéressant et plutôt bien traité de mon point de vue. Il se trouve qu’en tant qu’auteur d’heroic-fantasy, je suis de facto concerné par ce questionnement. Comme le souligne un « Odieux Connard » sur son blog j’entre dans la catégorie des « agnoslipe » (http://odieuxconnard.wordpress.com/2013/03/01/agnoslipe/), dit autrement, de ceux qui ne s’intéressent pas au contenu du slip de l’autre quand il émet des idées dans quelque domaine que ce soit. C’est une attitude qui se ressent dans ce que j’écris car sur un plan purement narratif, les questions de féminin/masculin ne sont pas abordées dans ma dernière oeuvre. C’est dommage, je suis souvent et même très largement inspiré par les sujets de société dans mes écrits, et je n’ai pas traité celui-là. Parce que cette question me met en boule. Mais ce n’est pas le sujet.
Ceci ne fait qu’introduire ma position vis-à-vis de ce qu’évoque ton sujet. Et je me place plutôt dans le camp d’un G.R.R.Martin que d’un Ian Flemming, à ceci près que je ne cherche pas à sublimer ou à mettre en valeur une quelconque idéologie vis-à-vis du rôle de la femme dans l’univers geek, je n’y ai tout simplement pas réfléchi, et ce même si le personnage principal de mon récit est une femme, l’absence de parité dans mon récit, le rôle donné à chacune d’elles, rien n’a pas été fait en me disant « tient, faut une femme pour faire telle ou telle chose dans mon histoire parce que les féministes vont me tomber dessus sinon ». Bref, aucune préméditation de ma part dans ce domaine, et je gage que je ne suis pas le seul écrivain dans ce cas.
Ce qui m’amène au point suivant. Certes, l’univers geek est d’essence masculine, mais je refuse de voir dans les création de cette culture une volonté systématique de combler des désirs machistes, ni de faire subir un jugement a posteriori de ce que cette culture a engendré et qui décoiffe les yeux et les oreilles de nos féministes modernes. Tout d’abord parce que, précisément, ce n’est pas eux qui ont imaginé cette culture, ni cette image historique et traditionnelle de la femme, et secundo parce qu’un auteur de fantasy quel qu’il soit n’est pas obligatoirement dominé par sa libido et que la conception d’une oeuvre ne repose ni sur ce critère ni sur la tendance sociale du moment… En tout cas pas en ce qui me concerne ;)
C’est sûr que nos débats sociaux actuels sur la parité, le mariage pour tous, etc. ont cette fâcheuse tendance à vouloir porter un regard sur tout. Mais le féminisme n’est jamais qu’un point de vue. Et je trouve que vouloir prôner l’égalité des sexes à tout prix jusque dans notre imaginaire est une connerie monumentale. Ce sont nos différences qui nous ont toujours mieux servies, de tout temps et pour toute chose. Je persiste donc dans cet agnosplipisme, jusque dans mes oeuvres, où la femme occupe tant son rôle de mère, que de femme d’action ou de médiatrice au besoin, ni trop vertueuse, ni trop pourrie, pas moins coupable ou responsable que les hommes. Une vision somme toute moderne et actuelle de notre société, avouons-le (même si elle n’est pas reconnue par tous). Rien d’insultant, rien de discriminatoire. Une vision qui me sied.
Dans l’ensemble, la littérature moderne, mais aussi les oeuvres cinématographiques, ont tendances à se chercher d’autres manières de l’exprimer. Il suffit de voir comment James Bond a évolué depuis que Daniel Craig l’incarne, c’est simplement hallucinant. On est à des kilomètres de cette image machiste qui suppurait des premiers films de la licence et ce même jusqu’aux derniers Pierce Brosnan. L’ennui avec des films comme Sucker Punch est que beaucoup veulent y voir un message alors qu’il n’y en a pas. C’est un pur et bête film d’action qui sublime la culture geek. Pourquoi vouloir l’interpréter ? Ce que tu évoques avec les bombasses d’action s’est forgé dans le comics et le manga principalement, son arrivée dans les Resident Evil et compagnie était logique du jour où on avait décidé d’adapter des héros de bandes dessinées ou de jeu vidéo sur grand écran (Lara Croft : Tomb Raider avec Angelina Joly, c’était quand même inévitable au bout d’un moment). Il n’y a de reproche à faire à tout ça que si ça a contribué à l’éducation d’une génération qui ne se reconnait plus que par ces codes, mais pour moi, ce n’est jamais qu’une transposition de ce qui existait déjà dans un format sur un autre, parfois plus mâture et plus aseptisé en même temps. La question était-elle au coeur des préoccupations de leurs auteurs ? Ça j’en doute. C’est toujours une question de public et de clientèle, donc de fric.
Je ne serai pas surpris que plus de 50% des féministes le soit devenu après une prise de conscience soudaine alors qu’ils ont vécu avec cette culture, en s’en abreuvant eux-même si ça se trouve, des années durant sans s’en rendre compte. L’effet de masse et l’impact que représente cette volonté de s’immiscer dans la culture pour tenter de véhiculer une image différente et fondatrice d’une nouvelle version de la femme dans la société de demain repose sur des idées creuses et vide de sens. C’est la négation d’une différence qui nous a toujours été salutaire jusqu’à ce jour. Je ne refuse pas le progrès ni là où ça peut nous conduire, mais je regrette que l’essence de ce que nous aimons, nous les geeks, soit touché aussi profondément par une idéologie infondée et aussi aveuglée.
Je pense néanmoins, à mon grand désarroi, que les personnages imaginaires féminins sont en bonnes voies pour prendre le pli et devenir le reflet sans nuance de la pensée féministe extrémiste. Et ça ne peut que faire empirer les choses.
C’est très agréable de lire cela quand on voit les autres manifestations qui parfois ont lieu à l’occasion de cette journée (offrir une fleur à toutes les nanas par exemple…)
Pour ce qui est de la critique concernant les univers médiévaux fantastiques, il est vrai que le but n’est pas de coller à la réalité cependant je trouve le TGCM – Ta Gueule C’est Magique – un peu trop facile, mais pourquoi pas… ?
Le fait que les femmes perdent leur caractéristiques « féminines » lorsqu’elles sont mises en avant est néanmoins gênant car il amène à confondre « inégalités » et « différences ». Les beaux slogans sont plutôt pour l’égalité dans la différence. Occulter totalement les différences femmes/hommes n’est donc pas vraiment positif, c’est du neutre assez facile mais mieux que rien tout de même !
Le problème c’est que bien souvent la majorité des personnes ne se rendent absolument pas compte des stéréotypes qui sont véhiculés et les assimilent gentiment, d’où, d’après moi, l’intérêt d’un tel article.
@Zarcania & Bruine > Effectivement, dans un univers de fantasy on peut imaginer que le système de valeurs change pas mal. Ceci dit la plupart des univers reprennent l’essentiel de la structure féodale plus ou moins réaliste du moyen-âge. Je n’ai rien contre l’égalité, encore faut-il que ce ne soit pas le seul élément qui change au risque d’être incohérent.
Bouleverser le système de valeurs ? Oui, mais totalement alors. :)
@L’Ours > Je suis d’accord sur l’idée que la plupart du temps les auteurs ne se posent pas la question en ces termes. Comme tu dis, la société fait la fiction et pas l’inverse. Et c’est donc par l’influence de la société que les auteurs en reviennent souvent à des poncifs sexistes. De même, je me doute que les auteurs n’écrivent pas en calculant le risque d’être accusés de sexisme.
En effet le propos dans la littérature SFFF est rarement porté sur le féminisme. Comme tu le dis c’est un point de vue (un combat ?) parmi d’autres. Et effectivement l’idée de porter une exigence d’égalité dans l’imaginaire, c’est très con et ça saborde la cohérence dudit imaginaire. C’est ce que je dis en substance dans l’article, d’ailleurs.
Je pense comme toi que la fiction suit en gros la même évolution que la société. Et la vision de la femme avec elle. Si le propos se porte sur le versant extrémiste c’est aussi que d’une certaines manière, la fiction à besoin de personnalité fortes et de discours relativement simples à comprendre. C’est dommage, mais en même temps c’est ce que la société reconnait aussi de manière générale. Il suffit de voir le succès des Femen pour s’en convaincre, a mon avis.
@BloodyMerry > Merci de ton commentaire. Je suis d’accord avec le fait que confondre inégalités et différence est dangereux, et appauvrissant dans un cadre narratif. Et je crois aussi, que le TGCM est un peu facile.
Merci à vous tous !
Le TGCM est malheureusement très souvent employé par les auteurs à la petite semaine. Je suis peut-être un auteur à la petite semaine, mais je ne mange pas de ce pain là ! :P
C’est tout aussi bien, car il est trèèès indigeste.
En fait l’appauvrissement du catalogue publié par les éditeurs est pas mal responsable de l’appauvrissement de la vision de la femme en SFFF. Tiens un autre exemple, les genres. Hé bien d’excellents romans sur ce thème en SF ne sont tout simplement plus édités. Comme « l’autre moitié de l’homme » (the female man) de Joanna Russ. C’est tragique.
Comme je te le disais sur Facebook l’autre jour, tu me l’apprends. Je ne m’y connais pas vraiment en pulp et SF old-school, toujours est-il qu’à mon avis le sexisme de la fiction est révélateur de celui de toute la société dans laquelle il s’inscrit. Un peux comme le racisme dans Tintin, c’est aussi un reflet d’une mentalité d’une époque.
Je sais qu’en fantasy ou en manga par exemple, les femmes sont plutôt bien représentées. Y-a-t-il des auteurs féminins de SF old-school ?
Kate Wilhelm est une super romancière de SF !
Merci pour cet article qui fait plaisir. Des hommes qui parlent de féminisme, c’est toujours plaisant, parce que ça montre bien qu’il ne s’agit pas que d’un problème de femmes mais de société à part entière. Décidément, la lecture de tes articles ne cessera de me surprendre agréablement !
Bon, j’ai un peu de temps pour la correction, hop hop :
« ces deux figures en sont les opposés tout aussi irréalistes et malheureusement tout aussi courante » les opposées ? couranteS
« sans armure-string-soutien-gorge ni substitut phalliques » substituts phalliques ou substitut phallique
« Or, la généralisation de cet égalitarisme mène parfois à un appauvrissement narratif due à la suppression » du (et là je ne sais jamais s’il faut un circonflexe sur le « u » ou pas)
» Pourtant, on sait à quel point la période du moyen-âge, le milieu militaire, les clergés et les ordres religieux en général ne brillent pas par leur féminisme dans le monde réel. La cohérence avec un univers médiéval et la non-différenciation totale entre hommes et femmes est donc assez discutable. »
A ce sujet, certaines périodes du Moyen-Âges auraient été beaucoup plus évoluées au niveau de la situation des femmes qu’on ne l’imagine. Je conseillerais bien « La Femme au Temps des Cathédrales » de Régine Pernoud, par exemple.
Salut Aka, et merci pour ton enthousiasme ! Oui la question de l’égalité femme/homme n’est pas un problème de fille, c’est une question de principe. Et d’ailleurs, je me dis qu’un article sur la place de l’Hômme dans la culture SFFF donnerait aussi pas mal de grain à moudre. ;)
> Merci pour les corrections ! j’ai honte. J’ai tout corrigé.
> Et merci pour les références, je note, je note. :)
A bientôt !
A titre personnel, j’avoue que j’ai tendance à accepter les travers de la littérature « old school » comme appartenant à son temps, tout en appréciant cependant l’évolution qui a eu lieu en la matière dès la fin des années 60.
Et justement, à ce sujet, je voudrais quand même souligner l’importance de la littérature féminine/féministe de fantasy et SF des années 70-90, qui tenait le haut du pavé avec des autrices tels que Marion Zimmer Bradley (dès la fin des années 60) et celles dont elle a été le mentor, comme Mercedes Lackey, Jennifer Roberson et bien d’autres (en particulier à travers les anthologies Sword and Sorceress)… Avec des récits ouvertement féministes, qui présentaient même parfois des sociétés matriarcales crédibles, elles ont largement influencé le genre et même nombre d’auteurs masculins, finalement. Souvent en bien (en replaçant l’élément féminin aussi bien dans le milieu des écrivains qu’au cœur du récit et en osant une approche plus sensible), mais parfois de façon plus ambiguë (en généralisant le thème « rape and revenge » comme facteur d’émancipation des femmes ou en tenant un discours parfois caricatural).
Je me souviens avoir été touchée par l’approche « humaniste » de Jennifer Roberson dans Sword-Dancer (1986) où elle montrait un couple de guerriers dominer leurs préjugés respectifs autour de la maxime suivante : « sexism is a sword that cuts both way » (le sexisme est une lame à double tranchant).
En règle générale, ces années-là ont vu l’arrivée une foule d’auteurs féminins, surtout en fantasy mais aussi en SF, qui amenaient des perspectives et es approches bien à elles. :)
Mais force est de constater que si dans le domaine anglo-saxon, il s’agissait de best-sellers du genre et un véritable mouvement littéraire, ces ouvrages n’ont été que timidement diffusés en France par Presse Pocket avec des adaptations (« traductions » est un mot trop gentil) d’une qualité discutable. Amazon n’existait pas, il fallait fréquenter les librairies anglo-saxonnes et se tenir au courant de l’actualité littéraire américaines et britannique pour en avoir pleinement conscience.
Cela dit, je n’apprécie pas la littérature trop ouvertement militante, je préfère les approches plus subtiles (c’est finalement ce qui m’a un peu détournée de celle dont je parle ci-dessus). Mais je suis surprise du nombre de passionné(e)s actuel(le)s qui ne savent même pas que cette littérature a existé… Alors qu’elle est une part intégrante de la culture « SFFF » de la génération plus âgée dont je fais partie et sans doute de beaucoup d’auteurs à succès actuellement, femmes et hommes.
Sinon, en auteur féminins « old school », je peux citer Leigh Brackett et C.L. Moore, dont j’adore les œuvres. Hélas pour elle, C.L. Moore est restée essentiellement dans l’ombre de son mari Henry Kuttner (ils écrivaient à deux mains). Leight Brackett, l’épouse d’Edmond Hamilton et l’assistante de Ray Bradbury, a eu plus de chance ; autrice de séries Planet opera à succès, elle était par ailleurs connue comme scénariste à Hollywood (elle a notamment travaillé, à la fin de vie, sur l’Empire Contre-attaque).Ne pas oublier non plus Andre Norton, avec son oeuvre très diverse, entre Fantasy et SF. Comme elle a publié très tard, on a tendance à la croire plus « récente », alors qu’elle est de la même génération que ses consœurs. :)
Enfin, je confirme les références d’Aka sur la position de la femme au Moyen-Age. ;)