Les Ombres de Wielstadt | Pierre Pevel

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La belle couverture des éditions Fleuve Noir.

[Telle une gigantesque gargouille d’onyx dominant le vide et la nuit, le dragon veille.]

L’amie Marmotte est de bons conseils sur la chose littéraire. Après m’avoir fait découvrir plusieurs excellents bouquins, elle me dirigea vers La Trilogie Wielstadt de l’auteur français Pierre Pevel, lauréat du Grand Prix de l’Imaginaire en 2002. C’est donc avec mon temps de latence habituel mais néanmoins beaucoup d’intérêt que je plongeais récemment dans le premier volume, Les Ombres de Wielstadt.

Inspiré de la mythologie et de la fantasy classique, Les Ombres de Wielstadt est un récit à la fois historique et policier. En s’appuyant sur l’Histoire, Pierre Pevel développe un univers riche de « fantasy Renaissance » et se plaît à nous le faire découvrir. Sans alourdir le récit, il renseigne le lecteur sur les mœurs du XVIIe siècle, et utilise le vocabulaire de l’époque pour nous immerger complètement.

Bon exemple de fantasy historique, le roman situe son action au coeur du Saint Empire Romain Germanique, dans la ville fictive de Wielstadt. En l’an de Dieu 1620, la Guerre de Trente Ans commence à ensanglanter l’Europe, mais sans inquiéter la cité. En effet le dernier des grands dragons d’Occident veille sur elle depuis toujours, la protégeant des inquiétudes guerrières, sans que quiconque sache pourquoi. Catholiques et protestants y vivent donc en paix, le commerce fleurit, faisant de Wielstadt une ville à part sous l’ombre protectrice du dragon.

Ancien inquisiteur, le chevalier Kantz est chasseur de démons. Craint par les hommes qui ne comprennent pas son commerce avec les entités malignes, il ne cherche pourtant qu’à les détruire. Autrefois prêtre, il est aujourd’hui un gentilhomme ténébreux au passé obscur ; un peu cliché mais plus profond qu’il n’y paraît. Ce héros part sur la piste de plusieurs crimes sanglants perpétrés en ville, vraisemblablement par des goules. Pendant son enquête il croisera la route de diverses créatures mythiques, de sbires des ombres et bien-sûr du dragon qui veille sur la ville.

Le cadre est posé, et dans une ville prospère de la Renaissance allemande se tisse une intrigue sombre et complexe, que l’on découvrira peu à peu aux côtés des personnages. Très bien documenté sans jamais être lourd, le roman sait tisser une toile riche et passionnante de la vie au XVIIe siècle, tout en doublant ce tableau d’une vraie enquête menée par le chevalier. Malgré ces qualités évidentes, j’ai quand même un peu regretté certaines péripéties trop cinématographiques, empruntées au registre des clichés hollywoodiens. Certaines scènes rappellent un peu trop clairement des scènes de films de cape et d’épée, visuelles mais pas très efficaces sur le plan littéraire (surtout lorsqu’elles ne sont pas originales). C’est d’autant plus dommage que Pierre Pevel est visiblement un vrai bon écrivain, comme le prouvent certains passages extrêmement bien écrits (le prologue) ! Même reproche pour les personnages, dont certains ne sont vraiment pas très originaux de prime abord. Heureusement, s’ils semblent assez cliché au départ, Kantz sombre et mystérieux, Feodor débile au grand coeur, Chandelle mignonne et taquine… la suite de l’histoire apporte des éléments supplémentaires pour développer leurs personnalités.

On devine alors en Pierre Pevel l’auteur de jeux de rôles qu’il fut avant d’être auteur de romans. Or si les clichés se prêtent bien à la narration partagée du JdR qui se doit d’être bien comprise par tous les joueurs, il en va différemment du roman dont l’auteur y est seul maître. Sans doute faut-il voir dans ces petites erreurs les maladresses pardonnables d’un premier roman. Mais voici que je risque de ternir un tableau qui ne le mérite pas. Car malgré ces reproches, Les Ombres de Wielstadt reste un excellent roman de fantasy à la française. En empruntant l’essentiel de son contexte à la réalité historique, il se dote d’un vrai fond cohérent et très riche, qui rappellera autant Jean-Philippe Jaworski dans Gagner la Guerre qu’Alexandre Dumas auquel il ne se cache pas de rendre un hommage appuyé. Moi qui ai un peu de mal avec les univers trop riches de faunes, de fées et de dragons, j’ai beaucoup aimé cette histoire, son rythme impeccable et ses nombreuses très bonnes idées. Non seulement j’ai déjà commencé le deuxième tome de la trilogie, mais je lirai ensuite Les Lames du cardinal, autre série populaire du même auteur. Bref, La Trilogie de Wielstadt est une lecture que je recommande à tous les amateurs de fantasy -et d’histoire- en quête d’aventure.

-Saint Epondyle-

Le chevalier Kantz – fan-art par Jonathan Harker sur outremonde.fr

6 Commentaires

  1. J’ai lu la trilogie après avoir lu ton article.
    Et j’ai été très franchement déçu.
    Autant j’ai trouvé l’intrigue sympa, autant je n’ai absolument pas accroché avec le style de Pierre Pevel.
    J’ai trouvé qu’au contraire la manière dont il distille ses informations alourdissent voire même coupent complétement le récit (par exemple: la description du code Vigenère), qu’en plus de cela, il décrit plusieurs fois la même chose (par exemple: la description du mécanisme du pistolet à rouet) et va même jusqu’à décrire plusieurs fois en terme similaire le héros et les personnages principaux récurrents dans les 3 livres.
    Et pour finir quand il conclut sa trilogie par un épilogue semblable mot pour mot au prologue (excepté la dernière phrase), avec visiblement la volonté de faire une figure de style, cela aurait pu marcher si il n’y avait pas les antécédents décrits ci-dessus. Bref j’ai bondi au plafond.

    J’ai pu écouter Pierre Pevel lors d’un cycle de conférences à Nice récemment et avant de lire sa trilogie.
    J’ai vraiment accroché avec son discours et sa manière de voir les choses, j’ai failli acheter les lames du cardinal dans la foulée avant qu’une petite voix me dise « lis d’abord la première trilogie, on verra ensuite » et bien finalement je ne pense pas lire un jour sa seconde trilogie.

    Pour moi, un auteur à milles lieues de Jean-Philippe Jaworski avec qui tu le compares.

    • Je les compare mais effectivement, je ne mets par Pevel et Jaworski au même niveau. L’écriture du premier est plus divertissante, sans doute aussi documentée mais plus légère dans le style et l’intrigue. C’est vrai aussi, le côté un peu « cinématographique » de Pevel flirte souvent avec du cliché ou une facilité narrative. Il n’empêche que j’ai lu la Trilogie Wielstadt avec intérêt, c’est moins lourd que beaucoup de mes autres lectures et ça fait du bien.
      De là à lire Les Lames, nous verrons. Mais pourquoi pas. :)

      Merci d’avoir partagé ton avis en tous cas !

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