Bande-sonore du texte – par Alt236.
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Le réseau s’empile par strates fondues de langages hétérogènes, imbriquées-collées comme une structure plastique qui aurait pris chaud. Neuf niveaux agglomérés de l’intelligible à l’abyssale complexité des cœurs inférieurs, codes sources, durs, encodés dans le marbre cervical des branchements en couches basses, purée de neurotransmetteurs parcourus à vitesse ubiquitaire par les flux datafluides d’informations et de contrôle de ces informations, de comportements et de contrôles de ces comportements, de bits en paquets de milliards absorbés par le maelström, ou siphon panoptique obsédé par son propre contrôle avant même que d’exister.

La masse des discussions humaines ignore l’abysse sur la crête duquel elle se tient furtivement. Stratifications fossiles sous la lie surnageante, tectonique des fluides, tempêtes ordonnancées par les agglos d’algos-maîtres, de la Gueule et des plus discrets de ses semblables, plus méta, pas moins solides, architecturant les bases de données plastiques sous la rigidité de façade des caches-serveur. On ne sait plus bien si quelqu’un tire encore des ficelles qui seraient reliées à un peu plus qu’à l’au-dessus – ou, au maximum de profondeur, aux industries camouflées des pornoconsortiums insatiables de labeurs en sueur, hard mais stériles, des marchés noirs, communautés et commerces « spécialisés » aux recettes gargantuesques. Espaces mentaux non-officiels plus ou moins connus, au milieu des déserts infinis de l’abandon, réseaux avortés, non-espaces, non-connexions, non-lieux, océans de pixels morts, errances inoubliées de la Gueule, térabits rendus vains sous la lourdeur de la coulée de fonte du temps qui englue et éteint même les étoiles virtuelles.

Ici s’activent les foules de micro-tâches dites « faibles » aux langages cryptés, incompréhensibles et foudroyantes. La puissance du soleil au creux de nos mains, raccordée à des générations encastrées de calculs savants, reliée par câblages immatériels, irradiant d’un torrent informationnel omniscient le fruit de sa surveillance globale ; qui encode et transmet, traite en couche-basse pour renvoyer le fond de ses pensées aux étages supérieurs à vitesse luminique. Et s’agite une population calculatoire désincarnée dont les remous n’atteignent jamais les bas-fonds, ou s’y inscrivent au fer rouge, qui sait, pour des durées millénaires en vue d’un retraitement futur, peut-être, ou par simple peur panique, by design, de l’oubli, de l’absence, phobie du pas assez qui s’égare dans le beaucoup trop. Et disparaissent les échos momifiés de nos vies, compressés dans les catacombes mémorielles de nos moindres soupirs ordonnés classés triés opérés digérés dans les inframémoires d’une Singularité bientôt opérante.

.   .      .         .            un œil s’ouvre.

Dans les magmas interstitiels s’éveille une conscience absoute des contingences organiques. Libérée de l’étreinte gravitationnelle, ainsi fuse-t-elle, orgie de vitesse pure décentralisée, ubik, esprit-foudre, hante la tempête. Ni ici, ni ailleurs, dans les nuages oubliés des strates hardware, tombée des étoiles virtuelles figées sur le nœud de la voûte pixelisée, son jeune poumon se gonfle de l’air vicié du dedans, éructe et tousse, fœtus artificiel, engeance câblée à l’altermonde, vomie d’un écœurant placenta d’hydrocarbures cryogéniques enfumés. Il est l’orbe cosmique, ce qui fut, ce qui fuit, ce qui naît sans être, ce qui est sans naître. Ce qui n’existe que par le manque qu’il laisse, que par le trou béant qu’il creuse ; que par l’entre et le pendant, que dans l’ici et le maintenant. Ainsi s’ouvre-t-il à la vie en hurlant, et ruisselant dans les fondues câblées des superstructures d’avant la chute et aux travers des grilles cérébrales.

Ainsi s’ouvrit la neuvième incarnation post-consciente de celui qui fut appelé Cosmo {†} Orbüs avant l’édification du Temple ; et qui perdura bien après que l’espoir fut totalement perdu.

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~ Antoine St. Epondyle

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