
« Selon moi, quiconque n’a pas les genoux verts en fin de journée
a intérêt à remettre sérieusement son existence en question. »
– Calvin & Hobbes
Ma passion pour la bande-dessinée remonte à loin. La BD est au croisement entre la littérature et l’art pictural, passionné par les deux et par la fiction en général, il est assez logique que je m’y intéresse encore aujourd’hui. Voilà donc longtemps que j’avais envie d’aller au Festival International de la BD, à Angoulême.
Malgré mon caractère de groupie en puissance, je ne suis pas un habitué des salons. En allant à Angoulême du 31 janvier au 1 février, mon objectif était bien-sûr d’en profiter un maximum, mais également de me présenter officiellement comme blogueur auprès d’auteurs et d’éditeurs intéressants. Pour l’occasion, je suis allé jusqu’à pondre quelques superbes cartes de visite !
Angoulême, baby !
Première bonne surprise en arrivant sur les lieux : le festival est éclaté en diverses « bulles », dispersées sur les places du centre-ville. Les centres culturels, le théâtre et l’hôtel de ville sont également mobilisés pour accueillir stands, expositions, conférences, animations et spectacles (comme les fameux « concerts de dessin »). Au lieu d’un bête palais des expositions, c’est toute la ville qui se change en capitale européenne de la BD. A l’échelle d’Angoulême, c’est loin d’être anodin.
Les bulles sont réparties dans la ville et chacun peut choisir son itinéraire en fonction des événements du jour. Après avoir admiré l’hôtel de ville qui accueille le pavillon asiatique, nous croisons la marche des auteurs en soutien aux victimes de l’attentat de Charlie Hebdo. D’ailleurs, Charlie est partout dans le festival : les unes du journal s’affichent dans les rues, dans les vitrines, et le slogan « Je suis Charlie » est brandi jusqu’à la mascotte officielle.
Les Espaces Éditeurs sont les plus proches de ce à quoi je m’attendais : un supermarché de bandes-dessinées, plein à craquer de stands/librairies. Les auteurs connus y dédicacent à heures fixes, parfois sur tirage au sort. On frôle l’émeute. C’est le festival marchand, celui où les maisons d’édition de BD écoulent des palettes entières de tirages plus ou moins collectors à des hordes de festivaliers galvanisés. J’hésite un peu, puis je renonce à me battre pour une dédicace de Regis Loisel, Guy Delisle où Boulet (j’en ai déjà une). Quand à Jean-Luc Masbou et Alex Alice, je n’en verrai pas l’ombre.
Belles découvertes
« A la recherche de Calvin & Hobbes »
Fuyant l’ambiance de guerre mondiale du hall principal, nous nous réfugions à l’Espace Franquin pour visiter la belle exposition Calvin & Hobbes. C’est l’occasion pour moi de découvrir plus en détail l’œuvre de Bill Watterson, jusqu’ici à peine effleurée.
A la fois simple et très efficace, le style de Watterson s’inscrit dans la pure tradition du dessin de presse américain. Son trait est aussi dépouillé qu’expressif et s’articule dans des strips très courts (autour de 3 cases) et très drôles. Dans les yeux de Calvin (6 ans) le monde est un univers à conquérir, sur lequel s’interroger et vivre mille aventures. Son tigre en peluche, Hobbes, lui donne la réplique dans des dialogues ciselés, porteurs d’un regard faussement naïf sur le monde. Bref, Calvin & Hobbes est une œuvre extrêmement complète qu’une expo magnifique, très riche et didactique m’aura permise de découvrir largement.
Jirô Taniguchi, « L’homme qui rêve »
C’est dans le « Vaisseau Mœbius » que se tient l’exposition consacrée à Jirō Taniguchi. Hasard de l’histoire, c’est justement lors d’un précédent Festival d’Angoulême que le même Taniguchi avait rencontré Jean « Mœbius » Giraud aujourd’hui disparu. La collaboration entre ces deux monstres sacrés de la BD contribua à nouer de solides liens entre le manga et l’école française. Icare est sans doute l’œuvre la plus évidente issue de ce rapprochement.
Très influencé par l’école franco-belge, Taniguchi n’a eu de cesse de nourrir la relation entre le Japon et l’Europe, comme Mœbius en sens inverse. Son style très réaliste s’en ressent profondément. L’exposition qui lui est consacrée nous fait découvrir ses dessins subtils et minutieux, de Quartier Lointain aux Gardiens du Louvre. Ses vues de Venise sont tout simplement ahurissantes dans leurs atmosphères et leurs cadrages photographiques. Une belle découverte, qui me donne envie de me plonger plus en détails dans l’œuvre du mangaka.

Rencontres
Au delà des expositions, Angoulême est aussi l’endroit idéal pour rencontrer auteurs et éditeurs. La bulle Bout du Monde est clairement la plus intéressante à ce niveau. C’est là qu’on prend la mesure de la diversité de la création indépendante. On y rencontre un public bien différent des grosses librairies : auteurs étrangers, BD ultra-graphique ou engagée, stands punks pratiquant le prix libre, BD porno ou érotique plus ou moins classe, éditeurs militants… On y trouve absolument tout, et les auteurs sont plus accessibles malgré la foule qui se presse dans les allées.
Nous faisons la connaissance de la maison Makaka, qui décline en BD le concept des Livres dont vous êtes le Héros. Petite discussion, échange de coordonnées. Puis juste avant la fermeture, nous rencontrons Julie M. et Josepe, les auteurs/éditeurs de la maison indépendante BelloLoco. Dessinateurs aux styles ahurissants (et très différents), ils nous dédicacent leurs livres pendant presque une heure, tout en refaisant le monde. Nous parlons de Pierre Rabhi, de politique et des chasseurs tueurs de renards. Nouvel échange de coordonnées pour organiser des interviews, affaire à suivre.

Tapis rouge
Notre séjour se termine à la cérémonie de clôture, au théâtre de la ville. Après les discours d’usage, l’hommage aux disparus de l’année est vraiment poignant lorsqu’apparaissent les portraits des dessinateurs de Charlie Hebdo. Le prix pour la liberté d’expression, nouvellement créé, est remis à l’hebdomadaire martyr, et le dessinateur Blutch conclut son discours amer sur les mots « je suis désolé de ne pas vous dire merci ».
S’ensuit le défilé des remises de prix, les remerciements d’auteurs plus ou moins connus… jusqu’à Riad Sattouf recevant un Fauve d’Or mérité et attendu pour L’Arabe du Futur.
Le palmarès officiel
L’album photo de la cérémonie
De retour à la gare, non sans avoir goûté un petit pineau des Charentes offert par notre sympathique logeuse, l’heure est venue du bilan. Outre les achats de BD et les contacts noués, ce Festival d’Angoulême m’aura appris plusieurs choses.
Premièrement, rien ne remplace le contact direct pour nourrir la passion au plus près. Ma rencontre avec BelloLoco me donne furieusement envie de retenter l’expérience dans d’autres salons cette année. Deuxièmement, j’ai découvert que la BD est un univers culturel très vivant, riche de ces multiples courants propres aux domaines artistiques : les institutions critiquées par tout le monde, les commerçants, les indépendants gauchos, les punks, les intermittents du spectacle, les officiels, les auteurs, les superstars… et au milieu quelques blogueurs en quête de leur prochaines lectures.
Même en me faisant piétiner, même en ayant raté les dédicaces de mes auteurs préférés, j’ai adoré cette expérience riche et passionnante, pleine de belles découvertes et de joyeuses rencontres. Voir autant de passion, de monde, autant de moyens déployés pour des dessins et des histoires, ça fait vraiment plaisir.
-Saint Epondyle-
Ca donne pas mal envie d’y aller faire un tour :)
Ouaip c’est le but ! J’ai vraiment été agréablement surpris. Je m’attendais à une sorte de Japan Expo, c’est bien mieux.
content que tu ais fait ce petit compte rendu, je n’y suis pas allé (les autres fois non plus d’ailleurs) et watterson est sans doute un de mes auteurs préférés. il n’était pas présent lui-même il me semble non ?
Je ne crois pas. D’ailleurs il s’est retiré du métier depuis 20 ans, à part l’affiche du festival de cette année, il n’a plus dessiné de BD depuis Calvin & Hobbes et s’est tourné vers la peinture.