Perdre sa vie à la gagner

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[Comment, pour tout dire, ne pas douter d’une civilisation qui a fait de la cravate
le nœud coulant symbolique de la strangulation quotidienne ?
– Pierre Rabhi, Vers la sobriété heureuse]

Un soleil d’été resplendit dehors.

J’ai passé presque un tiers de mon espérance de vie à faire de bonnes études. Dans l’usine à diplômes, j’ai été formé, formaté, comme une machine à bosser compétente et productive, un maillon supraconducteur de la chaîne économique. J’ai toujours suivi le chemin de la raison, laissant derrière moi quelques velléités créatives au profit d’un parcours plus sécurisant. Aujourd’hui, je suis presque arrivé. Mais où ? Je suis capable de m’adapter à de nombreux environnements de travail, m’y faire une place, et je saurai me battre pour la défendre le cas échéant. Les mots employés sont adaptabilité, mobilité, performance, compétition. On pourrait aussi dire exploitation, formatage, aliénation.

J’ai beau pouvoir prétendre à un bon salaire pour bien « gagner ma vie », je n’arrive pas à m’y faire. Car pour « réussir » je devrai passer toutes mes journées, ou pas loin, de 9h00 à 19h dans un bureau. Oh, bien sûr on m’allouera quelques semaines de congé chaque année, et deux jours de week-end par semaine. Pas par charité, rien n’est gratuit de nos jours. Ces vacances sont le niveau optimal de temps libre permettant de minimiser la grogne tout en maintenant les employés au plus haut niveau de productivité le reste du temps.

Comment comprendre ce culte du travail ? Comment trouver normal que des millions de gens s’entassent chaque jour pour aller au charbon, faire des métiers la plupart du temps inutiles à la collectivité mais destinés à alimenter artificiellement la guerre économique ? Et comment justifier de mettre au rebut ceux qui n’ont pas d’emploi comme si le but de l’existence était d’être employé c’est à dire utilisé ? Au contraire, la diminution de la quantité globale de travail nécessaire devrait être vue comme un succès de la civilisation !

Serait-ce une survivance de la morale chrétienne et de sa glorification du sacrifice ? Depuis le mythe d’Adam et Ève condamnés à souffrir par le travail pour mériter de vivre, nous considérons que la jouissance sans frais est inconcevable, scandaleuse, immorale. Pour mériter de vivre, nous devons devenir martyr sur l’autel du Dieu Pognon, et nous soumettre à la routine du métro-boulot-dodo comme à autant de crucifixions.

Notez que je n’en veux pas aux patrons, tout autant aliénés que les autres quoique plus enviables dans cette aliénation. Je n’en veux pas non plus à mon job actuel. L’ambiance y est bonne, les gens très sympa et la mission est même intéressante. Pourtant, je mets l’essentiel de mon énergie et de mon temps de vie au service d’autres projets que les miens. Et pourquoi ? Pour de l’argent.

Il parait que nous sommes libres.

La vie est un mystère. Mais même si je ne sais pas ce que je souhaite faire de la mienne, je sais de mieux en mieux ce que je ne veux pas en faire. Travailler pour autrui, n’est-ce pas une façon de passer à côté de sa vie ?

Autour de moi tout le monde semble s’accommoder de cette situation. Nous sommes formés à penser que ce mode d’organisation est le seul valable. Par peur sans doute, mais aussi par inertie et manque d’idée alternative, peu nombreux sont ceux qui interrogent réellement le bien-fondé de la civilisation économiste. A croire que la majorité accepte d’être sur Terre pour remplir de petites cases de tableur et réaliser de pauvres présentations Powerpoint pendant toutes les plus belles heures des plus beaux jours des plus belles années de leur vie. Et une fois la « ressource humaine » exploitée jusqu’à épuisement, elle est autorisée à prendre quelques années d’agonie avant l’incinérateur.

On nous dit que nous sommes libres. Mais se lever chaque jour à heure fixe pour se rendre au boulot, se soumettre à des règles coercitives et des objectifs de rentabilité huit heures par jour, habiter à proximité de son travail en s’exilant de ses racines -parfois très loin- et ne dédier à ses propres projets, la culture, l’écriture, la création, que quelques heures arrachées par-ci par-là à une routine exténuante ; je n’appelle pas cela la liberté.

Je suis de moins en moins capable d’accepter cette soumission, de ne vivre pour moi que les soirs et week-ends, de délaisser mes parents et mes amis en m’exilant sur les terres de l’embauche. Qu’est-ce que réussir sa vie sinon tenter d’accomplir les choix qui contribuent à faire de nous de meilleurs êtres humains ? Et a quoi bon vivre si ce n’est pour dédier l’ensemble de nos forces, de notre volonté et de notre courage à l’accomplissement de ses choix ? Le travail pour le travail n’a aucun sens. Il devrait mener quelque-part, pas alimenter artificiellement une machine à croissance de plus en plus grippée au détriment de nos vies, sous la prise d’otage des factures à payer.

Dorénavant, le but de ma vie sera de trouver une échappatoire. Pas un palliatif, pas un compromis, une vraie alternative. Je ne sais pas si j’y arriverai. Le doute est ma seule certitude. Le poids de l’éducation, des habitudes et de notre civilisation est si fort. J’espère ne pas renoncer. Me voici aujourd’hui à un tournant de mon existence terrestre et, pour la première fois, je voudrais écouter cette intuition fondamentale. La vie sera plus belle sans chaînes à nos chevilles. Mieux vaut mourir debout que vivre à genoux.

-Saint Epondyle-
Joyeuse fête du travail.

Auteur et journaliste SF, fondateur de Cosmo Orbüs

Fondateur de Cosmo Orbüs depuis 2010, auteur de L’étoffe dont sont tissés les vents en 2019, co-auteur de Planète B sur Blast depuis 2022 et de Futurs No Future à paraitre en 2025.

24 Commentaires

  1. Je doute que j’aurai su mieux exprimer ce qui me caractérise depuis plusieurs années déjà. Au risque de te décourager, cela fait environ 10 ans que j’y travaille sans succès. Oh, soyons honnête, je n’y travaille pas chaque jour, et arrive à passer plusieurs journées sans y penser. Quand la cage est dorée, on peut aisément s’y oublier. Mais en tout cas, cela fait déjà 10 ans que j’ai renoncé à toute forme de progression sociale dans le milieu professionnel. J’ai donc ouvertement et clairement dit « non » à ceux qui auraient voulu me faire gravir les échelons. Mais vivre par ce que j’aime n’est pas encore à ma portée pour autant. Et même si c’était le cas, je serai encore si dépendant du système que ça ne durerait qu’un temps. Il n’est pas du tout évident de reconsidérer ce qui fait son existence. Autant lorsqu’on n’a pas le choix, on voit très vite à quels sacrifices on est confronté, mais quand on l’a, ce n’est pas pareil.

  2. « Et qu’on ne me parle pas, après cela, du travail, je veux dire de la valeur morale du travail. (…) Que les sinistres obligations de la vie me l’imposent, soit, qu’on me demande d’y croire, de révérer le mien ou celui des autres, jamais. (…) Rien ne sert d’être vivant, le temps qu’on travaille. L’événement dont chacun est en droit d’attendre la révélation du sens de sa propre vie (…) n’est pas au prix du travail. »
    André Breton, Nadja, Le Livre de Poche, Gallimard, 1964, pp. 67-68.

    J’ai 61 ans. J’ai définitivement quitté le monde du travail à 47 ans. Faut dire que je n’ai jamais su tenir un emploi. Trop fainéant, que chu. Trop rebelle.
    Toujours est-il que depuis, j’ai écrit et publié trois romans et je suis en train d’en pondre un quatrième. Je ne vis pas riche, loin de là. Y a même des moments où j’en arrache. Mais je suis libre.

    P.S.: J’ai mis ma page Facebook (l’abomination) comme Website d’ici à ce que mon site personnel http://www.jeanchicoine.ca/ débarque sur la Toile.

    • @ Laurent > Merci de ton commentaire, et bienvenue par ici.

      @ L’Ours > Oui je pense que cela risque d’être très difficile. Mais ces derniers temps, la présence de l’idée de la finitude dans mon esprit est si forte que je me sens prêt à prendre des risques et risquer de conquérir cette liberté. Au fond, le risque n’est pas si important. (voir Renoncer c’est mourir) Enfin, je crois.
      Ceci étant, je ne sais pas exactement comment procéder pour me libérer. L’idée de « passer pro » dans mes passions me semble très alléchante, mais je n’ai pas trop d’illusion sur le sujet. Ce sera ma question principale des prochaines années, et la réponse que je soupçonne risque de ne pas trop me plaire.

      @ Jean > Merci de ton témoignage poignant et de la citation d’André Breton. Atteindre cette liberté, sans chercher la gloire ou la fortune, me parait déjà un idéal à atteindre.

      Comme on l’entendait dans Starmania dans les années 80 : « J’aurais voulu être un artiiiiiiste ! » Enfin, c’est un « on » générique, je n’étais pas né.

  3. Je te souhaite bonne chance pour ton projet, je le trouve admirable même si l’on ne peut être sûr de la réussite !

    si jamais ça ne marchait pas, refuserais-tu aussi l’idée de bosser juste ce qu’il faut pour avoir une vie décente (ni spartiate ni confortable) en gardant donc un maximum de temps libre ?

    • Cette solution, c’est ce que je nomme plus haut « un palliatif ». Ce n’est pas idéal mais en cas d’échec à inventer une voie alternative, ce pourrait être une voie de repli acceptable bien qu’un peu frustrante.

      Merci à tous de vos encouragements en tous cas ! :)

  4. ah ok, moi je croyais que tu voulais plutôt dire faire un métier qui soit un loisir par palliatif.
    en fait il me semble que j’ai interprété de travers : ton but est de vivre de tes passions (genre écrivain et tout le schmilblick…) et non pas de tenter un genre de précarité volontaire, c’est ça? (j’avais compris l’inverse)
    en gros plus artiste que moine boudhiste.

    tout cela méritait clarification pour mon esprit obtus et ambitieux …

    :)

    • J’aime les deux. Même si ma passion dévorante pour la littérature, les arts graphiques et les cultures de l’imaginaire me font rêver à un avenir lié à ces domaines.
      Pourtant, le suis très sensible aux discours des philosophes qui prônent le retour à la simplicité et rejettent la surenchère déshumanisante. Je pense à Pierre Rabhi bien sûr mais aussi à Sylvain Tesson.
      L’idéal, artiste et moine bouddhiste en même temps. :)

  5. Bonjour à toutes et à tous. Je suis nouveau sur la Toile et après quelques recherches que je suis tombé sur cet article, qui m’a réellement interpellé. Je trouve d’abord que ce site est de bonne qualité, d’ailleurs je me suis régalé avec d’autres petits articles. De plus tes écrits sont délicieux il faut l’avouer.
    Cependant sur mon Blog je fais le même genre de constat, que je trouve très courageux de toute évidence mais aussi assez kamikaze. Sur mon Blog je tire peut-être une analyse moins Radicale de l’action en détaillant les idées palliatives qui peuvent exister et qui, quoi qu’on en dise, nous rapprocheraient de l’alternative finale tant enviée.
    Je vous dis à bientôt, et merci de m’avoir lu.
    PS : mon article sera mis en ligne le 10 mai 2014 au soir.

    • Excusez mon manque de technique mais j’avais oublié de poser une question qui me taraude. Je me lance : Sainte Epondyle, quelle est pour toi, clairement, la solution alternative ? Penses-tu que ce serait l’arrêt de ce système quitte à rentrer en précarité légère ou alors une solution différente te vient-elle à l’esprit ?
      Merci, ta réponse m’est chère.

      • Salut Petit Caillou,
        Bienvenue sur Cosmo Orbüs, et merci de tes commentaires enthousiastes ! N’hésites pas à donner ton avis ou tu voudras, le dialogue c’est le début de la paix.
        Merci pour ton article, je l’ai enregistré dans Pocket et je te donnerai mon sentiment dessus après lecture.

        Concernant ta question, je ne sais pas quelles solutions pourraient se révéler efficaces pour lutter contre le travail contraint. Je suis donc obligé de me référer aux théories économiques et sociétales existantes. Parmi elles, l’idée d’un Revenu de Base Universel me plait de plus en plus.
        Comment le faire accepter ? Comment l’appliquer ? Comment lutter contre les problèmes qu’il soulèvera ?
        Je ne sais pas, mais je trouve l’idée passionnante et franchement c’est la première fois qu’un projet politique m’enthousiasme depuis des années. Malheureusement, je ne crois pas qu’on arrivera à le mettre en place. Les lobbies, les pressions, l’inertie de la masse (moi compris), la peur du changement et l’absence de précédent sur lequel fonder la foi en l’expérience passé feront la peau à cette magnifique idée avant qu’elle ne voit le jour.

        Si un Revenu de Base était établi, je serai heureux de travailler quelques jours par semaine pour un emploi salarié, pour faire avancer la collectivité (a condition de croire en mon travail, ce qui n’est pas impossible) tout en améliorant mon niveau de vie avec un salaire. Et alors je profiterai du temps restant pour vivre, tout simplement. Et cette vie n’exclurait pas de travailler pour moi et les autres. J’en veux pour preuve l’existence même de Cosmo Orbüs, un site sur lequel je travaille totalement bénévolement, des heures par semaine, depuis 5 ans bientôt.
        Et je ne perdrais plus de vue ceux qui me sont cher.
        Et je pourrai faire des projets d’apprentissage, et ne plus céder à cette odieuse idée qu’après 20 ans, on ne peut plus apprendre. J’ai toujours rêvé de savoir bien jouer d’un instrument de musique.
        Ce pourrait être un bon début.

  6. Je vais me faire, du fond de mon lit, grincheux et malade, comme souvent sur ce blog le corbeau, l’oiseau de mauvais augure.

    Je comprends bien la volonté de ne pas perdre sa vie à la gagner. Je suis convaincu qu’il est clairement aliénant de passer sa vie (encore que n’exagérons rien nous travaillons 8h par jour environs 210 jours par an soit 55% des jours, soit 27,5% des heures que nous passons éveillées dans une année de travaille, ce n’est donc pas toute la vie…) à des tâches qui nous dépasse et qui nous paraissent inutiles.

    Toutefois, il ne faut surtout pas oublier la réalité. Et celle-ci est, comme chacun le sait, une putain borgne et vérolée qui nous soufflette avec un gant en cuire de mauvaise qualité réduit à l’état de lanière. Si il est vrai que notre travail n’est plus « vitale » immédiatement comme il l’était il y a encore 120 an ou 70% de la population travaillait dans les champs pour se nourrir, il n’en reste pas moins nécessaire. Déclarons tout de suite que les entreprises ne sont pas des bonnes œuvres et qu’elles n’embauchent que les gens dont elles ont besoin. Je crois que nous serons d’accord au moins sur ce point.

    J’entends l’argument selon lequel la guerre économique produit beaucoup de gâchis et que donc une partie des emplois seraient inutiles. Il est certain que dans un cadre centralisé, productiviste et unifié nous pourrions faire plus avec moins. Toute la question est de savoir si ce moins de ressources ( humaines ici, mais on peut faire le même raisonnement avec le reste) justifierait une diminution drastique du nombre d’heures travaillées par tête de pipe. Rien ne l’indique. J’ajouterais même que jusqu’à présent (je ne dis pas que cela est impossible), la production d’un bien par un seul acteur qu’il soit privé (monopole) ou publique (le communisme) n’a engendré que gâchis ou maximisation de prise d’intérêt sur les autres acteurs de la société. Ainsi, le bénéfice d’une production spécialisée et unifiée est non seulement incertain mais également difficile à mettre en place. Ne parlons pas d’une décentralisation de la production, très proche des lieux de consommation, cela engendrerait un besoin plus grand encore de main d’oeuvre (sauf dans les transports) pour un même montant de produit finis.

    Dans le cas où l’argument plus haut ne m’aurait pas été déjà donné, j’ai un second argument. Nous nous sommes libérés des contrainte vitales grâce à la machine. Mais nous tous nos loisirs toutes nos passions reposent sur le travail d’autrui. Si chacun cessait de perdre sa vie à la gagner il n’y aurait vraisemblablement plus de possibilité d’exercer nos fameuses passions. Nous pourrions certes nous contenter de vivre avec un minimum confort (soins, chauffage, habitation, nourriture, eau courante) avec très peu de travaille pour chacun, mais qui s’occuperait alors de nous fournir tout se dont nos passions ont besoin ? Qui nous donnerait nos cahiers pour écrire, nos ordinateurs pour échanger mondialement, nos pinceaux pour peindre, la pierre pour sculpter ?

    Notre système n’est pas parfait, j’en conviens, il a même de nombreux défauts, mais il nous permet de nous plaindre de ses défauts et de tenter de le modifier. Bien sur on peut le rendre plus efficace. Et c’est d’ailleurs c’est ce qui a été fait, nos journées de ont diminuées. Nous n’avons jamais aussi peu travaillé qu’aujourd’hui. Nous ne sommes justes pas nés à l’époque le travaille deviendra anecdotique dans nos vies. S’extraire du système de production de notre monde, aussi aliénant soit il, c’est profiter du travail d’autrui. Les artistes qui n’ont pas de but de productions matérielles ou de service à finalité productiviste font parties de ces personnes, mais leur art a été « déclaré » par la « société » ayant assez de valeur pour leur permettent de vivre sans produire de « l’in-fine utile ». J’en conviens c’est peu sexy et très utilitariste, à des milliers de kilomètres des valeurs créatives d’aujourd’hui mais nous ne pouvons pas à mon sens tous être artiste.

    Comparaison n’est pas raison. Mais ce discours qui consiste à placer ses passions et ses envies au dessus du travail me rappelle étrangement le discours de la noblesse anglaise du XIXème siècle :  » il faut bien que le plus grand nombre travaille pour une minorité, pour que celle-ci puisse réellement vivre et s’élever ». Voulons nous être des aristocrates anglais du XIXème ?

    Je force un peu le trait bien sur mais je pense que s’ils sont pas irréfutables ces arguments ont au moins un rien de vraisemblance.

    • Je réfute plutôt les 27,5%, car ils ne comprennent pas le temps passé annexe au travail et qui y est néanmoins lié : a commencer par les transports. De plus, l’énergie dépensée pendant la journée est souvent cause de maux et fatigues (physique et morale) liée au travail. La disponibilité d’esprit n’est pas du tout acquise.
      Et encore, la situation est bien pire que la mienne dans les emplois à horaires « flexibles » où les salariés sont contraints de se plier à des horaires laissant de larges plages horaires « libres ». L’exemple le plus frappant étant les femmes et hommes de ménage, qui travaillent très tot le matin et très tard le soir, tout en cumulant un salaire de misère, des conditions physiques très difficile, une absence totale de reconnaissance…

      Concernant tes arguments, ils sont bien sûr pertinents. Mais je n’ai jamais eu de vocation universaliste. Dans mon article, je parle uniquement pour moi. Bien sûr tout le monde ne peut pas être artiste, mis tout le monde ne le veut pas non plus.
      Un peu égoïstement, je cherche à m’évader. Pas à abolir la prison, car c’est bien plus difficile.

      Je suis intéressé pour discuter de nouveaux modèles possibles et de solutions utopiques comme le Revenu De Base (cf plus haut), mais a moyen terme, je voudrais tout de même tenter l’émancipation.

  7. pour ce qui est des emplois inutiles, la société de surconsommation en entretient (de même le gaspillage alimentaire) trois entreprises en concurrence vont produire comme si leur produit rencontrait un succès même dans les cas où la vente est « éliminatoire » (nous avons rarement plusieurs portables). toutes les entreprises qui construisent de l’électronique, informatique, vêtements, etc … ont des emplois inutiles, si les ets produisaient moins et ne cherchaient pas acheter plus que nécessaire par de nouveaux produits, de nouvelles apparences aux produits, modes, et de l’obsolescence programmée elles embaucheraient moins de gens. je considère que c’est cette situation qui serait normal, les emplois « au-dessus » du nécessaire sont donc inutiles selon moi (au sens où l’entendait le texte).

    pour ce qui est du revenu de base, le parti (réellement) socialiste Nouvelle donne propose un truc dans le genre, même si c’est dans un but totalement différent. en fait les euros-francs, la nouvelle monnaie qu’ils compteraient distribuer, auraient un rôle de consommation, comme les monnaies locales. le revenu de base n’est que le moyen qu’ils ont choisis pour la répandre.

    personnellement je connais des gens qui ont voulu vivre en auto-suffisance dans une ferme cévenole, mais évidemment le travail « classique » est remplacé par le travail « vital » : cultiver, élever, réparer sa maison, couper du bois pour le froid…

    c’est pas trop un truc d’artiste. Surtout que j’ignore si une vie d’auto-suffisance pourrait proposer des longs temps libres pour l’épanouissement artistique.

  8. Même en prenant un trajet aller-retour d’une heure entre le lieu de travail et le domicile nous ne sommes pas non plus toutes notre vies liées à notre travail. Environ 32% du temps éveillé lors d’une année de travail « normal ». Cela ne fait qu’un tiers de notre temps éveillé, on est loin de l’homme lié à sa machine.
    Enfin, si effectivement le travail laisse des traces c’est le cas de toute activité qu’elle soit réjouissante (un match de foot fatigue et blesse, un partie d’échec est éreintante intellectuellement) ou peu reluisante (le ménage quotidien use…) ce n’est pas le propre du travail loin de là. Chaque activité nous altère.

    Concernant le reste, je trouve la pirouette un peu malhonnête, ton article semble être universaliste. Tu remets en cause le « système », sous-entendant qu’il n’est pas agréable en tant que tel, pour tout le monde pas seulement pour toi. Notamment en citant le terme « employé » ou la phrase « il parait que nous sommes libres », en parlant de prison quand tu me réponds. Tout, tout ton poste, me porte à croire que tu as un propos universaliste.

    Et même si tu admets que c’est un peu égoïstement que tu veux t’émanciper, je trouve que c’est une forme d’orgueil mal placé. Et je suis sincèrement navré de dire cela, je me trouve très dur et pourtant c’est ce qui me vient. Si tu as conscience que ce n’est pas applicable pour tous pourquoi le faire ? C’est comme nos mères qui nous disaient « imagines que tout le monde fasse comme toi » après une bêtise. Si je suis ton raisonnement et que je pars tu principes que tu acceptes mes arguments du premier poste (ce dont je doute, mais tu n’as pas l’air de vouloir les réfuter), tu voudrais alors profiter du confort fournis par le travail d’autrui tout en vivant tes passions ?

    Ce dernier paragraphe peut paraître être une attaque ad hominem. Ce n’en est pas une. Mais je cherche à comprendre ton raisonnement le plus loin que je le peux.

  9. @ Jeanpierreleberserker > Merci pour l’info sur Nouvelle Donne, je ne connais pas ce parti. C’est en France ?
    C’est vrai que l’auto-suffisance créé ses propres besoins de travail et que ceux-ci sont loin de laisser libres les huit heures de loisir en théorie disponibles à chacun par jour. Mais d’un autre côté, le travail revêt immédiatement un sens bien compréhensible et net. Je fais pousser un poireau, je bouffe mon poireau. Sans doute que j’idéalise un peu la démarche, mais des gens comme Pierre Rabhi et Sylvain Tesson en parlent bien mieux que moi pour l’avoir réalisé réellement. Et le travail se fond alors dans la vie sans distinction avec le loisir. Et attention je ne parle pas des agriculteurs qui vendent leur production dans un but d’exploitation agricole (donc d’entreprise), mais bien de l’auto-gestion.
    @ Alexander > Je ne remets pas en cause ton calcul, mais je note tout de même dans mon entourage et dans ma propre expérience une indisponibilité d’esprit créée par le travail. Prosaïquement, on est fatigués, et les choses que notre jeune âge et nos aspirations pourraient nous permettre ne nous sont souvent pas si accessibles que ça pour des questions de temps « libre ». Mis à part 5 semaines par an, ce qui est déjà mieux qu’ailleurs, le salarié lambda doit organiser sa vie autour du travail, même lorsqu’il ne travaille pas. L’exil vers les zones où l’on embauche est surement l’exemple le plus parlant.
    Le match de foot, la partie d’échecs nous altèrent, mais nous y participons de notre plein gré, et cet effort consenti à une saveur particulière. Plus encore, qu’elle nous semble trop importante et on peut l’arrêter. Alors qu’on doit travailler de toute façon.
    Ta dernière remarque me semble totalement hors propos pour une raison évoquée dans l’article initial : apparemment (et peut-être toi le premier ?) la grande majorité des gens souscrivent à ce mode de vie. Moi, je le trouve trop dur et je souhaite m’en extraire. Bon. Et comme je n’ai pas réellement l’espoir qu’on initiera le Revenu de Base dans nos contrées pour le moment, je voudrais chercher des voies de traverse pour vivre comme je l’entends. Mettons que j’arrive à écrire un livre et à vivre de sa vente, ou à me faire soutenir dans le cadre de ma création sur Internet comme certains Youtubers commencent à le faire, dans un cas comme dans l’autre c’est bien qu’autrui souscrit à ma démarche et trouve qu’il est une bonne idée de me rémunérer pour la poursuivre. Si ça ne marche pas, je serai alors contraint de retourner vers le travail salarié.
    « Si tout le monde fait comme toi… » Il se trouve que la plupart des gens n’en ont tout simplement pas envie. Mon idée est-elle due à un orgueil ? Surement. Mal placé ? Je ne crois pas.

    • nouvelle donne (traduction de « New Deal ») est français, ça a été créé en 2013 par Pierre Larrouturou.
      après on rentre dans le domaine de wikipédia, mais au moins ça évitera aux gens d’aller chercher.
      pierre Larrouturou (diplômé de science po et AgroParisTech) a oscillé pendant plusieurs années entre le parti socialiste et EELV (sous cette franchise il est élu conseiller d’ile de france) pour finalement revenir au premier. au congrès de Toulouse il mène la motion « Oser. Plus loin, Plus vite » avec Stéphane Hessel et ils surprennent tout le monde en arrivant troisième avec 11,78 % des voix. malgré ça ils sont ignorés lors du choix de la composition des listes pour les européennes (celle qui arrivent). Larrouturou quitte le PS et fonde Nouvelle donne
      avec des membres du collectif Roosevelt créé par Hessel (mort entre temps)

      le parti a été rejoint après sa création par un député et deux eurodéputés. il propose entre autres la réduction du temps de travail (en fait son partage), ce qui rejoint directement notre discussion et évite l’inutilité de ce post…

  10. en fait à cause de ça je suis allé sur leur site internet, c’est une peu plus gros que ce que je pensais ils annoncent une liste pour chacune des circonscriptions (je sais plus combien y en a).

  11. @Epon: A mon sens l’orgueil est toujours mal placé (sauf à l’issue d’une réalisation réussie). Et j’en sais quelque chose. Je crois que nous serons d’accord sur ce point.

    Les gens ne se satisfont pas vraiment du cycle de vie/travail, tout le monde aimerait en faire moins (au moins l’immense majorité, moi le premier). Il demeure que la plupart ne s’en plaigne parce qu’ils n’imaginent pas autre chose possible.
    Par ailleurs oserais je rappeler Kant (une fois n’est pas coutume) avec qui pour une fois je serais d’accord « Agis seulement d’après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle ». Impératif catégorique 1er du nom.

    Peut on tous arrêter le travail ? Mais si cela est hors de propos… :)

    Mais dans le cas que tu évoques c’est une démarche artistique. Une démarche que j’ai isolée tout au début car elle est différente des autres.

    Quant au fait que le travail est très prégnant dans la vie je ne le nie pas. Il l’est parce qu’il est le moyen de subsistance. Comme seraient les taches de la vie quotidienne en autogestion. Sans lui (ou elles) on déchoit de la vie telle qu’on la connait. On y contraint certes, tout comme on était contraint de travailler dans les champs. Mais entre, l’éducation qui nous prend 20 ans, la retraite 15 ans (en étant réaliste quant au décès et à la prise de retraite) et 45 ans de « cotisation » où celui-ci n’est au sens large présent qu’un tiers du temps, on ne peut pas dire que l’on perd sa vie à travailler. Mieux j’affirme et je crois que l’on peut s’en féliciter qu’on passe in fine bien moins de temps que l’on ne le pense à travailler.

    @Berserk. J’ai du mal à comprendre ton raisonnement sur les emplois qui seraient inutiles. Peux tu le développer ? Comme je l’ai dit plus haut la concurrence induit nécessairement des doublons (plusieurs comptables, présidents, chercheurs…) alors qu’il en suffirait d’un nombre suffisant pour une seule grande organisation (publique ou privée) qui produisent la quantité suffisante de biens. Malheureusement comme je l’ai dit plus haut cette organisation publique ou privé provoque soit gâchis (communisme appliqué) soit est délétère pour le reste de la société (monopole). Je ne comprends pas ton raisonnement à propos des emplois inutiles. Une entreprise qui achète et produit trop a des stocks et donc des pertes et finis par disparaître réduisant le gâchis et les emplois inutiles…. Et si tu veux une standardisation globale pour réduire les besoins veut on revenir à la phrase de Ford « Mes clients ont le choix de la voiture tant que c’est une Fort T noire…. »

    Non vraiment je ne vois pas. Peux tu expliciter mon cher Berserk ?

    • je n’ai pas de solution toute faite qui soit potable : les emplois inutiles sont les conséquences forcées des avantages de la concurrence (quoique ces derniers ne sont pas du tout aussi reluisant que sur le papier. la concurrence pure et parfaite n’existe que dans les fantasmes des libéraux et la bourse) et supprimer les emplois inutiles (monopole) reviendrait comme tu dit à une mainmise sur la production d’un groupe.

      pour le système « normal » je vais mieux le définir (même si c’est toujours erroné par rapport au sens que je voulais utiliser) : en gros dans le paradigme capitaliste une entreprise arrive à prévoir ses ventes (où à connaitre une fourchette précise après quelques premiers échecs) avec certes une marge d’erreur mais supposés faible. or ce n’est pas le cas et quand eurodisney a ouvert près de paris, les dirigeants de la firme outre-atlantique (walt disney je suppose en toute logique mais à vrai dire j’en sais rien) se sont rendus compte que les français sont beaucoup moins amusés par des marionnettes de personnages d’histoire pour enfant de trois ans que les étasuniens (un peu d’intolérance vite fait bien fait je n’ai pas pu me retenir). du coup s’il n’avait pas eu d’énormes masses de fric derrière pour éponger les pertes et se permettre des promotions énormes ils auraient dû arrêter.

      quand aux défauts de la production assurée par l’état, je vois tout ce qui est dictatorial (dépendant selon moi de la manière dont on fait la fait passer aux mains de l’état et de la largeur de l’éventail des produits balayés)
      et j’entends peut-être ce que tu veux dire par gaspillage mais je ne suis vraiment pas sûr de ce à quoi tu pense, un exemple serait le bienvenu.

      personnellement je pense d’ailleurs que la production par l’état d’au moins les biens vitaux (électricité eau et même nourriture) par l’état peuvent marcher par exemple si dans notre république on avait les fonds (et les députés en nombre suffisant) pour le faire est-ce que ces nationalisations entraîneraient une dictature ?

      les risques autres que sur la démocratie ne sont pas très grands je pense (à part celui que tu évoques sur lequel je ne peux porter de jugement sur le moment) puisqu’au pire ce sera juste un supermarché comme on en voit actuellement avec des produits comme on en voit actuellement, mais qui pourrait rapporter de la thune à l’état (qui en a horriblement besoin) même en ne faisant pas une marge aussi confortable que les chaînes privées en france (donc légère baisse des prix)

      j’ignore si j’ai répondu à tes attentes, je redoute un décalage complet (que je ne peux malheureusement pas percevoir par moi-même)

  12. Non tu as répondu en partie.

    A propos des prévisions des entreprises. Je ne suis pas d’accord avec toi. La plupart des entreprises parviennent le plus souvent à prévoir correctement leur vente. La preuve ? La plupart des entreprises n’ont pas les masses de frics de Disney (et non ce n’est pas Walt qui a pris la décision il était déjà mort) et pourtant beaucoup survivent tout de même. L’erreur est humaine et les entreprises que ne sont que des grappes d’humains peuvent se tromper. A long terme, elles ont de bonnes prévisions sinon elles ne survivent pas et encore disparaissent faisant disparaître gâchis et emploi inutile. Par ailleurs si je peux me permettre si effectivement si Eurodisney a été un échec commercial à ses débuts (et pas que Français c’était prévu pour l’Europe). Il ne faut surtout pas oublier qu’un parc d’attraction est au mieux faiblement rentable, il tient lieu souvent de lieu de promotion géant (Disney, Astérix etc…) de locomotive d’une région (Puy-du-Fou, Futuroscope).

    Concernant, la production d’un bien par l’état je ne pensais pas à la mise en place de la dictature. Je ne suis pas certain que le communisme est nécessairement dictatoriale. Mais force est de constaté que jusqu’à présent il l’a toujours été. Ma critique n’était qu’économique. Un état ne peut faire faillite, parce qu’il ne peut pas disparaître. C’est très bien dans beaucoup de cas. Et de ce fait il n’a pas l’aiguillon de la peur du gâchis qui est un trop lourd fardeau pour lui alors il ne les résorbe pas prévoit trop ou pas assez. Et contrairement à l’entreprise privée qui disparaît ce n’est pas le cas de l’état. C’est la vieille dispute des pro-état et des pro-privé. Et je suis pro privé dans tout ce qui n’est pas indispensable et ce qui n’est pas réseau. Tout simplement parce que concernant un stock l’état lui peut se permettre et se permet de produire trop ou pas assez (cf : les pénuries stupides des pays communistes, ou la surconsommation notables des réserves la dernières années du plan quinquennale pour ne pas avoir moins de ressources lors du prochain plan en URSS).

    Par contre, pour l’eau, la nourriture, l’électricité, les transports, les télécoms et l’internet je serais pour une nationalisation. Ces biens sont trop lourd pour être assumés par une entreprise. Pire parfois c’est l’étatb qui paie et ensuite on privatise ridicule. Non seulement ridicule mais dangereux, laisser l’un de ces biens entre les mains d’entreprises privées c’est un peu laisser les populations (si l’état n’est pas fort, comme en France par exemple), face à ces entreprises.

  13. En suivant le cheminement chronologique de tes articles, j’ai vraiment l’impression d’y trouver un miroir de mes propres questionnement, en mieux écris, et par un reflet diablement plus fashion. Pour ma part, après 16 ans de fonctionnariat, j’ai finalement sauté le pas et me suis mis en arrêt de travail, le déclencheur n’en aura été qu’une simple et énième réflexion peu pertinente d’un petit chef, au sujet d’un « dossier » sans aucun intérêt. Bientôt six mois que je n’ai plus la contrainte du travail, que j’écris, je dessine, j’organise presque quotidiennement des rencontres ludiques, et que participe enfin à pleins de projets qui me tenaient à coeur depuis trop longtemps. Je triche bien sûrs, je suis toujours rémunéré par mon ministère, ce n’est donc pas un changement de paradigme mais une tentative de voir ce que cela fait, de vivre autrement. L’idée de retourner bosser, évidemment, me révulse, ma hiérarchie m’a appâtée avec un autre poste, mais même ça, je ne me sens plus capable de le faire. Mais je ne vois pas de solution pour un autre mode de vie. Pas assez courageux pour « prendre mon destin en mains », pas envie de garder un troupeau de biquettes dans la montagne, ma solution à moi, c’est de profiter peut-être pour quelques années des privilèges offerts par le service à l’Etat, salaire réduit, mais paix de l’esprit et investissement dans des projets de vie qui comptent.

    • Je comprends.
      Ce qui est marrant, c’est que tu ressors mes articles dans un ordre différent de leur date de publication. Je me demande si tu ne refais pas un « cheminement » qui t’est propre à partir du mien ? :) En tous cas, dans ma situation, le débat reste grand ouvert et la solution, grandement absente.

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