Ma gueule faut pas t’laisser
Bouffer par le chagrin
Il faut battre la vie
Dans ce monde de chien[…] Allez chiale pas ma gueule
Avec tes yeux comme ça
Putain tu m’fais chialer
Allez arrache-toi
On n’est pas de ce bois
On est plus fort que ça
On est de ceux toujours
Qui repartent au combat— Saez
J’ai fini l’année sur les rotules, et celle-ci ne m’enthousiasme guère. Depuis 11 ans que je hante ce coin de Toile, je dois bien reconnaître que l’énergie tend à s’étioler. L’entropie ronge y compris les plus endurants des petits poneys ragibles.
A quoi sert donc encore de s’acharner si l’envie se perd, si l’indifférence est le lot principal et régulier de mes années d’efforts ? (Je suis injuste, je sais.) Dans un échange de fin d’année, Ariel Kyrou (Léo de Javel) montait au créneau de ma démotivation pour professer l’acharnement et l’endurance ; je suis sensible au discours, la course de fond a toujours été, plus que le sprint, ma religion. L’ami Kyrou y affirmait l’utilité de nos discours « d’éternels minoritaires » (moins que d’autres, plus que certains) et l’utilité de nos tentatives, nous technocritiques, imagino-sceptiques, empêcheurs putatifs de twitter en rond et autres gauchiasses du web, tentatives d’en placer une dans les maelströms gueulards qui agitent les foules dont la marée montante lèche déjà les genoux. Débats sans fin, bras de fer permanents, tempêtes de retweets et cyberguerre en batailles rangées – insipides souvent – auxquels il convient encore et toujours de porter le fer aux combats qui le méritent. Chacun.e dans son domaine de pseudo-expertise, sans s’épuiser à la comparaison ni à la confrontation avec le monde entier, et les moutons numériques seront bien gardés.
La discussion m’a fait réfléchir ; elle aura eu le mérite de confirmer cette intuition : oui, il est plus que jamais, plus que quand je commençais en 2010, plus qu’hier et sans doute moins que demain, nécessaire de réfléchir ensemble, dans un esprit de scepticisme engagé et d’éternelle insatisfaction, dans une envie de partage, un esprit goguenard, une franche ironie non dénuée de cynisme aussi, et sans perdre de vue le plaisir de le faire, à ce monde qui est déjà le nôtre. L’époque est bordélique, passionnante et pas si imprévisible qu’on le dit. Suffit de tendre l’oreille aux signaux et de savoir qui écouter. A titre personnel je suis consterné et fasciné de voir à quel point les fictions, le divertissement, l’art et les histoires – « l’imaginaire » comme on dit – jouent un rôle déterminant et ignoré. « Chacun son domaine » disais-je. Alors on continue, bien sûr. Sans trop se poser la question de savoir si l’on a le droit de le faire, sinon rien n’est plus possible. « Prends la légitimité et cours » m’a-t-on dit une fois.
Ainsi s’ouvrit, dans le smog et les particules fines, la saison XII de Cosmo Orbüs. Contre la lassitude, la fatigue, le ponçage des vents contraires et l’impression tenace de pisser dans un violon de la taille du Pacifique, face aux déterminismes, contre tempêtes et pandémies, plus que jamais seuls ensemble.
A nos joyeux combats.
~ Antoine St. Epondyle