Écrire sur Internet en 2022

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1976
ecrire en ligne
Cyberpunk 2077, CD Projekt Red.

12 ans et des poussières après le lancement de ce blog, qui n’était pas encore comme ça, l’usure et la fatigue pèsent plus encore qu’avant.

J’ai eu des coups de mou, nombreux, et je pense reconnaître ici une remise en question plus profonde.

Le point.

_les réseaux sucent nos âmes

Le web a changé, et pas pour le mieux. On a eu beau documenter ses évolutions, la dystopie commerciale inexorable, adossée à la guerre de l’attention, aux mutations incessantes du médium et aux diktats des cadences algorithmiques n’a eu de cesse de progresser.

Dès lors, le web n’est plus qu’un vaste Facebook.
Ou Twitter, ou wathever autre réseau de l’enfer.

YouTube est mort, vive Twitch. Tout le monde stream jusqu’à des unboxing et autres reaction shots, il faut bien alimenter la Gueule.

Et doom scrollons des kilomètres d’inepties sans savoir remonter à notre dernier souvenir mémorable, notre dernière rencontre ou notre dernière idée germée en ligne. Consommation et contenus. Contenus et consommation.

Production et diffusion définitivement mêlées.

_écrire is cyberpunk

Lancer un blog en 2010 était déjà arriver après la bataille. L’âge d’or était terminé, la blogosphère était morte. Qu’en dire aujourd’hui ? Il reste bien quelques collègues hardcore.

Le pavé de texte n’est plus porteur ; mais alors plus du tout ; déréférencé massivement ; condamné aux ténèbres. Et il faut bien avouer que nos titrailles et blocs de blabla ne sont pas aussi attractifs que la concurrence. Trop lent, too bad.

Bon.

Si tant est que je sois attaché au médium, persévérer ne peut vouloir dire que se jeter dans la guerre de l’attention, poster poster poster poster poster poster poster poster poster, réagir à l’actualité, faire du guest et du crossover – ni envie ni la force… ou assumer une lente condamnation aux ténèbres algorithmique de la page 47 des résultats de recherche Google.

Rage against the dying of the light.

_la flamme ou le néant

On a beau ne pas chercher la célébrité, l’indifférence pèse. Surtout face à la lourde tâche qu’est l’alimentation hebdomadaire d’un média en ligne. On n’est pas une rédac, on est seul. Et le taf ne remplit pas l’assiette, ce qui constituerait une indéniable motivation.

Une fois de plus, l’heure est donc venue d’arrêter ou de muter.

Je ne peux m’astreindre une ligne éditoriale, ou une méthode trop stricte. Ni un régime de relecture et de validation pré-publication d’universitaire. Je suis ma seule source de carburant. Même la sacro-sainte régularité qui m’a fait tenir si longtemps à du plomb dans l’aile.

Pour tenir, revenir à l’envie.
L’envie d’avoir envie.

Se limiter, strictement, à ce qui me chauffe, ce dont je rêve de vous parler, les trucs que j’ai vraiment envie de vous dire – qu’importe même si vous les lisez. Se rappeler d’assumer le subjectif. Revenir aux émotions. Renier les algos et leur mise en concurrence sordide. Embrasser les limbes, s’y épanouir.

La flamme 🔥 ou rien.

 ~ Antoine St. Epondyle

20 Commentaires

  1. Bien que je commente jamais, j’aimerai te dire que je te lis et que je trouve ton contenu bien au dessus de la fange que font les « influenceurs ».
    Finalement faire un blog en 2021 est un acte un peu punk… Cyberpunk !

  2. « Se limiter, strictement, à ce qui me chauffe, ce dont je rêve de vous parler, les trucs que j’ai vraiment envie de vous dire – qu’importe même si vous les lisez. Se rappeler d’assumer le subjectif. Revenir aux émotions. Renier les algos et leur mise en concurrence sordide. Embrasser les limbes, s’y épanouir. »

    Mais go!!!

  3. Totalement d’accord avec vous, c’est pour cela que j’ai décidé d’aller à mon rythme, faire selon mes propres envies, et ne pas être influencé par des soi-disant algorithmes. Vos articles sont peut-être dans l’obscurité du net, mais sans doute, que vos articles sont à des lumières du contenu mis en avant.. Comme une étoile filante au loin, à travers des débris d’astéroïdes, on est là à la contempler, alors merci pour vos articles si personnels, sur un genre devenu presque réel.

  4. Wow ouch, c’est du très brut de décoffrage, ça :). Je comprends complètement ce par quoi tu peux passer, bon courage pour raviver cette flamme, et tu sais où me trouver pour en causer !

  5. Je comprends ô combien ce « blues », Antoine. Il résonne en moi, fait vibrer la même corde, je crois.

    J’ai pour le moment résolu le problème en me disant que je lance des bouteilles à la mer. L’océan numérique est vaste, de plus en plus vaste, la distance entre les îles s’agrandit sans doute à chaque instant. Je crois pourtant à la valeur de la carte et de la boussole. Maintiens ton cap, et on te trouvera. Pas avec la même ampleur que sur les réseaux dyssociaux, bien entendu. Mais j’en viens à penser que ce n’est pas plus mal. Que le reste de la foule aille se battre sur Twitter, s’engluer dans le complotisme sur Facebook, ou s’exposer à la vie factice d’Instagram. Nous préférons construire, échanger et tisser notre Toile, sans doute à l’écart, mais loin de la pollution qui finira par tuer ceux qui y sont exposés.

    Je continue à te lire.
    Je continue à apprécier ce que tu produis, ce que tu écris.
    Tu restes un de ces phares sur internet, en tous les cas depuis ma petite île personnelle.

    Courage, tu n’es pas seul.

  6. Je compatis, coté écriture comme coté lecture, on est perdus tout pareil. Pas moyen de se mettre du bon contenu sous la dent sans de bonnes recherches, et sans désactiver tous les gadgets algorithmiques qu’on arrive à squeezer, et encore.
    Lire et écrire, de vrais longs articles, intelligents, est devenu un luxe sur ce nouvel internet. Fagocité et dévoré par la pub et la consommation de masse, aux mains de quelques-uns. Il est bien loin notre paradis du début!
    Dans le bouquin de Snowden, il dénonçait aussi cette pente terrible qu’à pris l’outil informatique, alors qu’on espérait tant qu’internet devienne une grande base de données des connaissances de toute l’humanité, et un lieu d’échange, de bienveillance, d’apprentissage. Et ce le fut pourtant!
    O tristesse, je te rejoins là-dessus, mais si cela peut te consoler un peu: c’est un vrai plaisir de venir te lire, car tu es rare, ton blog est devenu un petit coin de calme et d’analyse, de réflexion, où on peut souffler et s’isoler, et enfin prendre le temps de réfléchir dans cette agitation :)

  7. Merci d’écrire même si malgré plusieurs échanges je reste une anonyme pour vous -ce qui me paraît toujours étrange ; comme j’interagis avec moins de personnes j’attache de l’affect à chacun d’eux. Je n’ai pas réussi ma conversion cyborg -. C’est important que vous continuiez à écrire car les écrits restent -si on le veut bien- et même si un article n’est lu que bien après sa rédaction ou n’est pas commenté, il peut être important pour son lecteur, même unique (!) -qui l’a forcément recherché pour tomber dessus-. Votre voix est utile car personnelle. Ici nous ne sommes pas des humains et je m’en émeus moins qu’au début où ça m’a désarçonnée mais les mots sont importants, les informations et les idées doivent être diffusées -qu’importe les avis divergeants -. Nous sommes pures concepts et pixels alors avivons leur flamme peut-être que certains réussiront à sortir du Net pour s’incarner dans le réel…

  8. Quel que soit l’article, le sujet, les prises de positions, j’ai l’impression d’être un peu moins bête après t’avoir lu. C’est rare et ça fait du bien.

  9. Je connais ton travail depuis quelques années et je suis ravie que tu continues ton projet contre venzémaré ^^
    Ayant supprimé facebook et compagnie pour le manque de qualité des publies, je trouve agréable de retourner un mode d’information moins rapide et dont le contenu est en quantité limité, mais dont la qualité est loin de l’être.
    Merci beaucoup!

  10. Excellent texte ! Je pense que tu exprimes (très bien) ce qu’on est nombreux à penser quand on écrit sur un blog… J’aimerais te dire qu’il y a une contre-tendance en train de se développer (retour en force des blogs, d’un web alternatif)… Mais ce serait te mentir, pour le moment c’est marginal hélas…

    • Merci Louis ! C’est sympa mais honnêtement le retour du blog j’y crois comme à la diminution des gaz à effet de serre : on peut vaguement avoir l’impression que ça existe si on regarde vraiment notre cercle proche, mais en vrai ça n’existe pas. :p

  11. « Pour tenir, revenir à l’envie.
    L’envie d’avoir envie. »

    Et aussi récupérer son âme, morceau après morceau, lorsque les réseaux ont réussi à l’attraper.
    En tout cas merci pour ce texte, quelque part il me redonne aussi l’envie d’exister un peu plus.

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