« J’vais rallumer la flamme, recommencer l’combat
Affûter ma lame pour replonger en moi
Un fantôme se pavane dans son anonymat
Rêve d’un pays d’Cocagne où l’on m’attendrait là-bas
Car dans la ville je meurs à nager dans des yeux
Des regards transparents qui me noient à petit feu
La zone est de mépris, la vague est d’indifférence
La foule est un zombie et je vogue à contresens »
— Gaël Faye
Le Déluge n’aura pas cessé du printemps ni du mois de juillet. A peine fût-il entrecoupé d’épisodes brûlants d’un soleil dont on ne sait plus bien si l’on doit, désormais, attendre ou craindre les rayons. Année de merde, mes ami(e)s.
Il paraît que les gens sont globalement optimistes pour eux-mêmes et globalement pessimistes pour l’avenir collectif. Peut-on vivre heureux dans un monde qui se tend de plus en plus, laissant se profiler un hypothétique point de rupture (à moins que la rupture ne soit perpétuelle) ? A quel point peut-on se foutre de tout, enterrer sa tête dans le sable, ou faire comme si, pour profiter de sa position privilégiée sans craquer tout à fait ? « Il faut un minimum d’amoralité pour pouvoir vivre » disait en substance Raphaël Enthoven à l’époque où je lisais encore Philo Magazine. Sinon quoi ?
Peut-être l’erreur est-elle de croire que nous avons un quelconque pouvoir sur la marche des événements. Nos velléités de contrôle n’abdiquent pas facilement, et rendent malades en proportion nos esprits inaptes à accepter à quel point nous sommes impuissants. Les soubresauts de l’histoire ne provoquent aucune prise de conscience ; que délires collectifs, crispations multilatérales et cynisme éprouvé. Les réseaux jadis « sociaux » démontrent, sans doute plus encore qu’avant, leur nocivité dans la tempête permanente de la foire au portnawak, entre délires collectifs, énumérations cataclysmiques et ouragans de stories cherchant leur part de la captation générale de l’attention (vain effort).
Je suis l’absence de surprise de Jack.
Reste à décider quoi faire, puisque c’est là que nous en sommes. Participer au brouhaha, bagarrer dans la tempête, pisser dans des violons, choisir ses combats, créer des alliances, préserver ce qui peut l’être, renoncer souvent. Contribuer à « faire entrer les monstres » aussi sans doute, suivant le magnifique discours de Julia Ducournau lors du Festival de Cannes, autant que faire se pourra. Moins affirmer que questionner ; arpenter le bizarre et le complexe, vu comme la normalité achève de nous désespérer.
11 ans après la création de ce blog il me semble, comme chaque année, difficile de le maintenir en place et de l’alimenter régulièrement. C’est sans doute consubstantiel à l’exercice, la difficulté fait partie du sport. L’ogre à faim d’années supplémentaires de ma vie. Et si l’habituelle tentation de renoncer vient frapper à la porte, il est facile d’y résister juste en décidant de n’y pas céder. Le calcul se fait dans la durée et l’endurance, dans ce que cet effort constant m’apporte depuis tout ce temps, sur le long terme, à commencer par ma vie professionnelle d’aujourd’hui. Lutter contre la vacuité n’est pas affaire de vitesse, c’est une course de fond. C’est fou ce qu’on peut faire simplement en le décidant.
Merci d’être encore là, on se retrouve l’année prochaine.
~ Antoine St. Epondyle
Tous mes articles :
Toutes mes articles (encore en ligne) depuis dix ans.
Toutes mes publications extérieures.
Les articles de la saison 11 (2020 – 2021) :
- Cosmo Orbüs a 11 ans
- Préférence Système, Ugo Bienvenu et la mémoire du monde
- Ce que Sombre m’a appris sur l’écriture de scénarios
- Gazer, mutiler, soumettre, Paul Rocher
- Qu’est-ce qu’un bon jeu de rôle ? (et comment le choisir)
- Mener une campagne qui tabasse (retour d’xp sur COPS)
- Pour en finir avec le meneur de jeu démiurge
- J’ai eu le plaisir d’écrire dans Vermine 2047, le jeu de rôle post-apocalyptique de Julien Blondel
- Ma contribution à l’Encyclopedia : le livre-univers pour le JdR Dragons (Fateforge)
- Le Poudlard de poche
- Seuls face au vent qui vient ?
- La dynamique de la table (de JdR)
- Bonne année 2021 quand même
- Mon bilan rapide pour 2020
- Organiser votre campagne de JdR en Bullet Journal
- Personnaliser son sexe dans Cyberpunk 2077
- Une brève histoire du cyberpunk (podcast)
- Des GAFA à GAÏA,
Masterclass d’Alain Damasio - L’histoire du cyberpunk (dans les jeux vidéo), Raphaël Lucas
- Des nouvelles de Nos Sphères
- Pour une révolution des imaginaires
- Tempest ou le sacrifice des vieux par Inio Asano
- Rencontre avec Mathieu Bablet pour Carbone & Silicium
- « Carbone & Silicium » : la nostalgie du futur selon Mathieu Bablet
- Ouverture de la saison XI